La Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP 27) a fermé ses portes le 20 novembre 2022, avec une déclaration qui a exigé deux journées supplémentaires de discussions (elle devait normalement s'achever le 18 novembre).
Certains Africains ont parlé de décision historique à propos du point d'accord demandant aux pays pollueurs d'assurer le financement des compensations des pertes et préjudices subis par les pays vulnérables durement touchés par les catastrophes climatiques.
Le Secrétaire Général de l'ONU, Antonio GUTTERES, semble aller dans le même sens lorsqu'il déclare : " Cette COP a fait un pas important vers la justice. Je salue la décision d'établir un fonds pour les pertes et dommages et de le rendre opérationnel dans un futur proche.
Cependant il ajoute que " ce ne sera clairement pas assez mais c'est un signal politique tout à fait nécessaire pour reconstruire une confiance brisée. " Cela signifie que le bilan n'est pas aussi satisfaisant que ce que les propos de certains Africains laissent à penser.
Comment ces derniers pourraient-ils d'ailleurs compter sur les gouvernements des pays développés qui, chez eux ne veulent pas renoncer à l'utilisation des énergies fossiles et se battre pour la réduction des gaz à effet de serre ? Comment faire confiance à ces pays qui ne se sont donc pas engagés clairement pour un vrai changement climatique, à ne plus faire subir des dommages aux pays vulnérables ? C'est bien ce que reconnait GUTTERES lorsqu'il affirme ceci : " Nous devons drastiquement réduire les émissions maintenant - et c'est une question à laquelle cette COP n'a pas répondu. "
A la fin de cette conférence, finalement plutôt décevante pour les pays Africains, le président français, Emmanuel MACRON a déclaré, vouloir organiser un sommet à Paris en 2023 pour mettre en place "un nouveau pacte financier" avec les pays vulnérables. "J'y travaillerai avec nos partenaires, a-t-il déclaré, en vue d'un sommet à Paris avant la prochaine COP" (Dubaï fin 2023).
Que faut-il entendre par là ? Que c'est lors de cette réunion à Paris que MACRON, réussirait ce qu'il n'a pas pu faire à Charm-el-Cheikh lors de la COP 27, c'est-à-dire faire entendre la voix des victimes du réchauffement climatique ?
Le connaissant, on se doute bien qu'il s'agit d'abord et avant tout de se mettre personnellement en avant comme à Montpellier en 2021. Mais plus sérieusement, prendrait-il une initiative qui irait contre ses intérêts ? Cette rencontre ne servirait-elle pas plutôt à redorer le blason d'une France en perte de vitesse en Afrique ?
Il est presque sûr que cet objectif sera atteint si la rencontre prévue à Paris a lieu. En effet, les dirigeants africains vont s'y précipiter dans l'espoir de glaner des miettes en contrepartie du soutien ainsi apporté à MACRON. Et que gagneront, par contre, les populations africaines ? Bien sûr le financement de quelques projets destinés à remédier aux dégâts du réchauffement climatique. Mais cela n'aboutira-t-il pas finalement pour les pays pauvres à continuer à viser un développement sur le modèle de ce qui a conduit peu à peu le monde à d'énormes problèmes environnementaux ? N'est-ce pas en réalité la politique de vouloir changer les choses sans les changer ?
Le cas de la Chine et de l'Inde devenus en quelques décennies les plus grands pollueurs de la planète, en même temps que les champions du système politico-économique occidental, est bien parlant en ce sens. Si les compensations, au-delà de la remédiation devaient transformer les anciennes victimes en nouveaux pollueurs alors les différentes rencontres internationales n'auraient servi à rien.
Au contraire, ne pourrions-nous pas espérer qu'à l'occasion de ces compensations on analyse plus à fond la question du dérèglement climatique ? En effet, si ce dérèglement est la résultante d'un certain mode de vie comportant gaspillage et manque de solidarité, cela ne remet-il pas en question les modèles sociaux, où certains font fortune de manière éhontée sans se préoccuper ni de leurs contemporains, ni des générations futures, un ordre mondial caractérisé par une course effrénée à la croissance dans un climat de compétition dont les plus pauvres sont toujours les victimes, un monde fait pour les riches qui continuent à s'enrichir sur le dos des plus pauvres. ?
La décision de faire un tant soit peu justice aux plus pauvres dans le cadre du climat, ne pourrait-elle pas constituer le début du temps où on renonce à des sociétés fondées essentiellement sur les inégalités entre citoyens, entre pays et entre continents ? Est-ce un rêve irréalisable ?
Et si ce qui concerne le climat faisait comme tache d'huile pour s'étendre à d'autres domaines de notre vie commune ? Si le ciel s'éclaircissait quelque peu pour ceux qui semblaient être condamnés à tenir toujours la dernière place et dont on ne veut presque jamais entendre leur point de vue ?
Imaginons, en effet, une fin heureuse aux transitions au Mali, au Burkina Faso, et dans toute l'Afrique de l'Ouest en général, cela ne mettrait-il pas à mal un modèle de coopération dominé par un seul pays, imposant ses points de vue comme des ordres ?
Au cours de ces derniers mois, un certain nombre de pays africains francophones, dont le Togo, sont entrés au Commonwealth. Est-ce là la solution ? On pourrait rêver que cela permettrait de commencer à mettre au passé la Françafrique par une diversification des partenariats. Malheureusement, reconnaissons-le, l'actualité semble donner peu de chances à ce rêve.
Ces derniers jours, le jeudi 17 novembre 2022, le ministère français des affaires étrangères a annoncé la suspension de l'aide publique au développement au Mali. En réponse, les autorités maliennes ont interdit les activités des ONG soutenues par la France. Evidemment beaucoup de personnes travaillant dans ce secteur se sont alarmées, avec raison, du fait que près de 8 millions de Maliens, ont absolument besoin d'assistance. Pourtant, on peut se demander pourquoi tant de Maliens ne peuvent pas vivre sans l'assistance des ONG ?
La suspension de l'aide française et l'interdiction des ONG n'obligeront-elles pas les Maliens à se dire qu'il est temps d'aller vers une société qui s'occupe elle-même de ses pauvres, en développant des mécanismes et des dispositifs originaux de solidarité ? Cela signifierait que les Maliens auraient changé la vision qu'ils ont d'eux-mêmes et cela inviterait certainement d'autres Africains à faire de même.
Le temps ne serait-il pas ainsi venu pour que nous changions de perspective ?
Par exemple, Teodoro OBIANG NGUEMA, président de la Guinée Equatoriale depuis 1979, vient de se présenter à l'élection présidentielle pour un sixième mandat. Comment pourrait-on qualifier son régime sachant qu'en plus de cela son parti détient 99 des 100 sièges de l'Assemblée Nationale et les 55 sièges du Sénat ? Robert DUSSEY, Ministre Togolais des Affaires Etrangères, de l'Intégration Africaine et des Togolais de l'extérieur, répondant aux questions de Clémentine PAWLOTSKY, sur Radio France Internationale (RFI) le 23 novembre 2022, affirme que le Togo est bel et bien une démocratie.
Et il s'explique : " Je crois qu'il faudrait dépasser certaines appréhensions qu'on a sur le Togo. L'année prochaine, il y aura les élections régionales, il y aura les élections législatives. En 2025, il y aura les élections présidentielles au Togo. Le rythme politique électoral est respecté au Togo, tous les cinq ans. Le Togo est bel et bien un État démocratique... "
Comment les pays occidentaux pourraient-ils changer sur nous leurs représentations, nous prendre au sérieux, lorsque nous-mêmes, nous avons une telle vision de notre vivre-ensemble ? Les institutions dans les pays africains et celles du continent comme la CEDEAO et l'UA, permettent-elles aux citoyens et aux peuples de vivre mieux ? Sont-elles des réponses aux drames de l'Ocean-Viking ? Que la politique ne tue pas le politique (le vivre ensemble) !