Afrique: Qatar 2022 - ni pourquoi, ni comment, seulement combien

Le 2 décembre 2010, par 14 voix contre 8, la Coupe du monde 2022 était attribuée au Qatar. À la stupéfaction goguenarde générale. Parmi les stars du football qui ont soutenu la candidature du Qatar : Michel Platini (alors président de l'UEFA), Zinédine Zidane, Pep Guardiola, David Beckham, Xavi Hernandez. Et, déjà tout de suite, depuis chaque fois, la même question : combien ? Contre le Qatar, il y avait la candidature des États-Unis. En 1994, aux États-Unis, le "soccer" avait débarqué dans un pays qui sait faire la fête. Et mettre tout le monde à l'aise. Aucun interdit alimentaire. Aucun bannissement de la bière. Aucune contrainte vestimentaire. Cochonnailles, alcool, short. Aucune restriction, et certainement pas d'injonction religieuse. Certes, le soccer masculin n'avait aucune chance au pays du superbowl, mais les Américaines, elles, sont devenues Championnes du monde de foot, et même quatre fois. Et sans qu'on s'interroge si elles allaient jouer en short court ou en "panta-long". Début juin 2015, The Washington Post publiait une graphique comparant le nombre de morts sur les chantiers des JO (Londres, Vancouver, Sochi, Pékin) et des Coupes du monde de football (Afrique du Sud, Brésil).

Les chantiers qataris étaient, et de très loin, les plus meurtriers. Les chiffres du Guardian, publiés en février 2021, ont marqué les esprits : 6510 travailleurs migrants (essentiellement Indiens, Népalais, Bangladeshis, Pakistanais, Sri Lankais) décédés sur les chantiers de la Coupe du monde, depuis 2010. Les dénégations des autorités qataries n'ont pas éteint la polémique. Pas plus que les explications de la Secrétaire Générale de la FIFA, ancienne représentante résidente du système des Nations Unies à Madagascar. Entre 2010 et 2013, les chiffres collectés auprès des trois ambassades de l'Inde, du Népal et du Bangladesh, donnèrent un total de 1800 décès parmi leurs ressortissants qui travaillent sur les chantiers de la Coupe du Monde. Une moyenne de 600 décès par an : résignée, la FIFA a envoyé une lettre à chacune des trente-deux fédérations qualifiées pour les inviter à se concentrer sur le football. "Joue et tais-toi".

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Le Qatar prétendait inviter la Coupe du Monde de football, mais ce pays sans tradition footballistique, ni tradition festive, aura confisqué l'esprit du deuxième plus grand rassemblement sportif avec les Jeux Olympiques. C'est une leçon à méditer pour ceux qui voudraient attribuer à l'Arabie saoudite l'organisation des J.O. d'hiver dans un autre pays de rigorisme religieux.

Le Qatar voulait, par le sport, exister sur la carte du monde. Avec l'organisation de la Coupe du Monde de football, il était inévitable que les qualités et les travers soient scrutés et grossis. Ainsi, de l'accent mis particulièrement sur le système "Kafala" qu'ailleurs, on aurait déjà qualifié d'esclavage moderne. Mais, c'est un marketing pays qui avance, imperturbable, à force de millions de dollars. Avec, au moins, une véritable cohérence, "Qatar Vision 2030". Et des "ambassadeurs" de choix. Le FC Barcelone, qui n'avait jamais eu de sponsor officiel depuis sa création en 1889, affichera successivement les marques Qatar Foundation et Qatar Airways sur son maillot blaugrana.

Le Qatar s'est donné les moyens de sa notoriété : Al Jazeera, BeIn Media Group, Qatar Airways, un tournoi ATP à Doha, un Grand Prix de Formule 1, achat du PSG, organisation des championnats du monde de handball (2015) et d'athlétisme (2019). La création de l'Aspire Academy, en 2004 a accouché d'un authentique champion du saut en hauteur, Mutaz Essa Barshim : champion du monde indoor 2014, champion du monde 2017, 2019 et 2022, médaille d'or JO Tokyo 2020, médaille d'argent JO Londres 2012 et Rio 2016. Le Qatar, c'est énormément de pétrodollars, mais également des idées. De la suite dans les idées. Heureusement encore, on ne devient pas champion du monde de football juste en signant des chèques. Ce vendredi 25 novembre 2022, le Qatar devenait le premier pays organisateur d'une Coupe du monde à perdre ses deux premiers matchs et se faire éliminer d'entrée. Une certaine morale à cette histoire qui puait de l'argent qui n'a pas d'odeur.

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