Madagascar: Leçon de commerce aux Grands du Royaume

Petite leçon de gestion commerciale donnée par un grand sage du XVIIIe siècle. La paix instaurée en Imerina, Andrianam-poinimerina décide de créer les marchés tsena pour remplacer les fihaonana, anciens lieux de rencontre implantés par les clans pour écouler ou échanger leurs butins humains de guerre. Le roi réunit par deux fois ses sujets, à Andohalo et Antsahatsiroa, pour leur annoncer la bonne nouvelle et les encourager à y vendre tous les produits de la terre, de l'élevage, de l'artisanat, de la forêt et même les esclaves.

Sauf le porc, l'alcool et le chanvre qui ne doivent pas pénétrer dans le centre de l'Imerina, mais rester au-delà de l'Ombifotsy à l'Ouest, de l'Ambodinangavo à l'Est, de l'Analaroa et du Vakinisisaony au Nord. Quelques jours plus tard, il réunit les Grands du Royaume pour discuter de la législation à appliquer sur les marchés quotidiens et hebdomadaires. La plupart de ses conseillers lui suggèrent alors de prendre une part de tous les produits, du simple manioc aux esclaves. Ce que le souverain agrée. Toutefois, le sage Hagamainty s'insurge contre cette idée de généraliser cette sorte d'imposition, s'appuyant sur le discours même du souverain à Andohalo et à Antsahatsiroa.

Ainsi, il met en évidence la contradiction entre l'incitation des sujets à vendre et à acheter, et l'imposition de règle à tous les produits, ce qui ne peut qu'être décourageant. Andrianampoinimerina a, en effet, expliqué aux ambaniandro (Merina) le but des marchés : donner la chance à tous, surtout aux moins nantis, de se faire de l'argent en commercialisant leurs produits, exigeant des riches, à commencer par la famille royale, de " faire vivre le marché ". Ils permettront aussi de retrouver les objets volés. La suggestion des autres conseillers du roi va pourtant à l'encontre de cet objectif, insiste Hagamainty.

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" Vous imposez cette règle, mais c'est nous les Grands qui collectons les produits en notre nom, prenant au passage notre part. " De quoi appauvrir et faire fuir les marchands et, donc, de fermer les marchés. D'ailleurs, ajoute le Sage, " même du temps des fihaonana, aucun chef de clan, si belliqueux soit-il, ne s'est permis de faire cette imposition. " Selon Hagamainty, le fait de prendre une partie des produits mis en vente, équivaut à " punir des innocents ", c'est-à-dire leur faire payer une amende pour un délit qu'ils n'ont pas commis. Et de poursuivre : " Si vous persistez à appliquer cette règle, que ferez-vous de tous ces produits ? Vous les partagerez à votre famille, à votre parenté, à nous les Grands, et nous serons repus, notre richesse augmentera, mais le peuple s'appauvrira. "

Continuant sur sa lancée, il assène : " Pour simplifier, pourquoi ne pas fermer les marchés et accaparer immédiatement tous les biens des Merina puisqu'en fait, nous voulons aller à l'encontre de ce qui a été dit à Andohalo et à Antsahatsiroa et que nous trompons les 'ambaniandro' ? " Abordant un autre aspect du marché, la clientèle, Hagamainty montre quelque réticence concernant le comportement probable des princes et des Grands et se pose des questions. Les marchands peuvent-ils, sans crainte, refuser de leur vendre leurs produits s'ils exigent un, prix dérisoire ou veulent dépasser les clients plus humbles dans la file d'attente ? En entendant cette tirade qui les confond, les autres conseillers du roi se taisent, ahuris, quelque peu apeurés. Pourtant, Andrianampoinimerina ne se trouble pas. Au contraire, il leur demande de faire part, à leur tour, de leur avis à l'instar de Hagamainty. Mais ne sachant que dire, ils demandent un temps de réflexion. Ils reviennent le lendemain, sans Hagamainty. Le Tsimahafotsy Rabefiraisana parle en leur nom et ne fait que reprendre, en plus nuancées, les paroles du sage conseiller. C e qui a le don d'énerver le souverain qui insiste pour avoir " votre avis personnel ".

N'ayant rien à ajouter, le conseiller Rafiara estime qu'il faut appeler le conseiller absent. À quoi le souverain rétorque : " Ce n'est pas le seul Hagamainty qui gouverne, mais vous tous. À moins que vous n'ayez aucun conseil à me donner. Quand vous discutez chez vous pour le bien de votre foyer, avez-vous besoin de Hagamainty ? " Néanmoins, sans être décontenancé, un troisième conseiller, Ranoko, affirme que seule une idée née de discussions est fondée. Mais Andrianam-poinimerina persiste à avoir leur opinion. Finalement, ils reconnaissent qu'ils se rangent sur tout ce que Hagamainty a dit.

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