Nous voilà confrontés à un nouveau féminicide commis apparemment par un agent des forces de l'ordre qui serait passé aux aveux. Même si l'agresseur a avoué, l'enquête suit son cours et nous ne pouvons commenter plus longuement cet énième crime contre une femme.
Chaque année, entre le 25 novembre et le 10 décembre, Journée mondiale des droits humains, il y a 16 jours d'activisme sur la problématique de la violence contre les femmes à l'initiative de l'Organisation des Nations unies (ONU). La campagne "Tous unis d'ici 2030" pour mettre un terme à ce fléau, qui a vu beaucoup de féminicides un peu partout dans le monde, se traduit de différentes façons et mobilise les États membres de l'ONU, mais surtout les organisations non gouvernementales (ONG).
Selon ONU FEMMES, au cours des 12 derniers mois qui ont précédé le début de la pandémie de Covid-19, 243 millions de femmes et de filles dans le monde ont été victimes de violences de la part de leur partenaire intime. À Maurice aussi, nous savons que pendant le confinement, il y a eu une augmentation de la violence "domestique" qui a affecté les femmes ainsi que les enfants, directement ou en tant que témoins de cette violence. Bien sûr, les activistes femmes et hommes, épris de justice et militant pour un monde plus paisible et humain, redoublent d'efforts pendant ces 16 jours ce qui n'implique pas que pendant le reste de l'année, ils vont mettre leur engagement entre parenthèses. Il est cependant important de mettre fortement en lumière tous les efforts entrepris afin de leur donner une grande visibilité par tous les moyens de communication.
Les médias ont donc un rôle important à jouer pour sensibiliser ceux qui ne sont pas encore conscients de l'ampleur de ce problème du point de vue humain et social. Cette forme de violence très ciblée est complexe et mérite une attention particulière.
Jusqu'ici, on a beaucoup mis l'accent sur les solutions juridiques. La Protection from DomesticViolence Act adoptée en 1997 a été amendée en 2004, 2011 et 2016 pour élargir la définition de la violence et appliquer la loi à tous ceux qui vivent sous le même toit. Son approche est de proposer des Protection Orders préventifs. Les juges interdisent à ceux qui sont reconnus comme agresseurs d'approcher leur victime, qui est souvent une femme avec laquelle ils vivent.
Il y a aussi un Occupation Order ou un Tenancy Order pour ceux qui vivent sous le même toit, qui ont cohabité ou qui ont un enfant en commun. Ces ordres permettent en théorie d'imposer un éloignement en donnant à la victime le droit exclusif de rester au domicile conjugal, même si elle n'en est pas propriétaire, ou si c'est un logement en location. Mais ces ordres sont très rares et difficiles à obtenir. Le plus souvent, la victime est obligée d'aller chercher refuge ailleurs, chez des parents, des amis ou dans un shelter. On sait qu'il n'y a pas suffisamment de place dans de tels abris. Le non-respect de ces ordres est sanctionné pénalement. Mais un agresseur "malade" n'est pas capable de se retenir et les lois ne l'empêcheront pas de passer à l'acte.
L'approche juridique a visiblement des limites. Il est donc important de faire appel à toute notre intelligence et mener davantage de recherche en sciences sociales pour pouvoir agir en amont. Il faut investir dans la prévention.
Le 20 novembre 2020, le gouvernement a adopté une Stratégie nationale et un Plan d'action 2020-2024 qui s'inscrivent dans le cadre du Plan d'action de Beijing. Le Premier ministre, qui préside le Haut-Comité créé dans ce contexte, a expliqué que l'approche du Haut-Comité est nouvelle, systémique et tient compte des questions transversales. Le Programme des Nations unies pour le développement apporte son soutien à cette initiative. L'Union européenne lui donne aussi son appui.
Depuis le 25 novembre 2020, une application appelée LESPWAR, disponible sur les téléphones mobiles, permet aux victimes de violence d'appuyer sur un bouton qui alerte immédiatement et simultanément le Main Police Command Control ainsi que le ministère du Genre grâce à la géolocalisation. Et ils déclenchent une intervention immédiate de la police locale qui, normalement, devrait au moins sauver la victime. Mais les personnes qui en ont le plus besoin connaissent-elles l'existence de cette application ? Combien de cas a-t-on enregistrés ? Les policiers sont-ils évalués et formés pour pouvoir agir de manière responsable dans de tels cas ? Quid de la suite après l'intervention de la police et du ministère ?
Le défi demeure énorme pour tous les pays démocratiques. Comment prévenir et enrayer la violence ? Comment convaincre ceux qui sont violents de se faire aider pour apprendre à se contrôler ? Comment amener les couples à mieux vivre ensemble? Comment créer un environnement paisible dans les villes, les villages, les lieux de travail, à l'école, partout ?... Autant de questions que tout le monde devra se poser pendant ces 16 jours d'activisme. Car si nos gouvernants sont en première ligne pour trouver des solutions, chaque citoyen a aussi ses responsabilités à assumer chaque jour et en toutes circonstances. C'est une question sur laquelle devraient plancher tous les élus ensemble, car la politique partisane ne nous aidera pas.