Faut-il préciser qu'une loi d'investissement libérale n'a de sens qu'avec un code d'investissement libéral ! Libéraliser, tout libéraliser en gardant, bien entendu, un rôle important pour l'Etat, celui de la régulation...
Durant les 10 dernières, années la croissance économique était alimentée par les services marchands à l'instar du tourisme et du transport... et elle est tirée aujourd'hui par des services non marchands. Ce qui est positif c'est que de nombreux secteurs ont viré de la zone rouge vers la zone verte notamment l'agroalimentaire et le tourisme qui se sont bien développés... le plus gros problème que rencontre l'investissement est l'absence de vision claire soutenue par l'écosystème et le leadership politique sur les questions économiques qui sont malheureusement laissées pour compte.
Et là, avec l'introduction de la loi de l'investissement, on comprend mieux que le problème d'implémentation est un vrai obstacle et que sa résolution n'est possible qu'avec une réelle volonté politique... c'est la réalité d'aujourd'hui... on a une économie "étatiste" en faillite et l'Etat n'a aucune raison de lancer des projets d'investissements publics structurants qui aggraveraient davantage son endettement. L'ancien chancelier Schmidt disait : "Les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain"...
Partant de la longue liste des secteurs prioritaires mentionnés dans la loi d'investissement de 2016 et sur la base d'entretiens réalisés avec plus d'une cinquantaine d'investisseurs tunisiens et étrangers, la haute autorité de l'investissement a tenté de pointer du doigt les principaux freins de la Tunisie pour rivaliser avec les principales destinations concurrentes et de sensibiliser les différents décideurs politiques sur les facteurs clés de localisation/succès analysés par les investisseurs.
Ces constats ont par ailleurs permis de générer un consensus fort, pas moins de 40 mesures sectorielles et transverses devant permettre à terme de réduire les écarts avec des pays concurrents et donc d'améliorer l'attractivité de la destination Tunisie ; mesures validées par le gouvernement qui les a même pleinement intégrées dans son programme de relance relatif à l'amélioration du climat des affaires.
Le gouvernement s'est notamment engagé à revoir la gouvernance de l'investissement, à supprimer les autorisations et simplifier le parcours de l'investisseur à travers l'implémentation des 40 mesures composant les feuilles de route de l'investissement. Oui, mais voilà ! Plus de trois ans après, là où devrait commencer l'histoire, (celle -ci reste en suspens !), l'initiation de cette démarche ayant mobilisé la grande majorité des acteurs publics et privés opérant sur les secteurs prioritaires identifiés (pharma, automobile, aéronautique et TIC)... rien n'a vu et ne voit le jour, le constat est amer : l'inertie totale !
L'exécutif tergiverse, hésite, ne sait pas comment opérer... et, pendant ce temps, alors que nos concurrents directs, à commencer par notre voisin marocain, s'activent et tirent profit des nombreuses dynamiques de relocalisation initiées ou accélérées suites aux crises du Covid et guerre en Ukraine... nous stagnons, voire régressons... notre problème, dit-on, est notre fameuse transition qui tarde à s'accomplir.
En attendant d'hypothétiques financements (accord final avec le FMI ), l'exécutif se limite à constater les dégâts et à gérer ou plutôt accompagner la crise comme il le peut, en allant chercher le financement, là où c'est le plus facile, c'est-à-dire chez le contribuable, occasionnant, au passage, l'aggravation de la crise économique et sociale... les solutions sont ailleurs, dans la libéralisation de l'initiative économique et la simplification des procédures, à titre d'exemple, pour enfin mettre fin aux pénuries, l'Etat doit abandonner le monopole qu'il exerce pour les produits de base importés... et ouvrir la porte à la concurrence et aux entreprises privées, il est important de reconsidérer le rôle de l'Etat, faut-il seulement le rappeler?
Il faudra trouver de nouvelles voies à emprunter afin de faire face aux difficultés économiques... l'Etat ne devrait plus intervenir dans les prix mais laisser l'offre et la demande faire le travail, le marché saurait faire son arbitrage et le rôle de l'Etat étant de mettre les règles de bonne concurrence et de combattre les spéculations en cas de dépassements...
Finalement, pour le sauvetage de notre économie, il faudra trouver le moyen d'aider l'ancien modèle à s'éteindre rapidement pour que puisse naître un nouveau modèle où l'Etat "social démocratique" fournira à ses citoyens des services publics de qualité, à savoir ceux de la santé, de l'éducation, des transports, et mettre en place un climat des affaires propice à l'initiative privée et à l'innovation, un modèle de développement durable et inclusif qui puisse gommer les déséquilibres régionaux.
Economiste - Société Civile