Afrique: Les personnes touchées par le SIDA encore très stigmatisées dans le continent

Une épinglette de sensibilisation au VIH.

Plus de quarante ans après le début de l'épidémie de sida, les personnes vivant avec la maladie en Afrique font face à une stigmatisation encore bien présente, malgré le travail des associations pour leur venir en aide. À l'occasion de la journée mondiale de lutte contre le sida, ce jeudi 1er décembre, tour d'horizon des réflexions sur la discrimination, devenue un frein à la riposte au VIH.

Isolement, jugement, agressions verbales et physiques, les attitudes blessantes à l'égard des personnes vivant avec le VIH n'ont pas vraiment changé depuis les années 1980. En cause : cette idée reçue que le VIH et le sida riment avec des comportements sexuels immoraux. Ce message est véhiculé parfois par des chefs religieux sur le continent.

Le VIH reste un tabou " associé à l'immoralité "

Au Kenya, le prophète autoproclamé David Owuor a de nouveau promis la semaine dernière de guérir les personnes séropositives par la prière. Un discours qui séduit dans ce pays conservateur où plus de 80% de la population est chrétienne.

"Dans l'imaginaire collectif, le VIH est associé à l'immoralité, aux rapports sexuels hors mariage. Les gens le considèrent comme un tabou, ils ne sont pas assez éduqués, explique Nelson Otwoma, PDG de Nephak, un réseau national d'autonomisation des personnes vivants avec le VIH à Nairobi. Même les professionnels de santé portent des jugements faux. Ils considèrent par exemple qu'une jeune fille ou un jeune garçon peuvent ne pas être en âge d'avoir le VIH. Les gens perdent toute motivation à se faire soigner et refusent les traitements de peur d'être stigmatisés ", affirme-t-il.

Discrimination par la famille

Pourtant, des exemples ne manquent pas de personnes ayant contracté le VIH en dehors de tout rapport sexuel. Oscar Ewaa l'a contracté à travers une contamination sanguine, lorsque sa tante, aujourd'hui décédée, l'a contaminé intentionnellement.

" Je n'avais que 7 ans, se souvient-il. Elle m'a coupé pour que je saigne, puis s'est coupée elle-même. Elle voulait me contaminer. Parce que peu de temps après qu'elle m'ait adoptée, son enfant, qui avait mon âge, est mort. Son mari a donc fait l'amalgame et m'accusait d'être responsable du décès de son enfant. "

Quand Oscar a été testé positif au VIH, c'est là où la discrimination a commencé. " Ma famille m'a rejeté, j'étais obligé de faire les poubelles pour manger, je dormais avec les poules dans la cuisine, j'ai fini par faire la manche dans les rues. En Ouganda, une fois que vous êtes séropositif, c'est difficile de trouver un emploi. "

Plus d'un tiers des personnes vivant avec le VIH sans emploi car discriminés

D'après l'enquête globale sur l'indice de stigmatisation, réalisée par le Réseau mondial des personnes vivant avec le VIH (GNP+), plus d'un tiers de personnes vivant avec le virus dans des pays comme la République démocratique du Congo ne travaillent pas en raison de la discrimination à l'embauche.

" La stigmatisation et la discrimination touchent presque chaque domaine de la vie des personnes vivant avec le VIH. Elles entravent leur accès au traitement, à leurs droits de base, à l'emploi, ou même leurs interactions avec leurs pairs ", explique Omar Syarif, coordinateur de l'indice au sein du GNP+.

L'une des causes majeures, ce sont les normes sociales et l'influence des croyances religieuses.

Manque de financements contre les préjugés

Dans la sous-région de Lango dans le nord de l'Ouganda, Oscar a lancé une campagne de sensibilisation pour toucher les jeunes : certains avaient arrêté leurs traitements sous la pression de leurs pasteurs.

" Nous avons enterré quatre jeunes séropositifs. Ils sont morts parce qu'ils croyaient en une guérison divine, alors j'ai décidé de lancer cette campagne pour les encourager à prendre leurs médicaments avec la même ferveur que celle avec laquelle ils priaient Dieu. "

" Le problème c'est que personne ne finance des programmes pour lutter contre cette stigmatisation, déplore Nelson Otwoma, PDG de Nephak. On finance les traitements antirétroviraux, mais aucun bailleur ne donne des ressources pour des programmes de sensibilisation pour que les communautés sachent comment éviter la stigmatisation. "

L'autostigmatisation

Les principales populations victimes de la stigmatisation sont des travailleurs du sexe, des toxicomanes et des femmes non mariées : à toutes ces populations, on reproche leur style de vie.

Pour Omar Syarif, de GNP+, pour surmonter le mauvais regard des autres, il faut d'abord travailler sur soi-même : " L'autostigmatisation reste un phénomène important. Car certaines personnes séropositives ont honte d'elles-mêmes et se jugent indignes ", déclare-t-il.

Omar est aussi séropositif et vit avec le VIH depuis 17 ans :

" Pour surmonter certains de mes problèmes personnels liés à la stigmatisation et à la discrimination, j'ai dû d'abord me convaincre que j'avais les mêmes droits que n'importe qui. Ça veut dire ne pas avoir honte de mon statut sérologique. Aujourd'hui, je prends mon traitement, j'ai une famille et je peux parler ouvertement avec mes proches de ma séropositivité. Une fois que vous avez fait la paix avec vous-même, alors ce sera pour vous plus facile de surmonter la stigmatisation qui vient des autres. "

Le Rwanda poursuit sa bonne gestion du sida et veut atteindre les objectifs de l'OMS Au Rwanda, l'Onusida estimait en 2021 à 2 400 le nombre de morts liées à la maladie dans le pays, un chiffre en baisse de 84 % depuis 2004. L'Organisation mondiale de la santé cite d'ailleurs le pays comme l'un des neuf pays africains en bonne voie pour atteindre les objectifs de lutte contre l'épidémie d'ici 2025: selon les chiffres de l'Onusida, le Rwanda en est aujourd'hui à 94 % de séropositifs qui connaissent leur statut, 93 % d'entre eux sont suivis et 91 % n'ont plus de charge virale détectable, et veut désormais atteindre les 95 % pour les trois critères.

Au centre de santé public du quartier de Remera dans la capitale Kigali l'infirmier Ruvuzandekwe Phanuel consulte le dossier de l'une de ses patientes dans la salle de consultation: " On leur demande pendant la consultation leur poids, les résultats du test de la charge virale du VIH, puis ils vont à la pharmacie, où ils reçoivent des conseils sur la bonne adhésion aux médicaments. "

Objectif : s'assurer du bon suivi du traitement et vérifier régulièrement l'évolution du virus et un accompagnement personnalisé selon le risque que présente le patient :" Ca peut être tous les mois, ou les trois ou six mois. Aujourd'hui, j'ai reçu la patiente après un mois, parce que sa charge virale est encore détectable. "

Dans le centre de santé, environ 20 nouveaux cas positifs sont détectés tous les mois, avec de plus en plus de dépistages ciblant les personnes à risque et liées à des patients séropositifs. Leonidas Batamugira, directeur de l'établissement: " Notre objectif, c'est d'atteindre les ambitions des trois 95 : 95% de diagnostiqués, 95% des personnes diagnostiquées sous traitement et 95% des personnes sous traitement qui n'ont plus de charge virale. "

Selon les chiffres de l'Onusida, le Rwanda en est aujourd'hui à 94 % de séropositifs qui connaissent leur statut, 93 % d'entre eux sont suivis et 91 % n'ont plus de charge virale détectable.

Reportage dans un centre de santé à Kigali, qui poursuit sa bonne gestion du sida et veut atteindre les objectifs de l'OMS

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