Afrique: Rendez-nous l'Allemagne

Il y a quarante ans, se disputait à Séville un des matches les plus mémorables de la Coupe du Monde de football. La RFA (Allemagne de l'Ouest) affrontait la France : trois buts partout après prolongations et finalement l'Allemagne se qualifiera pour la finale, aux tirs de pénalty. Dans les prolongations, et alors qu'elle était menée 1-3, l'Allemagne avait évolué avec trois (vrais) attaquants : Karl-Heinz Rummenigge, Horst Hrubesch et Klaus Fischer qui furent tour à tour, au moins une fois, meilleur buteur de la Bundesliga.

Trois attaquants compétitifs de la même génération, voilà quarante ans. Et aucun vrai numéro 9 depuis plus d'une décennie. Le titre de meilleur buteur de la Bundesliga revient désormais régulièrement à des avant-centres étrangers dont Robert Lewandowski (Pologne), sept fois meilleur buteur des dix dernières saisons. Et quand un Allemand s'illustre, il n'est pas récompensé avec la Mannschaft parce que non sociétaire du Bayern de Munich : Alexander Meier (Francfort), Stefan Kiessling (Leverkusen), Martin Max (Munich 1860).

Ce vide sidéral est un comble au pays des Uwe Seeler, Gerd Müller ou du double Ballon d'Or Rummenigge. Ces finisseurs germaniques ont été remplacés dans le jeu par des "artistes" du ballon, d'origine étrangère : Mesut Özil, Leroy Sane, Jamal Musiala... Et le si problème de la perte d'identité du football allemand était là, déjà ?

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La "frappe de mule" d'un Andreas Brehme a fait place aux dribbles interminables de danseurs qu'on dirait latins ou brésiliens. Si l'imitation du jeu barcelonais, tout en possession, a été consacrée par un titre de champion du monde en 2014, les désillusions d'un système sans véritable numéro 9 sont tout de même plus nombreuses, sinon de plus en plus fréquentes avec cette troisième élimination prématurée en deux coupes du monde et un Euro, faisant mentir la célèbre boutade "le football se joue à onze, et à la fin, c'est l'Allemagne qui gagne" (parce qu'il y eut trois finales d'affilée en Coupe du Monde, trois finales de suite en Coupe d'Europe).

L'Allemagne ne gagne plus, sans doute simplement parce qu'elle n'est plus l'Allemagne. Celle de l'improbable "miracle de Berne" face à l'ultra-favorite Hongrie (1954), celle de la demi-finale de Mexico contre l'Italie (1970), celle qui remonte deux buts de retard en finale contre l'Argentine de Diego Maradona (1986). La liste des remontada n'est pas si longue, finalement, mais deux ou trois exploits ont assis une réputation de combativité qu'a bazardée la génération actuelle.

Huit finales de Coupe du monde pour quatre couronnes, cinq finales de l'Euro pour trois titres : ce palmarès a été bâti avec des principes de jeu et des profils de joueurs que les supporters de toujours ne décèlent même plus chez une équipe qui a renoncé au nom "Mannschaft", jugé trop arrogant. À force de se renier, on finit par ne plus exister.

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