Afrique de l'Ouest: 62e sommet de la CEDEAO - Mali, Guinée, Burkina : des transitions aux agendas incertains

La 89e session ordinaire du Conseil des ministres de la CEDEAO s'est tenu à Abuja, au Nigeria

C'est un sommet marathon que les chefs d'Etat de la CEDEAO ont tenu hier à Abuja. De la situation politique au Mali, en Guinée et au Burkina à la stratégie de lutte contre le terrorisme dans la région en passant par la question de la monnaie commune, l'ordre du jour a mis sur la table des sujets à forts enjeux.

Rien d'étonnant alors que le sommet n'ait pas abouti à des conclusions spectaculaires, les chefs d'Etat ayant préféré s'inscrire dans une logique d'arrondir les angles, évitant les invectives qui fâchent notamment à propos des situations au Mali, en Guinée et au Burkina.

Pourtant dans ces 3 pays, sous régime transitoire, les agendas d'un retour à des pouvoirs civils démocratiquement élus sont d'un clair-obscur inquiétant, marqué du sceau de l'incertitude.

Ainsi au Mali, si avec beaucoup de patience le médiateur Goodluck Jonathan a fini par convenir avec les nouvelles autorités d'une transition de 24 mois, personne ne parierait un kopeck que ce délai sera respecté. Pourquoi ? Parce que le défi de la pacification du pays demeure immense notamment dans les régions du Centre et du Nord.

Pas sûr que le choix d'une diplomatie agressive contre la France et la MINUSMA, qui a fait partir la force Barkhane et gêné des pays contributeurs en troupes des casques bleus, soit bénéfique dans la lutte contre le terrorisme. Jusqu'où le souverainisme aigu du Mali va freiner l'appui de la CEDEAO et de la communauté internationale aux populations maliennes ? Bien d'observateurs ne sont pas loin d'indexer une mauvaise volonté des autorités maliennes de respecter les 24 mois de transition arrêtés d'un commun accord avec la CEDEAO.

En Guinée, ce fut aussi des discussions qui ont traîné en longueur avant que le curseur d'un retour à une vie constitutionnelle normale soit réglée sur 24 mois. Mais à quel moment commencer le compte à rebours pour la fin de la transition ? En effet, c'est le 21 octobre 2022 que le facilitateur de la CEDEAO, Thomas Yayi Boni et le gouvernement du Colonel Mamadi Doumbouya étaient tombés d'accord pour une transition de 24 mois.

Alors que le gouvernement guinéen a annoncé que le compte à rebours de ces 24 mois c'est pour compter du 1er janvier 2023, la CEDEAO attendait le rapport de son médiateur pour décider à quelle date commencer le décompte du délai de mise en œuvre du chronogramme de sortie de la transition. Quand on sait que le gouvernement guinéen avait proposé une durée de 39 mois à la transition, si le compromis de 24 mois obtenu avec le négociateur de la CEDEAO devrait commencer à courir en janvier prochain, c'est indirectement la proposition initiale d'une transition de 39 mois qui sera ainsi validée. La CEDEAO fera-t-elle une telle largesse au colonel Mamadi Doumbouya ? Rien n'est moins sûr. C'est dire que la fin de la transition en Guinée est également inscrite dans un chronogramme incertain.

Au Burkina, la transition est censée s'achever en juillet 2024, selon le chronogramme arrêté de commun accord avec la CEDEAO. Mais là aussi l'insécurité persistante est un sérieux hypothèque sur le respect de ce calendrier. Plus grave, les "velléités de déstabilisation à ne pas confondre avec tentative de coup d'Etat", selon le ministre porte-parole du gouvernement burkinabè, ne rassurent pas plus d'un observateur. A l'évidence, le nouveau pouvoir cherche encore ses marques et sa priorité n'est pas de penser à l'organisation d'élections, furent-elles dans 20 mois.

Du Mali au Burkina, en passant par la Guinée, à la CEDEAO de trouver le juste milieu pour inviter fermement les nouvelles autorités au respect de son Protocole additionnel sur la bonne gouvernance et la démocratie tout en bannissant les invectives et les sanctions improductives. Le nouveau président de la Commission, le Gambien Omar Alieu Tourey, qui a prêté serment d'entrée en fonction à ce 62e sommet, saura-t-il trouver ce juste milieu ?

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