Chaque année, la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, commémorée le 25 novembre, donne le coup d'envoi de 16 jours d'activisme qui se terminent le 10 décembre, lors de la commémoration des droits de l'homme par les Nations unies. Malgré ces actions citoyennes et des provisions légales, la protection des femmes mauriciennes contre la violence conjugale demeure lettre morte.
"Protection order li koumadir pé prévenir enn lépidémi ar panadol", s'insurge Lindsey Collen, membre de Muvman Liberasyon Fam. En effet, comme le confirme une source du ministère de l'Égalité des genres, du développement de l'enfant et du bien-être de la famille, plus d'un millier de femmes demandent un ordre de protection chaque année. Des demandes bien inférieures au nombre de signalements de violence conjugale. "Beaucoup de femmes font appel à la police dans des cas de violence mais ne vont pas de l'avant pour porter plainte ou demander un protection order", explique-t-elle.
Cependant, le plus grave dans tout cela, c'est que trois sur cinq femmes qui ont un protection order se font à nouveau agresser. "Chaque année, plus de 100 violations de cette ordonnance sont enregistrées." D'ailleurs, pas plus tard que le 23 novembre, Maurice s'est réveillé dans la stupeur en apprenant qu'une femme qui détenait un protection order avait été poignardée et brûlée par son époux, qui n'est autre qu'un policier. Cet ordre suffit-il donc à protéger les femmes qui la détiennent ?
"Ce n'est pas une lutte que doit mener un seul ministère. Tous les ministères doivent s'allier pour cela."
Lindsey Collen estime que ce bout de papier ne sera jamais suffisant pour protéger les femmes des violences ou encore éviter un meurtre. Elle explique que le protection order ne peut protéger une femme qui n'a pas une source de revenus ou un endroit pour vivre, avec ses enfants, dans la plupart des cas, en essayant de fuir son bourreau. "Ce n'est pas une lutte que doit mener un seul ministère. Tous les ministères doivent s'allier pour cela. Pou enn fam kapav protez limem et so zanfan, li bizin kapav gagn enn 'grant' ek enn landrwa pou viv lwin dé so konpanion violan." La plupart de ces femmes, malgré leur désir de sortir des griffes de leur bourreau, se retrouvent à devoir retourner vers lui, faute d'endroit ou de moyens pour vivre, souligne-t-elle.
"Fuir chez un proche est temporaire. Personne ne peut accueillir une personne avec des enfants à long terme. Gouvernman bizin avek 'protection order' kapav ofer enn 'grant' ou enn travay pou ki enn fam batu gagn enn sours révéni ek osi enn landrwa pou li kapav resté, kot li pa pou santi li enn fardo pou personn." Lindsey Collen explique que cela aidera les femmes, meurtries par la violence, à reprendre confiance en elles-mêmes et à savoir qu'elles peuvent avancer sans cette personne qui lui fait du mal.
Notre source du ministère confirme que beaucoup de femmes annulent ou ne renouvellent pas l'ordre de protection justement parce qu'elles n'ont pas d'autre endroit que le toit conjugal pour vivre. D'autant plus que dans la majorité des cas, la maison appartient à leur époux/compagnon.
Certaines femmes veulent garder l'ordre de protection en vivant sous le même toit que leur agresseur, qui finit par les obliger à enlever leur plainte en faisant du chantage. "Certaines l'annulent et reviennent quelques mois ou même quelques semaines plus tard pour en demander un autre. Le manque d'un endroit où vivre est un vrai problème pour ces femmes. Car comment cet ordre de protection peut les protéger en empêchant l'homme de s'approcher d'elle quand ils vivent en fait sous le même toit ?" ajoute-t-elle.
Pour rappel, la première violation du protection order est passible d'une amende n'excédant pas Rs 50 000. À la seconde infraction, elle passe à moins de Rs 100 000 et une peine d'emprisonnement n'excédant pas deux ans. Passée le troisième délit, la peine va jusqu'à cinq ans. Mais dans beaucoup de cas, il ne suffit que d'une violation pour que se produise l'irréparable...