Ouganda: Ebola - " On ne sait jamais tout du casse-tête épidémiologique "

L'Ouganda connait sa première irruption d'Ebola depuis plus de dix ans
communiqué de presse

Aucun nouveau cas d'Ebola n'a été confirmé depuis 11 jours en Ouganda, où une épidémie a été déclarée le 20 septembre dernier par les autorités.

Les équipes MSF restent mobilisées et apportent leur soutien au ministère de la Santé ougandais dans des centres de traitement de la maladie, ainsi qu'à travers des activités de promotion de la santé et de prévention des infections. À Epicentre, le partenaire de recherche épidémiologique de MSF, Denis Ardiet dirige une équipe de sept personnes qui participent à la lutte contre cette épidémie d'Ebola. Il fait le point sur la situation.

Comment a évolué cette épidémie en Ouganda ?

Nous avons observé deux pics importants depuis sa déclaration par les autorités. Le premier a eu lieu en septembre dans le district de Mubende, qui a été le premier épicentre de cette épidémie, et le second dans le district voisin de Kassanda. Bien que ces deux districts recensent à eux seuls 80 % de tous les cas détectés jusqu'à présent, au total, neuf districts du pays ont été touchés. Historiquement, il s'agit de la plus grande propagation géographique d'Ebola que l'Ouganda n'ait jamais connue.

Après une forte augmentation des cas en octobre (86 nouveaux cas en 4 semaines), l'épidémie a ralenti en nombre de nouveaux cas confirmés au cours des dernières semaines (14 nouveaux cas en 4 semaines en novembre). Cependant, nous sommes très préoccupés par le fait que plusieurs cas d'Ebola que nous avons recensés n'étaient liés à aucune chaîne de transmission connue. Ces personnes ont été contaminées par une source inconnue, et nous n'avons pas pu anticiper leur contamination grâce à la recherche des contacts et à leur suivi. Deux nouveaux districts ont ainsi été touchés, Masaka et Jinja.

Le suivi des cas contacts est extrêmement important pour contrôler une épidémie. Lorsque nous sommes en mesure d'identifier à temps toutes les personnes qui ont été en contact avec un cas confirmé, nous pouvons surveiller leur état de santé et les aider à se faire soigner rapidement si elles étaient amenées à développer la maladie. Pourtant, selon les données du ministère de la Santé, environ 64% seulement des contacts de cas confirmés ont été suivis au début de l'épidémie, ce qui indique des lacunes dans cette partie cruciale de la réponse. Alors que la tendance est plutôt positive, nous restons tout de même préoccupés et vigilants pour la suite.

Le travail des épidémiologistes

Lors d'une épidémie, les épidémiologistes d'Epicentre documentent les cas et leurs contacts pour assurer une compréhension complète et globale de l'épidémie. Ils collectent les données, produisent des cartes et des représentations graphiques, afin d'informer les équipes MSF au quotidien. Des enquêtes approfondies sur chaque patient Ebola doivent être effectuées pour les relier à des cas antérieurs et anticiper la propagation de la maladie. Ils recueillent également des données qualitatives pour comprendre le contexte social dans lequel s'inscrit l'épidémie et adapter la réponse.

Quels sont les scénarios envisageables ?

Tout est encore possible... Le premier scénario pourrait être la poursuite de cette tendance à la baisse, qu'aucun nouveau cas ne soit déclaré et que l'épidémie se termine. Dans un second scénario, quelques cas seraient recensés ici et là, peut-être dans différents districts. Et dans un troisième scénario, il y aurait une augmentation du nombre de nouveaux cas, ce qui constituerait un nouveau pic de transmission de la maladie.

Ces différents scénarios nécessiteront des réponses opérationnelles adéquates de la part des équipes MSF et du ministère de la Santé, avec qui nous travaillons en étroite collaboration. Nous nous appuyons beaucoup sur leurs données, d'autant plus que nous n'effectuons pas nos propres tests de laboratoire ou nos propres enquêtes sur les cas positifs. Nous travaillons ensemble sur des actions de surveillance sanitaire cruciales pour la riposte.

La manière dont MSF peut soutenir au mieux les autorités sanitaires ougandaises dépend des besoins dans la situation actuelle. Nous devons évaluer ce qui a le plus de sens et nous pourrions par exemple constituer une équipe d'intervention rapide à plus petite échelle. Ce serait un changement d'approche, qui permettrait d'être au plus près des communautés et des lieux de vie des patients, plutôt que d'avoir de grands centres de traitement installés dans les districts.

Il est également essentiel de s'assurer que les soins non liés à Ebola se poursuivent dans les zones touchées, notamment la prise en charge du paludisme, car les premiers symptômes de ces deux maladies sont similaires. Nous aidons le ministère de la Santé à renforcer la capacité de détection et d'isolement des cas d'Ebola dans les établissements de santé existants afin qu'ils puissent réagir rapidement à toute nouvelle alerte et réduire ainsi les risques de propagation.

À l'échelle communautaire, le ministère de la Santé maintient la surveillance sanitaire pour s'assurer qu'il n'y ait pas de transmission de la maladie. Tous ces efforts doivent être maintenus avec vigilance jusqu'à ce que l'épidémie soit officiellement déclarée terminée, soit 42 jours après l'apparition du dernier cas. Cette période correspond au double du temps d'incubation du virus.

Il est toujours difficile de prévoir la fin d'une épidémie, car on fait face à l'inconnu. On ne sait jamais tout sur le casse-tête épidémiologique et on ne peut que s'assurer de récolter le maximum d'informations pertinentes. Nous sommes conscients de la situation épidémiologique et nous constatons que la courbe épidémique est descendue, ce qui est bien. Mais derrière cette courbe, il peut y avoir des événements et des informations que nous ne connaissons pas. Quoi qu'il en soit, nous devons être préparés et réactifs pour répondre à toute alerte ou nouveau cas.

Une diminution rapide des cas est-elle inhabituelle dans les épidémies d'Ebola ?

Ce n'est pas vraiment inhabituel puisque cela a été observé lors d'autres épidémies, même si cela reste surprenant dans cette épidémie ougandaise. Une telle diminution peut refléter l'arrêt de la transmission, qui serait le résultat de plusieurs facteurs, notamment de la riposte à l'épidémie et des actions communautaires. Cette épidémie me rappelle un peu celles de Conakry en Guinée en 2015 et de Beni en République démocratique du Congo en 2020. Les autorités sanitaires et leurs partenaires, dont MSF, avaient également des difficultés à suivre tous les cas contacts et malgré des tendances à la baisse, des cas sont apparus sporadiquement pendant plusieurs mois.

Il est important de mentionner que le suivi des cas contacts s'est beaucoup amélioré au cours des dernières semaines, ce qui est un très bon signe. Les activités de promotion de la santé et de sensibilisation sont extrêmement importantes et jouent un rôle essentiel pour établir un lien de confiance avec les communautés, notamment en leur donnant les bonnes informations sur le virus Ebola.

Sans ces activités, des mesures comme la mise en quarantaine obligatoire ou l'isolement à domicile, avec des appels quotidiens, peuvent effrayer les personnes affectées par l'épidémie. Il y a beaucoup de rumeurs et de mauvaises informations qui circulent au cours de toutes les épidémies, nous l'avions déjà remarqué avec la covid-19, et la perspective d'être mis à l'écart de sa famille et de ses amis, voire d'être envoyé dans une unité de traitement Ebola, engendre beaucoup de peur. La promotion de la santé et l'engagement communautaire aident à lutter contre cela tout en soutenant la prévention de la transmission communautaire.

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