Sénégal: Refus de se soumettre aux questions des avocats lors de leur confrontation - Quand Sonko et Adji Sarr font durer les enchères !

8 Décembre 2022

Convoqués le mardi 6 décembre dernier par le doyen des juges d'instruction, Oumar Maham Diallo, pour les besoins d'une confrontation dans l'affaire de " viols répétés " et " menace de morts ", le maire de Ziguinchor et son accusatrice se sont illustrés par leur silence. Interpellé sur cette stratégie d'Ousmane Sonko et Adji Sarr, l'enseignant chercheur spécialiste du droit pénal à l'Université de Dakar, Iba Barry Camara, a tenu à préciser que ce silence profite plus à l'accusé qu'a la plaignante.

La surenchère continue dans l'affaire de " viols répétés " et " menace de morts" qui oppose le leader de Pastef, Ousmane Sonko à Adji Sarr, une employée d'un salon de massage. Convoqués le mardi 6 décembre dernier par le doyen des juges d'instruction, Oumar Maham Diallo pour les besoins d'une confrontation dans cette affaire, le maire de Ziguinchor et la jeune dame qui l'accuse de l'avoir violé à plusieurs reprises sous le coup d'une menace avec arme, lors des séances de massage, se sont distingués par leur silence.

En lieu et place des preuves qu'ils avaient promis lors de leurs multiples déclarations d'intention par presse interposée ces derniers jours, les deux parties ont tout simplement refusé de se soumettre au jeu de questions, comme l'exige la procédure en la matière, venant de la partie adverse et du Parquet pour le cas du leader de Pastef et celles des avocats de la défense pour le cas de son accusatrice. Mis à part le fameux rapport interne de la Gendarmerie à l'origine de l'incarcération du journaliste Pape Alé Niang fourni par Ousmane Sonko pour prouver sa thèse de complot, aucun élément nouveau n'a été posé sur la table du doyen des Juges lors de cette rencontre qui a duré plus de six tours d'horloge.

Aucune trace des " vidéos compromettantes " promises par Adji Sarr pour asseoir ses accusations de viol à l'encontre d'Ousmane Sonko, n'a été aperçue. Seulement, à la fin de leur face-à-face, les deux parties se sont précipitées devant la presse pour se renvoyer mutuellement la responsabilité du fiasco de ce rendez-vous. Pour rappel, , cette affaire de " viols répétés " et " menace de morts " avait provoqué de violentes manifestations qui ont touché la quasi-totalité des régions du pays et provoqué la mort de 14 jeunes et d'importants dégâts matériels entre le 3 et le 8 mars de l'année dernière.

Cette affaire serait également liée si on en croit certains responsables du régime en place à la disparition de l'Adjudant-Chef de la Gendarmerie Didier Badji en service à l'Inspection générale d'Etat et son ami, Sergent Fulbert Sambou de la Direction des Renseignements militaires et dont le corps a été repêché dans les falaises rocheuses du Cap Manuel et enterré sans autopsie, la semaine dernière. Maintenant, la question est de savoir à qui profite réellement cette stratégie de silence ?

IBA BARRY CAMARA, ENSEIGNANT-CHERCHEUR EN DROIT PENAL A L'UCAD

" En procédure pénale, (... ) le fait de se taire ou de garder le silence constitue justement un aspect des droits de la défense "

" Il faut d'abord préciser que la confrontation n'est pas un acte extraordinaire mais un acte d'instruction. C'est le juge d'instruction qui organise la confrontation dans le cadre de ses prérogatives pour rechercher à établir par la vérité des faits à charge ou bien à décharge la culpabilité ou non de la personne poursuivie. Maintenant, la question qui se pose est de savoir si les personnes confrontées peuvent-elles se taire ou adopter ce qu'on appelle la loi du silence ? En réalité, en procédure pénale, il faudrait comprendre que l'accusé peut bien ne rien dire et il n'y a absolument rien qu'on peut lui reprocher.

Le fait de se taire ou de garder le silence constitue justement un aspect des droits de la défense. Que ce soit entre l'accusé et le juge d'instruction tout simplement ou alors quand il s'agit de confrontation, il appartient à l'accusé de répondre ou de ne pas répondre ou encore de choisir les questions auxquelles, il doit apporter réponse. Tout cela fait partie de la stratégie de la défense et on ne peut absolument pas reprocher à l'accusé son silence ".

" C'est à la plaignante d'apporter les éléments qui prouvent les faits qu'elle reproche à l'accusé. "

" En revanche, la plaignante a intérêt à répondre à toutes les questions permettant au juge de bien mener l'instruction. Donc, c'est plutôt l'accusatrice qui a intérêt à être du côté du juge d'instruction pour apporter les indices et les preuves attestant de la réalité de ce qu'elle reproche à l'accusé. Son silence va profiter à la défense puisque ce n'est pas à l'accusé de prouver sa culpabilité mais plutôt, c'est à la plaignante, l'initiatrice de la plainte d'apporter les éléments qui prouvent les faits qu'elle reproche à l'accusé.

Mais, en tout état de cause, même si les deux parties gardent le silence, il appartiendra au juge de tirer toutes les conséquences puisqu'il y'a des silences qu'on appelle bruyantes. Il y a des questions qui appellent une réponse et le fait de garder le silence peut être un indice pour le juge. Car au final, cette confrontation n'est ni pour l'accusé ni pour la plaignante mais pour le juge d'instruction dans le cadre de son instruction ".

" La suite de cette procédure dépend du juge d'instruction "

" La suite de cette procédure dépend du juge d'instruction. Mais, traditionnellement, la confrontation constitue l'ultime acte pour que le juge d'instruction prenne une décision. Mais, en tout état de cause, avant la prise d'une ordonnance de renvoi devant une juridiction ou bien de non-lieu, le doyen des juges va d'abord saisir le procureur de la République pour ses derniers réquisitoires. Et c'est après cette étape que e juge d'instruction va clore l'instruction en rendant son ordonnance de non-lieu ou alors de renvoi devant une juridiction ".

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