Afrique: Ain Temouchent - Les manifestations du 9 décembre 1960 confirment que le rêve de l'Algérie-française était enterré

AIN TEMOUCHENT — Les manifestations du 9 décembre 1960 à Aïn Temouchent sont considérées comme un événement central dans l'histoire de la glorieuse guerre de libération nationale et ont constitué la première étincelle ayant déclenché un soulèvement massif qui a déferlé sur tout le pays et confirmé au général de Gaulle que le projet de l'Algérie-française était réellement enterré.

L'historien Mohamed Lamine Belghit a indiqué à l'APS que les manifestations qui ont eu lieu dans la ville d'Aïn Temouchent, le 9 décembre 1960, ont établi la conviction du général Charles de Gaulle que "le rêve de l'Algérie française était définitivement enterré".

Il a rappelé que de Gaulle, lors de sa visite à Aïn Temouchent, en provenance de Tlemcen, "portait avec lui le projet de +l'Algérie Algérienne+, dans lequel il voyait une solution qui satisferait toutes les parties, mais le soulèvement populaire massif qu'il a trouvé à Aïn Temouchent a dissipé tous ses rêves et a constitué un acte de décès pour sa philosophie de préserver l'Algérie en tant que colonie française".

La place en face du siège de la mairie où se trouvait le général était occupée par des participants qui se répartissaient en trois groupes. Le premier faisait la promotion du projet "Algérie-Algérienne", mais avec un concept selon lequel l'Algérie est pour tous ceux nés en Algérie au cours de cinq générations, du 5 juillet 1830, date du début de la colonisation, jusqu'en décembre 1960, un projet qui représentait "la plus grande tromperie aux Algériens", selon la même source.

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Le deuxième groupe comprenait des colons et des pieds-noirs qui appelaient à une "Algérie française", alors qu'ils faisaient face à des Algériens qui s'accrochaient à leur identité nationale et scandait des slogans comme "Algérie musulmane", "Vive l'Algérie" et "Vive Ferhat Abbas" qui était à la tête du GPRA, ce qui a alimenté l'affrontement entre les deux camps et des manifestations ont éclaté dans les rues de la ville, a ajouté le même interlocuteur.

Ce soulèvement ne se limita pas à la seule ville d'Aïn Temouchent. Il s'étendit dans les deux jours suivants (10 et 11 décembre 1960) à Oran, Alger, Constantine, Biskra et de nombreuses régions du pays dans des manifestations massives au cours desquelles le drapeau national a été brandi, tandis que les rêves coloniaux de de Gaulle étaient avortés, affirmant l'adhésion du peuple à l'indépendance complète, selon Dr Belghit.

L'indépendance était inéluctable

Pour sa part, la mémoire de moudjahid Hocine Moulay, un de ceux qui ont participé aux manifestations du 9 décembre 1960, retient encore des détails infimes de cet événement. "Ces manifestations au cours desquelles les Témouchentois sont sortis en affrontement direct avec le général de Gaulle et ses forces militaires qui sécurisaient sa visite, hissant le drapeau national devant lui, adhérant à la liberté et à l'indépendance, nous a fait sentir à l'époque que la Révolution renaissait et que l'indépendance était inévitable", se souvient-il.

Dans un entretien à l'APS, M. Moulay a indiqué que la visite de de Gaulle à Aïn Temouchent "avait été précédée, depuis fin 1958, par la tentative de l'administration coloniale de sympathiser localement avec les Algériens et de se rapprocher d'eux par des méthodes de tentation ignobles".

Pour ce faire, "l'administration coloniale a ouvert un bureau pour le mouvement de la jeunesse française au centre-ville. Nous avons remarqué que l'officier français Farouji a entrepris nombre de sorties pas innocentes aux quartiers populaires d'Aïn Temouchent par ses tentatives de redorer l'image de la France coloniale et d'offrir quelques tentations à la population", a indiqué M. Moulay.

"Ce stratagème a été découvert grâce à un document secret divulgué par le moudjahid Belhachemi Saïd, qui travaillait dans l'une des administrations françaises et adhérait à la Révolution jusqu'à ce qu'il soit découvert plus tard et emprisonné par l'armée coloniale", ajoute le même témoin.

Devant cette situation, les responsables de la Révolution décidèrent localement d'intensifier le travail de sensibilisation, de consolider davantage les rangs et de mobiliser la population contre cette nouvelle politique que la France tentait d'adopter. C'est cette mission que devaient accomplir le moudjahid Moulay et ses compagnons, comme le défunt moudjahid Miloud Bendahma, au sein de l'activité de la cellule secrète que dirigeait le martyr Salah Chouiref.

Pendant les quatre premiers jours de décembre 1960, le moudjahid Moulay Hocine - qui avait alors environ 20 ans - a été instruit de confectionner dans le plus grand secret un certain nombre d'emblèmes nationaux. Il ne s'était confié qu'à sa sœur cadette, Saâdia, à qui il a proposé de confectionner ces drapeaux, étant couturière et digne de confiance. Celle-ci a donc acquis des coupons de tissu dans différents magasins pour ne pas éveiller les soupçons et ne pas être découverte. Et tandis que la moudjahida Moulay Saâdia finissait de coudre cinq drapeaux en peu de temps, la cellule secrète a été informée de la visite du général de Gaulle à Aïn Temouchent, le 9 décembre 1960.

C'était le jour où le moudjahid Moulay Hocine a été chargé de distribuer ces drapeaux afin de les brandir lors de cette visite, selon le même interlocuteur. A l'arrivée du général de Gaulle devant l'entrée principale du siège de la mairie "des acclamations opposées s'élevèrent entre les Français et les Algériens, qui se sont affrontés. La moudjahida Amama a été la première à brandir le drapeau national, soutenue par des acclamations de la foule +Vive l'Algérie+ et +Algérie musulmane+". Les manifestations ont pris alors une autre tournure dans des affrontements qui se sont répandus sur la place, l'artère principale de la ville et un nombre de ses ruelles, se souvient la même source.

Au cours de ces manifestations, les Algériens ont subi une répression brutale de la part des forces coloniales, largement déployées pour sécuriser la visite du général de Gaulle. Plusieurs blessés ont été enregistrés et de nombreux Algériens arrêtés et emprisonnés, dont le moudjahid Hocine Moulay, soumis à la torture avec nombre de participants à ces manifestations, étendues par la suite au reste du pays.

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