Sénégal: Lycée de Bambey Sérère - Le modèle achevé d'un établissement écologique

8 Décembre 2022

Créé en 2013, le lycée de la localité de Bambey Sérère, dans la commune de Ngogom (département de Bambey, région de Diourbel), peut se targuer d'être l'établissement scolaire le plus écologique du Sénégal, grâce au projet " Écologie dans les lycées et collèges (Ecolyco) ". Ses jardins et haies ainsi que ses espaces verts qui servent de lieux d'exercices pratiques de certaines notions liées à la protection de l'environnement ont fini de faire de ce lycée, le modèle achevé d'une école écologique.

DIOURBEL-- Situé à une trentaine de kilomètres de la ville de Diourbel, au nord-ouest de Bambey, sur l'axe qui mène à la commune de Lambaye, le lycée de Bambey Sérère est un ilot écologique dans la commune de Ngogom. Dans l'enceinte de l'établissement, des bancs publics construits à l'aide de pneus recyclés et de carreaux cassés sont installés sous des arbres ombragés donnant l'allure d'une haie. Le décor de la cour de récréation est marqué par une verdure séduisante et attractive. L'endroit est bien aménagé et bien entretenu. Élèves, enseignants, membres de l'administration scolaire et autres visiteurs aiment y passer quelques moments. À quelques encablures de la cour se trouve un chantier. Il s'agit d'un bâtiment R+1 contenant 8 salles de classe devant lequel flotte le drapeau national. Il fait face au grand portail. Juste à côté de l'entrée principale du lycée trône un autre bâtiment abritant, entre autres compartiments, une salle informatique, un bloc administratif et la case du gouvernement scolaire.

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De part et d'autre de ces édifices cités se trouvent des jardins bien aménagés. Une initiative du Proviseur du lycée, Ibou Ngom, à travers un projet dénommé " Écologie dans les lycées et collèges (Ecolyco) ".

Habillé d'un grand boubou " Baye Lahat ", Ibrahima Ndiaye est élève en classe de Terminale L2. Comme la plupart de ses camarades du lycée, il est séduit par cet environnement qui l'entoure. " C'est un milieu agréable qui nous pousse à passer sur place toute la journée pour apprendre nos leçons sans détour à la maison ", a confié l'élève. Mieux, dit-il, toutes les classes effectuent leur sortie pédagogique concernant les cours de Science de la vie et de la terre (Svt) dans les jardins de l'école. On y trouve plusieurs espèces végétales, se réjouit Ibrahima Ndiaye. Un constat qu'il partage avec le Proviseur du lycée, Ibou Ngom. " Nous avons des jardins botaniques et un potager. Aujourd'hui, nos élèves ne font plus 4 à 5 kilomètres pour se rendre en brousse lors des sorties pédagogiques ", souligne le Proviseur. De son avis, les apprenants ont toute la latitude de recueillir, dans ces endroits écologiques, les données pour renforcer les connaissances, surtout concernant les Sciences de la vie et de la terre (Svt). " Il existe, dans cette école, toutes les variétés pour faire leurs herbiers d'exercices pratiques " renseigne le Ibou Ngom.

Un fabrique d'écologistes en devenir

Outre le fait qu'ils servent de cadres pour les exercices d'application, les jardins du lycée de Bambey Sérère sont également entretenus par les élèves de l'établissement. Une mesure qui leur permet d'acquérir des notions en horticulture. Les après-midis de mercredi et vendredi sont consacrés à des séances de démonstrations et d'entretien pendant, les arrosages impliquant ainsi les élèves dans le verdissement de leur établissement, renseigne Moustapha Diop, membre du club environnement du lycée. " Grâce à cette mesure, les élèves du lycée sont devenus de vrais défenseurs de la nature ", a-t-il indiqué. En collaboration avec l'administration, ceux-ci ont même mis en place un règlement intérieur pour la conduite à tenir dans l'enceinte de l'école afin de préserver la qualité de l'environnement, ajoute la présidente du club environnement du lycée, Ami Tine, élève en Terminale L 2. Elle insiste sur la préservation de l'environnement dans ce lycée. " Ici, nous n'incinérons pas. Nous avons aménagé un espace d'enfouissement pour mieux protéger notre environnement parce que l'incinération peut avoir des conséquences avec l'émission du gaz carbonique que nous ne souhaitons pas dans notre école ", explique la présidente du club environnement du lycée de Bambey Sérère. Dans ce lycée, des élèves arborent fièrement des teeshirts de couleur verte sur lesquels, il est mentionné " Projet Ecolyco 2022 ". De l'avis de Moustapha Diop, membre actif du club environnement, le dynamisme du Proviseur et l'engagement des professeurs qui encadrent leur club ont fait que tous les élèves membres sont devenus des amoureux de la nature dans ce lycée. " À l'école comme à la maison, la plupart des membres du club cherchent à entretenir des plantes ", renseigne-t-il.

Une charte écologique érigée en règle

Pour asseoir une bonne culture écologique dans le comportement des élèves du lycée de Bambey Sérère, l'administration et les élèves ont convenu de la création d'une charte. " Une charte a été établie depuis presque deux ans pour encourager et exiger à tous les acteurs de l'école (enseignants, administrateur, élèves et commerçants) d'avoir un comportement écologique dans la cour du lycée ", informe Ibou Ngom, Proviseur de l'établissement. À travers cet outil, il est formellement interdit de jeter des sachets plastiques et autres déchets solides dans la cour, a-t-il indiqué. Enfreindre à cette mesure peut entraîner, entre autres sanctions, une amende dont le montant varie entre 25 FCfa pour les élèves et 500 FCfa pour les professeurs et les membres de l'administration, révèle Ibou Ngom, le sourire aux lèvres. Selon lui, cette charte qu'il qualifie d'écologique est considérée comme étant un volet du règlement intérieur de ce lycée. La gestion des fonds issus des sanctions est assurée par les élèves eux-mêmes, avec enthousiasme, note le Proviseur. Il a saisi l'opportunité pour magnifier les acquis obtenus à travers le projet " Écologie dans les lycées et collèges (Ecolyco) ". " C'est une initiative qui a permis de faire des élèves de véritables écologistes. Et l'on peut dire que c'est un objectif que nous avons atteint aujourd'hui ", s'est réjoui le Proviseur Ngom. La preuve, renseigne-t-il, certains élèves ont même commencé à créer des haies et des jardins dans leurs propres maisons. " Cela nous va droit au cœur parce qu'il montre que les générations futures se sont déjà appropriées les idées concernant la protection de l'environnement ", a-t-il ajouté.

Dans certains jardins de l'établissement, des arbres fruitiers commencent même à produire, a-t-on constaté sur place. On peut citer le cas des manguiers, citronniers, des jujubiers améliorés, des anacardiers, des goyaviers et des papayers. Ces arbres distants d'une dizaine de mètres chacun sont bien entretenus et protégés grâce à l'accompagnement de partenaires du lycée tels que l'Usaid à travers le programme " Feed the Future ", le Conseil départemental de Diourbel, a rappelé le Proviseur du lycée. Les élèves de l'établissement bénéficient aussi de l'assistance de leurs aînés de l'Institut supérieur de formation agricole (Isfar) attaché, aujourd'hui, à l'Université Alioune Diop de Bambey, dans la tenue des potagers. " C'est un groupe d'étudiants membre d'une association appelée "La main verte". Ils viennent très souvent ici pour vérifier l'état de santé des plantes et nous apprennent des techniques d'arrosage et d'entretien ", informe le Proviseur du lycée de Bambey Sérère.

IBOU NGOM, PROVISEUR DU LYCÉE

" Reproduire le projet dans toutes les écoles du département "

Proviseur du lycée de Bambey Sérère depuis sa création en 2013, Ibou Ngom est l'initiateur du Projet " Écologie dans les lycées et collèges (Ecolyco) " en cours dans cet établissement. Il se fixe comme objectif de reproduire ce projet dans toutes les écoles du département de Bambey.

Qu'est-ce qui vous a motivé en initiant le projet " Écologie dans les lycées et collèges (Ecolyco) " dans votre lycée ?

Nous sommes dans cette dynamique depuis 2017. Je suis arrivé au lycée dès sa création en octobre 2013. Je suis presque à ma 10e année. C'est moi qui ai ouvert le lycée. En 2014, j'ai assisté au premier Sommet mondial des écovillages. Beaucoup de pays africains et européens étaient venus assister à cette rencontre mondiale. Cela m'a permis d'avoir plus d'idées sur le rôle que l'écologie peut jouer dans une école. En 2016, je suis allé au Ghana lors de la troisième conférence panafricaine des écovillages. C'est là-bas que j'ai suivi vraiment des présentations des délégations venant du Kenya, Zimbabwe, etc. Cela m'a marqué parce qu'ils ont montré qu'il est possible de nourrir les élèves à l'école et par l'école. Et j'ai constaté que tout ce que les élèves de ces pays consomment à l'école vient des produits locaux et cela m'a impressionné. Ainsi, j'en ai parlé à mes collègues et surtout ceux de Mbacké. Ils ont tous reconnu l'utilité et m'ont demandé de créer un réseau. Aujourd'hui, 10 établissements du département de Bambey sont membres de ce projet. Il s'agit du Cem de Bambey 2, Nderep, Thiakhar, Ngogom, des lycées de Ndangalma, Lambaye et Gawane. Et croyez-moi, beaucoup de proviseurs et de principaux m'appellent au quotidien pour faire du benchmarking. Ils veulent reproduire le même système dans leurs écoles.

Votre lycée a-t-il les moyens de sa politique écologique ?

Nous avons pensé qu'il fallait changer le paysage de l'école avec les moyens du bord. Et nous l'avons réussi. Cela nous a valu l'honneur d'abriter, dans notre école, en 2018, la cérémonie d'ouverture des classes par le Ministre Serigne Mbaye Thiam, en charge de l'éducation nationale à l'époque. Ce fut un grand honneur pour moi et pour la localité de recevoir un Ministre de l'Éducation parce que tout simplement il avait entendu ce que nous faisions dans ce lycée en écologie. Par la suite, nous avons rencontré le Ministre Mamadou Talla pour lui exposer le problème et il avait promis de nous soutenir, mais cela tarde toujours. Nous souhaitons avoir de l'aide pour élargir ce projet. En fait, nous voulons en faire un projet national parce que nous estimons que nos écoles ne doivent pas se résumer à du béton, des salles de classe et du sable. Nous avons pensé à reverdir nos écoles et avec nos élèves. L'école supporte l'entretien des jardins avec les moyens du bord. Des bonnes volontés locales nous soutiennent aussi. Par exemple, le Conseil départemental a mis une ligne de crédit annuelle d'un montant d'un million de FCfa pour l'entretien en termes de matériels de nettoiement. Les associations environnementalistes de la région nous appuient aussi. Elles nous fournissent des plantes à l'image de Baol environnement.

Vous utilisez beaucoup d'espaces avec les jardins et haies, pensez-vous aussi à la construction d'autres salles de classe dans le futur ?

Le périmètre du lycée est de quatre hectares. Alors, nous l'avons bien divisé et actuellement nous n'utilisons qu'un seul hectare donc il reste trois hectares inoccupés parce que nous savons que le nombre d'élèves augmente chaque année et cela implique la construction de nouvelles salles. Nous sommes aujourd'hui à 14 salles physiques pour 19 classes pédagogiques. Vous voyez donc qu'il y a 5 classes qui sont des nomades. Nous faisons de la gymnastique pour permettre à ces élèves de trouver des salles. Conséquence, toutes les salles sont occupées de 8 heures à 14 heures, du lundi au samedi. C'est pourquoi nous souhaitons la construction de nouvelles salles. Nous pensons que le projet n'entrave en rien l'augmentation des salles physiques.

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