Sénégal: Élisabeth Borne, Pm française - " Le partenariat entre la France et le Sénégal est historique, multidimensionnel "

9 Décembre 2022
interview

Les liens qui unissent nos deux pays sont avant tout des liens humains qu'il convient de valoriser. C'est l'avis du Premier ministre français, Élisabeth Borne. Avec son homologue sénégalais, elle a coprésidé, hier, en France, le 5e Séminaire intergouvernemental (Sig).

Vous êtes le Premier ministre de la France depuis le 22 mai 2022, en dehors de l'Hexagone, vous êtes peu connue. Qui est Élisabeth Borne ?

Avant d'être Première ministre de la France, j'ai eu plusieurs vies professionnelles avec une constante : servir mon pays, que ce soit en tant que préfète, chef d'entreprise ou Ministre. Depuis 2017, je suis engagée auprès du Président de la République, Emmanuel Macron, et depuis mai, je suis Première ministre. Ma feuille de route est précise et exigeante, dans une période de crises multiples. Chaque jour, je me bats pour le plein emploi, pour la planification écologique et pour l'égalité des chances.

Hier, vous avez coprésidé, avec le Premier ministre Amadou Ba, le 5e Séminaire intergouvernemental (Sig) à Champs-sur-Marne. Quels étaient les objectifs de ce séminaire ?

Le partenariat entre la France et le Sénégal est un partenariat historique, multidimensionnel. Les liens qui unissent nos deux pays sont avant tout des liens humains qu'il convient de valoriser. Nos diasporas, en France et au Sénégal, sont d'incroyables vecteurs de dynamisme et nous devons nous appuyer encore davantage sur le rayonnement qu'elles apportent à nos deux pays.

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Le Sénégal est le seul pays d'Afrique subsaharienne avec lequel la France tient des Séminaires intergouvernementaux (Sig) : cela témoigne de l'importance de notre relation. Entre 2019 et 2023, la France aura apporté une contribution à hauteur de 1,5 milliard d'euros aux projets d'émergence du Sénégal.

Ce séminaire nous a permis de fixer un nouveau cap, un cap transformationnel qui s'appuie sur la richesse de nos liens humains. Il place la jeunesse au centre de notre action, notamment en renforçant nos actions de coopération dans le domaine de la formation professionnelle. Nous avons ensemble acté la création de nouvelles classes préparatoires afin de préparer les étudiants sénégalais aux concours d'entrée aux grandes écoles en France et au Sénégal. Le développement du Campus franco-sénégalais vise à renforcer la formation professionnelle et l'employabilité des jeunes. En plus de ces actions de formation, des entreprises françaises installées au Sénégal s'engagent à accueillir ces étudiants en stage et en apprentissage.

La jeunesse, en particulier celle de la francophonie, est devenue plus exigeante avec les classes dirigeantes. Certains jeunes africains réclament une rupture avec l'ancienne puissance coloniale. Est-ce que la France a un plan pour les rassurer ?

Le Président de la République porte un changement de paradigme, clairement développé dans son discours de Ouagadougou, en novembre 2017 : il s'agit de réinitialiser la relation que nous avons avec le continent africain, où la jeunesse, la culture et les enjeux mémoriels ont une place centrale.

Depuis 2017, de nombreuses initiatives ont été lancées. À partir des recommandations formulées dans le rapport de Felwine Sarr et Bénédicte Savoy, le Président de la République s'est engagé pour la restitution des œuvres culturelles africaines. Cela a d'ailleurs permis, en 2019, la restitution au Sénégal du sabre d'El Hadj Oumar Tall, mais également plus récemment, la restitution de 26 statues de trois rois de l'ancien royaume d'Abomey au Bénin. Le rapport Duclert sur le génocide des Tutsis ou encore le rapport Stora pour ce qui concerne l'Algérie démontrent également notre volonté d'avancer ensemble et de regarder de manière apaisée ces épisodes douloureux de notre histoire commune.

Le séminaire d'hier a débuté par une session d'échange avec un groupe de jeunes sénégalais, franco-sénégalais et français : la jeunesse est l'avenir de notre relation bilatérale. Il est important pour les autorités de nos deux pays de les écouter, de prendre en compte leurs attentes et leurs besoins en s'appuyant sur eux pour co-construire nos actions de coopération.

Les pays du Sud sont les moins pollueurs et les plus exposés aux changements climatiques. Ils veulent plus de moyens pour faire face à cette nouvelle donne. D'autres comme le Sénégal, la Mauritanie ou encore le Mozambique ont découvert des réserves importantes de gaz. Toutefois, pour certains pays développés, le gaz n'est pas une énergie propre et doit être exclu de la transition énergétique. Cela ne risque-t-il pas d'anéantir les espoirs de ces pays à se développer ?

La France soutient le développement énergétique du continent africain pour un accès à une énergie durable et équitable. Lors du sommet du G7 d'Elmau, nous avons convenu avec le Sénégal de travailler ensemble pour une transition énergétique du pays, en mettant en place des partenariats financiers et technologiques.

Récemment, le G7 s'est engagé à cesser les financements publics au secteur des énergies fossiles sauf exceptions compatibles avec l'objectif de limitation du réchauffement à 1,5 °C. Nous travaillons aujourd'hui avec les autorités sénégalaises à identifier ensemble les projets qui pourront être soutenus par la France et les autres membres du G7.

Le franc Cfa est de plus en plus décrié en Afrique. Pour certains, c'est une monnaie forte qui plombe les exportations des pays africains, d'autres parlent d'une nouvelle monnaie : l'éco. Quelle lecture en faites-vous ?

Je sais que le franc Cfa fait régulièrement l'objet de campagnes de dénigrement. Il cache souvent un narratif anti-français auquel il ne faut pas céder.

En 2020, le franc Cfa a été réformé. Le rôle de la France en zone Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemao) se limite désormais à celui de strict garant financier. Concrètement, la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (Bceao) est désormais libre de placer ses réserves ou bon lui semble.

Une monnaie unique, c'est aussi un avantage certain pour le développement des échanges. La fixité des parités avec l'euro, la suppression du risque de change et du coût de conversion monétaire ont permis aux pays de gagner en compétitivité.

La France est un partenaire historique du Sénégal et de l'Afrique francophone. Le constat est qu'elle perd de plus en plus du terrain au profit des puissances émergentes. Quelle appréciation faites-vous des relations économiques et commerciales entre la France et le continent en général et avec le Sénégal en particulier ?

Aujourd'hui, la France est le premier fournisseur du Sénégal et le premier investisseur dans le pays. Les entreprises françaises créent plusieurs dizaines de milliers d'emplois et contribuent largement aux recettes fiscales du pays. Nous sommes attachés à le rester.

Le Sénégal a fait le choix de diversifier ses partenaires. De nouveaux acteurs investissent, comme la Turquie, l'Indonésie ou la Chine. Il revient donc aux entreprises françaises de démontrer que leur offre est la meilleure, en termes de qualité et de partenariat et de continuer à former les talents sur place, à soutenir la dynamique de responsabilité sociale des entreprises et à opérer des transferts de technologie qui sont bénéfiques pour le Sénégal.

Sur le plan politique, que faut-il faire pour renforcer davantage le partenariat franco-sénégalais ?

La richesse des échanges entre nos populations et les défis qui sont devant nous, réaffirment chaque jour la communauté de nos destins. Entre nos Chefs d'État, le dialogue est permanent. Il a permis le succès du sommet entre l'Union européenne et l'Union africaine en 2021, alors que la France et le Sénégal occupaient les présidences respectives de ces institutions.

Lors de ce séminaire, mon homologue Amadou Ba et moi-même, nous nous sommes engagés à nourrir notre coopération intergouvernementale sur tous les plans, à travers cinq feuilles de route.

La France et le Sénégal peuvent parler de tout, à tous les niveaux. À cet égard, je me réjouis que la présidence du Fonds pour la démocratie en Afrique ait été confiée au philosophe sénégalais, Pr Souleymane Bachir Diagne. Il incarne une ambition de soutenir et d'appuyer des initiatives innovantes portées par des acteurs du changement issu de la société civile africaine.

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