Le Marocain Youssef En-Nesyri a réussi là où ses glorieux prédécesseurs, Roger Milla, El-hadji Diouf ou Asamoah Gyan ont échoué: envoyer l'Afrique en demi-finale de Coupe du monde, d'une tête piquée contre le Portugal déjà entrée dans l'histoire, samedi.
Un but que l'on remontrera peut-être dans cent ans. Sa détente phénoménale a piégé le gardien Diogo Costa, sorti à contretemps, et le défenseur central Ruben Dias, largement dominé (42e).
Sur un centre parfait de Yahya Attiat-Allah, le Sévillan a rabattu puissamment sa tête, le ballon a frappé le sol pour rebondir et soulever le toit du filet, en même temps qu'il brisait le plafond de verre de l'Afrique.
Le Cameroun avait échoué le premier en quarts de finale contre l'Angleterre (3-2 a.p.) en 1990, malgré Roger Milla, ses 38 ans et ses quatre buts aux matches précédents.
En 2002, le Sénégal d'El-Hadji Diouf s'était arrêté au but en or contre la Turquie (1-0 b.e.o.).
Avant En-Nesyri, le Ghanéen Asamoah Gyan était passé le plus près du dernier carré, mais il avait fracassé son penalty de la dernière minute (120e+2) sur la barre transversale uruguayenne, après la fameuse main volontaire de Luis Suarez, en 2010.
Le Sévillan lui n'a pas tremblé, sur son point fort, le jeu de tête. Il avait déjà marqué en sautant plus haut que les Espagnols au Mondial-2018 (2-2), et avec le Séville FC, il a signé un beau bouquet de buts de la tête.
Le buteur du Maroc a "un jeu de tête qui n'est pas une habitude au Maroc, où on pratique plus le jeu court dans les quartiers", explique à l'AFP Nasser Larguet, son formateur, qui a découvert le gamin dans le sport scolaire à Fès.
"J'ai jeté mon dévolu sur lui à l'âge de 12 ans, il appartient à la première promotion de l'Académie Mohamed VI", qui a relancé la formation au Maroc, poursuit l'ancien entraîneur de Marseille.
Ce but historique est une belle récompense pour un joueur dont les entraîneurs soulignent la générosité.
"Le sens du sacrifice il l'avait déjà très jeune, on n'a pas eu beaucoup de travail", sourit Larguet,qui fut aussi Directeur technique national (DTN) du Maroc.
"Seuls ceux qui connaissent le football le comprennent vraiment", souligne Walid Regragui, le sélectionneur, mettant en valeur "sa débauche d'énergie, ce qu'il donne sur le terrain pour l'équipe. C'est pour ça qu'il est à Séville, tous les entraîneurs rêvent d'avoir un Youssef En-Nesyri dans leur équipe, comme Giroud pour la France".
Comme toujours, le gamin de Fès a aussi défendu comme un acharné, gênant les relances portugaises et menaçant Diogo.
Il est sorti peu après l'heure de jeu, avec peut-être encore un peu d'essence dans le réservoir, en tournant sur lui même pour applaudir l'ovation du stade. Il est tombé dans les bras de Regragui (65e), remplacé par Walid Cheddira, qui a fini exclu sur deux jaunes en toute fin de match.
"Moi, Youssef, j'ai toujours cru en lui et heureusement que j'ai toujours cru en lui, vous-mêmes les journalistes marocains vous m'avez tué quand j'ai pris sa défense et quand j'ai dit qu'il allait aller à la Coupe du monde", insiste Regragui, qui avait annoncé que son avant-centre serait au Mondial dès le jour où il a dévoilé sa large pré-liste de 55 noms.
Pourtant En-Nesyri a souffert des critiques cette saison, il n'a pas retrouvé sa place de titulaire à Séville. Il n'avait signé que deux buts en compétition, en Ligue des champions, l'un pour l'honneur au Borussia Dortmund (4-1) et l'autre contre le FC Copenhague (3-0). Mais il a participé à dix matches de Liga espagnole sans marquer.
"Il a répondu sur le terrain, il nous met encore un but très important et c'est un signe du destin aussi", ajoute Regragui.
Son statut a désormais changé, cette détente à la Cristiano Ronaldo, qui lui n'a toujours pas marqué le moindre but en phase à élimination directe de Coupe du monde, en cinq participations, l'a propulsé dans les légendes du tournoi.
Avec ce troisième but en Coupe du monde, il a aussi dépassé ses compatriotes Abderrazak Khairi (deux buts en 1986) et Salaheddine Bassir et Abdeljalil Hadda (deux buts en 1998). Mais ça, c'est pour la petite histoire. Samedi En-Nesyri a écrit la légende.