13 décembre 1998 - 13 décembre 2022. Cela fait 24 ans, jour pour jour, que disparaissait le journaliste Norbert Zongo, assassiné avec trois de ses compagnons d'infortune aux encablures de Sapouy, dans la province du Ziro. Près de deux décennies et demie de douleur pour la famille qui attend justice pour connaître les tenants et les aboutissants de cette barbarie afin de faire le deuil de celui qui a été brutalement arraché à son affection, dans des conditions qui révulsent la conscience humaine. A quand donc le procès de l'assassinat du journaliste émérite ? La question est d'autant plus fondée que cela fait vingt-quatre ans que dure l'attente. Et la mère de l'illustre disparu a fini par s'en aller dans l'au-delà, le cœur gros et la conscience en peine pour n'avoir pas connu les assassins de son fils. C'est pourquoi il faut saluer la mobilisation des organisations de défense des droits humains et du peuple burkinabè, qui ont su entretenir la flamme de la résistance pour éviter que le dossier tombe dans l'oubli. C'est le lieu de saluer aussi l'engagement et la détermination des avocats de la famille qui ont su œuvrer à ce que le dossier ne soit pas judiciairement enterré.
Ce n'est pas demain la veille que des Burkinabè qui espéraient voir François Compaoré livré pieds et poings liés à la Justice de leur pays, verront leur vœu exaucé
Un dossier qui a connu certes des avancées avec l'inculpation, en 2015, de trois anciens soldats du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) aujourd'hui dissous, mais aussi des blocages dans l'extradition du frère cadet de l'ancien président Blaise Compaoré, François Compaoré qui reste à ce jour le principal suspect et contre qui a été émis un mandat d'arrêt international par la Justice burkinabè, en 2017. Sa procédure d'extradition a été approuvée par les autorités françaises qui ont donné leur quitus pour son exécution, mais elle reste pendante devant la Cour européenne des droits de l'Homme qui a rendu une décision de suspension en 2021, suite à un recours des avocats de la défense. C'est dire si ce n'est pas demain la veille que des Burkinabè qui espéraient voir François Compaoré livré pieds et poings liés à la Justice de leur pays, verront leur vœu exaucé. Mais, à l'étape actuelle de l'évolution du dossier, tout porte à croire que la non-extradition du frère cadet de l'ex-président ne devrait pas être une condition rédhibitoire à la tenue du procès. Cela est d'autant plus nécessaire que le jugement de cette affaire permettra de boucler l'un des derniers dossiers emblématiques de l'ère Compaoré, après les dossiers Thomas Sankara et Dabo Boukari qui ont tous deux déjà connu leur épilogue. En tout état de cause, tôt ou tard, il va falloir tenir le procès de l'assassinat du directeur de publication du journal d'investigation " l'Indépendant " dont tout porte à croire que ce sont ses enquêtes sur la mort suspecte de David Ouédraogo, alors un des chauffeurs de François Compaoré, dans les locaux de la Présidence, qui lui ont valu l'autodafé de Sapouy.
Le sacrifice de Norbert Zongo doit sonner à jamais le glas des assassinats de journalistes
Et plus tôt on le fera, mieux cela vaudra pour les Burkinabè qui ont besoin de tourner cette page douloureuse de leur histoire afin de se réconcilier avec eux-mêmes pour mieux faire face aux défis de l'heure dont l'un des principaux demeure, pour les autorités de la transition, la question sécuritaire. Mais cela ne saurait enlever tout intérêt à ce dossier judiciaire qui continue de cristalliser les attentions au pays des Hommes intègres. Autrement dit, c'est un dossier qui ne peut être relégué au second plan, en raison des fortes attentes des Burkinabè. C'est le lieu de saluer la Justice burkinabè qui marque depuis un certain temps, une volonté d'assumer son indépendance et qui a su, quoi qu'on dise, se montrer peu ou prou à la hauteur des grands procès de l'heure. C'est pourquoi l'on peut regretter le fait que François Compaoré qui s'estime persécuté, continue de se cacher derrière certains arguments au lieu de saisir l'occasion pour se défendre devant la Justice de son pays à l'effet de faire jaillir la vérité pour laver son honneur. D'autant que sa situation actuelle dans l'Hexagone où il ne jouit pas d'une liberté totale de mouvement et qui le contraint littéralement à montrer patte blanche en se présentant régulièrement à une autorité judiciaire en France, n'est pas loin d'une véritable prison. En tout état de cause, la tenue de ce procès se veut d'autant plus un impératif qu'il s'agit non seulement de rendre justice au journaliste assassiné et à ses compagnons d'infortune, mais aussi en raison de sa valeur pédagogique pour toute la société burkinabè, au moment où la liberté de presse et d'opinion continue d'enregistrer des attaques avec des menaces de mort à l'encontre de certains journalistes. Le Burkina n'a pas besoin de ça. Et loin d'être vain, le sacrifice de Norbert Zongo doit sonner à jamais le glas des assassinats de journalistes et, au-delà, du musèlement des citoyens pour une question d'opinion.