Confronté à l'hydre terroriste, le Burkina est de nouveau à la croisée des chemins. Ou il se mobilise à l'unisson pour gagner la guerre contre les Groupes armés terroristes (GAT), ou il pourrait sombrer sous leurs coups de boutoir dans un chaos aux conséquences incalculables. L'heure est grave, tout est urgent et le temps est compté, selon les nouvelles autorités, qui se triturent les méninges pour la sauvegarde et la restauration de l'Etat, de la patrie.
Dans cette dynamique, le Président de la Transition, chef de l'Etat, entouré du ministre d'Etat, ministre de la Fonction publique, du Travail et de la Protection sociale et de celui de l'Economie, des Finances et de la Prospective, a rencontré, le vendredi 9 décembre, l'Unité d'action syndicale (UAS), les coordinations des syndicats des différents départements ministériels et le Conseil national du patronat burkinabè. Au menu des échanges, l'appel à l'union sacrée des Burkinabè pour faire front contre les forces du Mal, avec en ligne de mire une contribution financière volontaire et patriotique pour la constitution d'un fonds de soutien à l'effort de guerre.
Pour alimenter ce fonds, le gouvernement propose aux partenaires sociaux et au-delà à tous les Burkinabè, un prélèvement de 1% sur le salaire net des travailleurs du public et du privé, des membres de l'Assemblée nationale de transition, un supplément sur les taxes sur certains produits de grande consommation : la boisson, le tabac, la connexion Internet, les produits cosmétiques et de parfumerie. Certaines sociétés d'Etat et/ou Etablissements publics à caractère commercial seront également mis à contribution, notamment la LONAB, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), le fonds minier de développement local...
Recettes attendues en 2023 pour ce fonds de soutien à l'effort de guerre : 80 milliards de FCFA. Insuffisants, selon les explications d'Aboubacar Nacanabo, le ministre des Finances, car pour former, habiller, équiper et payer seulement les 50 000 Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) en voie de recrutement, il faudrait 106 milliards de FCFA en 2023. Quid des autres dépenses militaires et paramilitaires ? Quand on sait, selon les déclarations du ministre Aboubacar Nacanabo, que le budget national, exercice 2023, présente un déficit de 600 milliards de francs, il faut libérer son génie créateur pour élargir l'assiette fiscale, trouver des financements nouveaux. Voilà qui justifie la création du fonds de soutien à l'effort de guerre.
Tout bon patriote, vu la situation sécuritaire gravissime, ne peut que prendre acte de cette décision gouvernementale, s'engager et engager tous les Burkinabè à contribuer à cette bonne cause : gagner la guerre pour restaurer le Burkina sur toutes les latitudes de ses frontières territoriales et instaurer la paix dans la coexistence pacifique de toutes les communautés nationales, préalables au renforcement de la démocratie et aux progrès socio-économiques du pays. Ok donc mille et une fois à l'initiative de création d'un fonds de soutien à l'effort de guerre avec l'espoir que les garde-fous d'une bonne gestion annoncés par le gouvernement seront érigés pour que l'argent du contribuable serve effectivement à atteindre les objectifs attendus. En tout cas, plus les Burkinabè sont mis à contribution, suant sang et eau, déboursant en impôts et taxes supplémentaires dans un contexte de vie chère où l'inflation prend l'ascenseur avec une moyenne de 19% en 2022, le taux le plus élevé de la zone UEMOA, soit dit en passant, plus ils seront regardants sur les résultats de l'action gouvernementale, particulièrement en matière de lutte contre les GAT. Au demeurant, le MPSR n'a pas inventé la roue des taxes et contributions spéciales pour cette cause sacrée qu'est la sauvegarde du pays.
Rappelons, à toute fin utile, que la première fois où le pays a dû faire appel à une contribution patriotique pour la bonne cause, à savoir pour sauver la nation, c'était après la chute du président Maurice Yaméogo en 1966. En effet, pour redresser les finances publiques qui étaient complètement exsangues et un Etat au bord de la cessation de paiements, il fut instauré une contribution patriotique qui avait consisté à demander un mois de salaire aux travailleurs du public et à ceux du privé et un supplément de patente pour les opérateurs économiques des secteurs structuré et informel ; 200 F pour chaque particulier soumis à l'impôt de capitation dans les 2 plus grandes villes, Ouagadougou et Bobo-Dioulasso ; et 100 F pour la même catégorie de particuliers résidant en milieu rural.
Ces mesures, accompagnées d'une gestion rigoureuse des finances publiques, connue sous le nom de "garangose", ont conduit au redressement souhaité de l'Etat et fondé la doctrine budgétaire encore en vigueur aujourd'hui : n'engager des dépenses que suivant ce qui est inscrit au budget et sous le contrôle des inspecteurs du Trésor. Aboubacar Nacanabo fera-t-il aussi bien que son prédécesseur Tiémoko Marc Garango, père de la garangose ?
Toujours au chapitre des rappels historiques sur les contributions patriotiques on ne saurait passer sous silence celle demandée en 1974, quand le différend frontalier entre le Mali et le Burkina s'était envenimé, se transformant en conflit armé. Devant la vétusté et l'indigence en équipement militaire de nos soldats, le gouvernement en appela à un effort de guerre. Celui-ci avait consisté en la cession d'un demi-mois de salaire des travailleurs du public et du privé, en un supplément de patente pour les acteurs des secteurs formel et informel et en une légère augmentation de l'impôt de capitation pour les particuliers qui y étaient astreints. Rapidement le gap budgétaire fut comblé et les forces de défense et de sécurité furent mieux équipées que des obsolètes fusils MAS 36 dont elles disposaient. Là encore, les Burkinabè ne rechignèrent pas à faire des sacrifices pour la bonne cause, convaincus de la bonne gestion qui serait faite de leurs contributions.
Contribution patriotique pour contribution patriotique, il faut aussi signaler l'Effort populaire d'investissement (EPI) demandé sous la Révolution pendant 2 ans, soit de 1984 à 1986, aux salariés du public et à ceux du privé. Il consistait à céder, sauf erreur, 6% du salaire net à des avancements d'échelons et d'échelles sans augmentation de salaires. L'objectif du gouvernement était de financer le Plan populaire de développement, notamment les secteurs sociaux (écoles, hôpitaux, accès à l'eau potable) et la construction de routes, sans l'aide extérieure.
A cause du discours clivant des tenants de la Révolution qui appelaient à la fois à un sursaut patriotique mais distinguaient "le peuple" des "ennemis du peuple", "les patriotes" "des valets locaux de l'impérialisme", des "syndicats révolutionnaires" des "anarcho-syndicalistes", la bonne initiative de l'EPI reçue un accueil plus que mitigé.
Aux dirigeants actuels de tirer toutes les leçons de ces rappels historiques sur la contribution patriotique au Burkina pour que la bonne initiative de créer un fonds de soutien à l'effort de guerre porte ses fruits. Nos grands-parents, nos pères et nos aînés ont versé sueur et sang, sacrifié de leur confort financier pour nous léguer un Burkina debout. A notre tour de relever les défis qui sont les nôtres.
Cependant, l'appel à un sursaut national dans l'unité pour sauver la patrie ne saurait s'accommoder de discours de stigmatisation et d'exclusion. La promotion de la bonne gouvernance ne saurait s'accommoder non plus de népotisme, de copinage et de clientélisme. Mille fois Ok donc pour l'effort de guerre, mais gare aux dérives qui pourraient fissurer l'engagement de tous !