Dix jours après la pose de la première pierre de la toute première autoroute à Madagascar, les critiques et interrogations affluent. La cérémonie en grandes pompes et son défilé d'engins de chantier terminés ont laissé place à beaucoup de questions qui ne trouvent aujourd'hui pas de réponse.
Ce projet titanesque, poussé par le président Rajoelina, devrait permettre à la Grande Île de se doter d'une 4 voies, longue de 260 km, reliant la capitale Antananarivo, à la capitale économique Tamatave, sur la côte Est, et ce, en 2h30 au lieu des 8h incompressibles actuelles. Une société égyptienne a été choisie pour réaliser l'infrastructure dont le coût estimé avoisine le milliard de dollars.
À un an de l'élection présidentielle, les annonces et poses de première pierre de projets d'envergure ne manquent pas sur l'île. Aussi, plus que jamais, la société civile veille et demande des comptes aux gouvernants.
" Aujourd'hui, on est face à une opacité par rapport à la construction de cette autoroute. Déjà au niveau des documents préalables, par rapport à l'étude d'opportunité de la dépense, par rapport aux études d'impact environnementales, d'impact social, par rapport au tracé de l'autoroute, on n'a pas accès aujourd'hui à ces documents ", Hony Radert qui dirige le Collectif des citoyens et organisations citoyennes.
" Ces études ont-elles été réalisées ? On ne sait pas. Par ailleurs, l'État compte faire un prêt de 3300milliards d'ariarys (720millions d'euros) auprès d'une entité qui s'appelle Secure Capital Investments dont on ne connait rien. Dans quelle mesure est-ce qu'elle est solvable, se demande Hony Radert. Dans quelle mesure existe-t-elle vraiment? "
" Une trahison vis-à-vis du peuple malgache "
L'État prévoit de financer 20% des travaux sur fonds propres. Une ligne budgétaire de 300 milliards d'ariarys (65 millions d'euros) dédiée à l'autoroute apparaissait déjà dans la loi de finances 2022. " Le directeur général du budget [qui a été limogé la semaine passée, NDLR] m'a bien dit, lors du débat sur la loi de finance, qu'ils doivent décaisser cet argent avant le 15 décembre ! "
Roland Ratsiraka, député de Tamatave et ancien ministre des Travaux publics aujourd'hui considéré comme opposant au régime, dénonce ce qu'il estime être un mensonge d'État : " C'est pour ça qu'ils ont fait la pose de la première pierre. Sans dossier, sans rien. C'est un prétexte pour sortir cet argent. Pour qui ? Pour une entreprise qui n'a jamais construit d'autoroute et qui a un petit contrat bidon avec l'État malgache et qui n'a jamais été emmené au niveau du parlement, pas d'expérience. Pour moi, on les a forcés à collaborer. Là, il y a clairement une trahison vis-à-vis du peuple malgache. C'est un détournement de fonds publics, clair, net et flagrant, et c'est inacceptable. Ce virement se fait pour des raisons fictives. S'ils réfutent, le gouvernement doit me contredire. Ils doivent me prouver que j'ai tort. "
Interpelée sur ces sujets, la présidence n'a pas donné suite à nos questions.