Afrique: Mondial 2022. Juvhel Tsoumou - " Je sens au fond de moi que le Maroc va aller au bout, c'est l'heure de l'Afrique"

Equipe nationale du Maroc au Mondial 2022
interview

L'international congolais, vainqueur du championnat du Maroc et de la Ligue des champions 2022 sous les ordres de Walid Regragui, analyse le parcours de son ancien entraîneur à la tête des Lions de l'Atlas. En observateur avisé, il croit en une victoire du Maroc face à la France, ce mercredi.

Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B.) : Juvhel, es-tu étonné par le parcours du Maroc, dirigé par ton ancien entraîneur au WAC, Walid Regragui ?

Juvhel Tsoumou (J.T.) : Non, je ne suis pas étonné. C'est un grand entraîneur qui prévoit les choses, qui a une vision. Quand il m'avait fait venir au Wydad, en août 2021, il avait déjà son plan dans la tête, tout était clair. Il savait comment il allait faire jouer son équipe et quel rôle j'aurais à jouer. Et, à la fin de notre entrevue, je voulais jouer sous ses ordres au WAC, pas ailleurs. Et même si ça n'a pas toujours été facile (Ndlr : seulement six titularisations en trente-huit apparitions), je savais qu'avec lui j'allais gagner des titres.

L.D.B. : A l'occasion de ce Mondial, ceux qui ne connaissaient pas Walid Regragui découvrent un tacticien et meneur d'hommes, capable de fédérer son équipe.

J.T. : Il a une approche intelligente de son groupe, autant les titulaires indiscutables que les remplaçants. C'est ainsi qu'il arrive à faire accepter des décisions que tu refuserais si elles venaient d'un autre entraîneur. Il a su faire de la sélection marocaine une famille, un groupe très uni, comme il l'avait fait au Wydad. Je pense qu'il est de la veine de Jurgen Klopp ou de Carlo Ancelotti, des techniciens qui sont proches de leurs joueurs et parviennent à générer une énergie et une force énormes.

L.D.B. : Doublé Ligue des champions-championnat du Maroc puis demi-finale, à minima, du Mondial : quelle année 2022 pour lui !

J.T. : Oui, c'est incroyable. Mais cela n'est pas un hasard. C'est le fruit du travail et du talent. C'est une fierté pour le football africain et arabe.

L.D.B. : Que ressens-tu à la veille de cette première demi-finale d'une sélection africaine en Coupe du monde ?

J.T. : Au vu du talent qu'il y a sur ce continent, je me dis que c'est avant tout une anomalie qui est enfin réparée. On l'a beaucoup espérée et attendue. Maintenant, il faut aller plus loin dans ce Mondial avec une finale et une victoire du Maroc, mais aussi lors des prochaines éditions. On ne doit pas attendre encore des décennies pour en vivre une autre. Et pour ça, il va falloir améliorer beaucoup de choses dans beaucoup de pays en termes d'investissement et de travail.

L.D.B. : C'est-à-dire ?

J.T. : Ce n'est pas un hasard que ce soit le Maroc qui soit le premier à accéder au dernier carré. C'est l'un des championnats les plus structurés du continent, avec des grands clubs, de l'investissement dans les infrastructures, autant les terrains que les stades.

Nous avons un beau continent, nous avons des richesses, nous avons une population jeune et énergique, mais nous ne faisons pas les bons investissements pour cette jeunesse. Il faut que tous les pays suivent l'exemple du Maroc pour que l'Afrique s'inscrive à ce niveau sur la durée. Son formidable parcours doit nous tirer vers le haut.

L.D.B. : Est-ce le cri du cœur de l'international congolais à ses instances sportives ?

J.T. : Bien sûr, c'est un appel aux instances congolaises et africaines. Au Congo, que sont devenus les stades construits ces dernières années ? Dans quel état est le grand stade des Jeux africains ? Donnez des moyens aux joueurs africains et aux clubs africains pour bien se former, pour se déplacer, pour jouer sur des bons terrains, pour que l'on soit à armes égales avec le football européen et sud-américain.

L.D.B. : Comme toi, plusieurs Lions de l'Atlas sont nés ou ont été formés en Europe. On peut donc construire une équipe compétitive en associant binationaux et joueurs locaux ?

J.T. : Cela peut être une voie à suivre, mais pour que cela fonctionne, il faut faire en sorte que les binationaux soient dans des bonnes conditions. Si tu fais venir un joueur qui ne connaît que les bons terrains en herbe pour le faire jouer sur un terrain artificiel abimé, tu vas le mettre en difficultés. Il ne pourra pas donner ce que le staff attend de lui et cela va engendrer de la déception. Donc on en revient toujours aux moyens mis dans les infrastructures, dont profiteront tous les joueurs, locaux ou binationaux.

L.D.B. : Pour conclure, peux-tu donner ton pronostic sur cette demi-finale historique ?

J.T. : Dans un match de football, rien n'est impossible. David a tapé Goliath et je pense que le Maroc a toutes ses chances. Quel que soit le résultat face à la France, le Mondial est réussi pour cette équipe du Maroc, qui est soutenue par tout le continent. Je sens au fond de moi que le Maroc va aller au bout: c'est l'heure de l'Afrique.

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