Congo-Kinshasa: Inondations meurtrières - Eviter à tout prix une autre crise humanitaire

14 Décembre 2022
analyse

Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo (RDC), est sous l'emprise des eaux. En effet, des pluies diluviennes se sont abattues sur la ville dans la nuit du 12 au 13 décembre 2022, provoquant de graves inondations où ont péri près de 120 personnes. Ce bilan humain reste provisoire et est appelé à évoluer. Car il manque encore à l'appel, de nombreux Kinois que les secours s'activent encore à retrouver. L'on note aussi d'importants dégâts matériels causés par ce déluge dont les eaux ont envahi les grandes artères de la capitale. En effet, plusieurs maisons ont été emportées, de nombreux véhicules ensevelis et des routes effondrées. Le gouvernement qui a aussitôt tenu une réunion de crise, a décrété un deuil national de trois jours. La question que l'on peut tout de suite se poser face à ce drame qui frappe la grande métropole congolaise qui abrite pas moins de 15 millions d'habitants, est la suivante : comment cela a-t-il pu arriver ? La première coupable est sans doute la nature. Kinshasa est sise en zone équatoriale qui est traditionnellement le domaine des grandes pluies en Afrique. Le cumul pluviométrique annuel s'élève à plus de 1385 mm avec un pic au mois de novembre.

La nature n'est sans doute pas la seule à laquelle il faut jeter la pierre

Ces abondantes pluies sont charriées par le fleuve Congo dont le bassin abrite la ville qui se situe à une faible hauteur au-dessus de la mer (280 m d'altitude). Kinshasa est donc naturellement prédisposée aux inondations et il faut craindre que cette situation ne s'aggrave avec le dérèglement climatique consécutif au réchauffement de la température de la terre. Selon les prévisions des scientifiques, en effet, les précipitations seront, à l'avenir, plus abondantes dans certaines zones en raison de l'élévation du niveau d'eau de la mer. Le risque de voir de nombreux réfugiés climatiques, devient donc de plus en plus important et le drame qui se joue à Kinshasa, est sans doute l'un des signes avant-coureurs. Mais la nature n'est sans doute pas la seule à laquelle il faut jeter la pierre. Les autorités politiques et administratives doivent certainement aussi avoir des choses à se reprocher. Car, c'est connu, les villes africaines se développent souvent sans planification et donc sans le minimum d'infrastructures d'assainissement et d'évacuation des eaux de pluies. Dans de nombreuses catastrophes liées aux inondations, l'on met souvent en cause ces infrastructures qui sont soit inexistantes soit insuffisantes ou encore mal entretenues. Pire, l'explosion des villes africaines souvent alimentées par l'exode rural, a été à l'origine de l'installation des couches des populations les plus pauvres dans des zones inondables, avec souvent le silence coupable des autorités municipales. Dans le cas de Kinshasa, les quartiers les plus impactés par ces dernières inondations, sont justement ceux qui sont installés dans les vallées où les glissements de terrain, sous l'effet des eaux, ont détruit de nombreuses habitations.

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Il faut déclarer l'état de catastrophe humanitaire

Au-delà des autorités politiques et administratives, il faut aussi pointer du doigt la responsabilité des populations dont les comportements sont hostiles aux politiques d'assainissement de la ville. En effet, de nombreux caniveaux d'évacuation des eaux pluviales et des eaux usées, sont bouchés par des ordures ménagères. Sans nul doute que la construction anarchique des habitations a aussi contribué à amplifier le drame en rendant particulièrement difficiles voire impossibles les opérations de secours. Cela dit, l'heure n'est pas aux accusations. Car il faut parer au plus urgent. Et le plus urgent, c'est d'abord de retrouver les personnes certainement encore ensevelies sous les débris et porter secours aux nombreux blessés. Il faut aussi, dans l'urgence, reloger tous les sans-abris consécutifs à cette catastrophe naturelle et satisfaire leurs besoins en termes d'alimentation et de santé. La santé, justement, doit faire l'objet de beaucoup d'attention. Car, l'on sait que les inondations sont souvent accompagnées d'épidémies comme le choléra. Quand on sait que la République démocratique du Congo est un foyer épidémiologique à répétition, il faut prendre très au sérieux le risque sanitaire. C'est en raison de tous ces risques qui peuvent déboucher sur une autre crise humanitaire après celle qui se joue à l'Est du pays avec la crise sécuritaire liée à la rébellion du M23, que les autorités gouvernementales ne doivent pas se limiter au deuil national de trois jours qu'elles ont décrété. Il faut déclarer l'état de catastrophe humanitaire et permettre à la communauté internationale de venir au chevet de ce pays malade dont les problèmes sont aux dimensions de son grand espace territorial. En aucun cas, il ne devrait y avoir de faux orgueil de la part du président Félix Tshisekedi comme il le fait face à l'insécurité dans le Nord-Kivu. En attendant de connaître la riposte que proposeront les autorités congolaises, l'on ne peut que plaindre le peuple congolais qui semble victime de la malédiction des 10 plaies d'Egypte. En effet, alors que les Congolais n'ont pas fini d'enterrer les victimes des massacres de Kishibe et Bambo dont le nombre évolue entre 131 et 272, ils doivent encore gérer les 120 cadavres des inondations.

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