Mali: Le désengagement des troupes étrangères se solde par des conséquences variées

Distribution alimentaire devant la mosquée Djingareyber à Tombouctou, au Mali (image d'illustration).

Après le retrait des troupes françaises du Mali, d'autres Etats dont la Suède, le Salvador, le Bénin, l'Egypte, le Royaume-Uni, la Côte d'Ivoire et l'Allemagne ont annoncé de quitter le pays, avec des raisons différentes.

Par cette décision prise en l'espace de quelques mois de suspendre la participation de leurs soldats à la mission de l'Organisation des Nations unies (ONU) au Mali, l'avenir de celle-ci est plus que jamais remis en question, provoquant la multiplication des attaques djihadistes et autres effets néfastes pour Bamako.

Au sujet de ce qui a poussé les pays concernés d'arrêter leur participation à la Mission des Nations unies au Mali (Minusma), on peut dire qu'ils ont entrepris de réexaminer leur appui à la force onusienne en raison de la montée de l'instabilité. L'Allemagne, qui compte environ 1100 soldats au sein de cette force, s'est à plusieurs reprises inquiétée de la présence au Mali de paramilitaires du groupe de sécurité privé russe Wagner.

Tout comme Berlin, le Royaume-Uni qui a près de 300 soldats présents sur place a allégué, malgré les dénégations de la junte malienne, le recours de la part de celle-ci au groupe paramilitaire russe. " Le partenariat du gouvernement malien avec le groupe Wagner est contreproductif pour la stabilité et la sécurité à long terme dans la région ", a fait remarquer le secrétaire d'Etat aux forces armées britanniques, James Heappey.

Le Bénin, quant à lui, a invoqué la menace djihadiste à la frontière nord du pays pour justifier le retrait de ses troupes, alors que l'Egypte a mis en avant le nombre de soldats qu'elle avait perdus au Mali. Ce qui l'a contraint d'annoncer à la mi-juillet la suspension de la participation de ses 1 035 soldats à la Minusma qui compte plus de 12 000 soldats et 1 700 policiers.

Avec 872 Casques bleus et cinquième des cinquante-cinq pays contributeurs à la force onusienne, la Côte d'Ivoire a annoncé le retrait progressif de ses troupes de la mission d'ici à août 2023. Une décision qui intervient sur fond de tensions diplomatiques entre Abidjan et Bamako depuis plusieurs mois.

Tout compte fait, l'on sait que les Occidentaux et les Nations unies dénoncent la présence de mercenaires russes, venus au Mali à l'appel de la junte qui dirige le pays. Celle-ci a coïncidé avec des restrictions imposées à la force internationale par les autorités maliennes : création d'une zone d'exclusion aérienne, suspension puis rétablissement des rotations onusiennes... " Les entraves aux opérations de la Minusma au cours des derniers mois ont eu une sérieuse incidence sur sa capacité à s'acquitter de son mandat, en particulier la protection des civils ", disait récemment le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres.

Les djihadistes gagnent du terrain

Le retrait annoncé des troupes étrangères, ainsi que les attaques djihadistes récurrentes provoquent des conséquences perceptibles non seulement dans le domaine humanitaire, mais aussi sur les plans sécuritaire et économique. En effet, la situation sécuritaire se dégrade dans plusieurs parties du Mali. C'est le cas, par exemple, des régions de Gao et Ménaka qui sont le théâtre d'une vaste offensive de l'Etat islamique (EI) au grand Sahara. Elle donne lieu à d'intenses batailles avec les groupes armés qui y sont implantés et au massacre de civils, selon des sources concordantes.

Les islamistes profitent du vide laissé par le départ de la force française et bientôt des troupes étrangères pour gagner du terrain. La force Barkhane concentrait une partie de ses opérations contre l'EI dans ces régions avant d'être poussée vers la sortie par la junte alliée à la Russie. Et l'on se demande partout si le Mali va renouer avec la paix dans les délais raisonnables. " Si rien n'est fait, la zone entière va être occupée par les djihadistes ", prévient un défenseur des droits de l'homme sous couvert d'anonymat. " Le pire est-il à venir ou sommes-nous déjà dedans ? ", s'interroge-t-il devant la progression des djihadistes dans le Nord-Est et le déchaînement de violences qui l'accompagne.

De son côté, Moussa Ag Acharatoumane, chef du Mouvement pour le salut de l'Azawad, l'un des groupes loyalistes combattant l'EI, parle d'un " climat de terreur " et relève que les violences ont pris des proportions inquiétantes. " Les rats quittent un navire qui semble en train de couler ", commente un diplomate africain sous le couvert de l'anonymat, allusion faite au retrait des troupes étrangères. Il a évoqué une grave crise sécuritaire sur le terrain, qui s'est soldée par plusieurs milliers de déplacés. L'ONU estime à 7,5 millions le nombre de Maliens sur une population de quelque 20 millions de personnes qui ont besoin d'une aide humanitaire d'urgence, allant des médicaments à la nourriture.

Au plan économique, le Mali fait face à d'énormes difficultés qui s'expliquent en partie par le fait que la France a suspendu son aide publique au développement à destination de Bamako, invoquant le recours au groupe paramilitaire russe par la junte au pouvoir. " Face à l'attitude de la junte malienne, alliée aux mercenaires russes de Wagner, nous avons suspendu notre aide publique au développement avec le Mali ", précise-t-on au Quai d'Orsay.

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