Tunis — La déprogrammation de l'examen du dossier de la Tunisie par le conseil d'administration (CA) du Fonds monétaire international (FMI), prévu initialement, pour le lundi 19 décembre 2022, a suscité une réaction vive de deux économistes tunisiens.
Ezzeddine Saidane et Ridha Chkoundali, deux analystes connues de la scène économique tunisienne ont réagi à chaud à cette déprogrammation, expliquant chacun sur sa page facebook, les raisons de cette décision et ses répercussions sur la situation économique et sociale dans le pays.
Cette déprogrammation annoncée officieusement (à travers modification de l'ordre du jour) par le FMI, mercredi, 14 décembre 2022, a été qualifiée de "forme de rejet sévère", par l'économiste Ezzeddine Saidane qui a expliqué, dans un post sur sa page Facebook, que les vraies raisons derrière cette décision résident, entre autres, dans la volonté du FMI de "s'assurer au préalable que d'autres bailleurs de fonds sont prêts à le rejoindre pour réussir ensemble le programme de réformes proposé par l'état en question".
D'après lui, le FMI, les autres bailleurs de fonds et les agences de notation posaient tous la même question: les autorités tunisiennes sont-elles réellement capables d'exécuter les réformes sur lesquelles elles se sont engagées. "Et la réponse était souvent " non ", a-t-il écrit.
Il a pointé du doigt "un sérieux problème de crédibilité des autorités tunisiennes" à cause des "discours profondément contradictoires du Président de la République d'un côté et de son gouvernement de l'autre en plus de la position tranchée de l'UGTT contre le programme de réformes sur lequel le gouvernement s'est engagé".
Toujours selon Saidane, le FMI veut, à travers ce report, s'assurer que la LF 2023 n'est pas en contradiction avec le programme de réformes ayant servi à obtenir l'accord provisoire du FMI. "Le projet de LF 2023 devait être signé par le Président de la République. Mais le document adressé au FMI n'était pas signé", argumente l'économiste.
Il appelle, par ailleurs à "étudier les conséquences de cette déprogrammation et à définir avec rigueur et responsabilité les prochaines étapes, dont probablement le rééchelonnement de la dette extérieure et le passage par le club de Paris. Le pays a besoin d'une gestion sage, patriotique, saine et responsable".
Pour sa part, l'universitaire et économiste Ridha Chkoundali, a évoqué "l'ambiguïté", qui va persister cette année après cette déprogrammation concernant "la sortie de la crise financière étouffante que traverse la Tunisie".
D'après lui "il est probable que la principale raison de cette décision soit le désaccord entre les acteurs économiques et sociaux sur le contenu des réformes inscrites au programme de réforme soumis à l'accord des experts".
Il a rappelé à cet effet le rejet explicitement formulé par le président de la République du contenu de la réforme du système des subventions et du contenu du dossier de la réforme des institutions publiques.
Chkoundali estime que les répercussions de ce report seront très graves et aggraveront la crise financière étouffante que vit le pays.
L'impact sera direct, d'après lui, sur le projet de budget de l'Etat pour l'année 2023 et sur la mobilisation des ressources extérieures nécessaires pour payer des sommes importantes en devises fortes sous forme de dettes extérieures, ainsi que pour sécuriser l'approvisionnement en matières premières, en médicaments et éventuellement en équipements et matières premières nécessaires au bon fonctionnement du processus de production.
L'agence TAP a appris jeudi, auprès d'une source officielle, qu'une nouvelle date sera convenue entre les autorités tunisiennes et le Fonds monétaire international (FMI) concernant l'examen et l'approbation de la Facilité élargie de crédit pour la Tunisie, afin de donner aux autorités du pays davantage du temps pour finaliser les détails du programme de réforme qu'elles lui ont présenté.
La Tunisie envisage de présenter à nouveau le dossier, lors de la reprise des réunions de la direction du FMI après les vacances de fin d'année, durant le mois de janvier 2023, a ajouté la même source à l'Agence.
Pour mémoire, le FMI avait annoncé le 15 octobre 2022, que ses services sont parvenus à un accord avec les autorités tunisiennes pour soutenir les politiques économiques de la Tunisie avec un accord de 48 mois, au titre du Mécanisme élargi de crédit, d'environ 1,9 milliard de dollars. L'institution financière avait précisé, dans un communiqué, que la validation finale de cet accord doit se faire au niveau du conseil d'administration du fonds qui doit se réunir en décembre 2022 pour examiner la demande de la Tunisie. La Tunisie compte sur les financements du FMI pour fiancer son budget et ouvrir de nouvelles perspectives de financement avec d'autres bailleurs de fonds internationaux.