Afrique: Prestataires, bénéficiaires de services de santé - Ces obstacles qui freinent l'accès des femmes aux soins

15 Décembre 2022

Majoritaires en termes de démographie dans beaucoup de pays africains et dans les structures sanitaires, les femmes subissent, pourtant, des inégalités en soins et en représentativité dans les instances de prise de décisions.

Hier, lors de la deuxième journée de la Conférence internationale sur la santé publique en Afrique, un accent particulier a été mis sur les dames prestataires et bénéficiaires des services de santé.

Une session plénière spéciale a été consacrée, hier, dans la deuxième Conférence internationale sur la santé publique en Afrique (Cphia), qui se tient au Rwanda, du 13 au 15 décembre 2022, aux femmes. Le thème a porté sur " Femmes en santé, des bénéficiaires aux prestataires en passant par les leaders ". Il a été introduit, en mode virtuel, depuis Dakar, par le Pr. Awa Marie Coll Seck du Sénégal, ancien Ministre de la Santé et présentement Ministre d'État auprès du Président de la République. Une occasion, pour cette spécialiste des maladies infectieuses, de revenir sur les inégalités qui touchent les femmes en matière de soins.

Selon elle, il existe d'importantes disparités entre les hommes et les femmes dans le domaine de la santé. Ainsi, les risques encourus diffèrent en fonction du sexe de la personne, même si, reconnait Mme Seck, c'est la femme qui porte la grossesse. Mais à cause de sa vulnérabilité, elle est plus exposée aux Infections sexuellement transmissibles (Ist), au Vih, entre autres pathologies.

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" Les femmes ont un accès aux services de santé très faible ", constate-t-elle, soulignant qu'en plus des décès maternels qui constituent un fléau avec son lot de drames dans la plupart des pays africains, les femmes n'ont pas souvent accès aux services de santé essentiels. En plus, elles ont d'autres problèmes de santé comme les hommes. Mais " elles reçoivent moins de soins de qualité ", regrette l'ancien Ministre de la Santé du Sénégal. Pourtant, dans les structures de santé, la majorité du personnel est de sexe féminin. Seulement, à ce niveau aussi, les prestataires femmes peinent à accéder aux postes de décisions.

Violences sexuelles et sexistes

D'ailleurs, le Ministre d'État auprès du Président de la République du Sénégal n'hésite pas à parler d'obstacles majeurs à l'accès des femmes à la santé. Et elle fait notamment allusion au faible pouvoir économique des femmes, aux violences sexuelles et sexistes, à certaines considérations socioculturelles, particulièrement celles tirées de proverbes africains qui ne sont pas toujours favorables au statut de la femme. Malheureusement, ces préjugés sexistes, étant ancrés dans nos croyances et traditions, constituent, inconsciemment qu'aussi bien chez les femmes que chez les hommes, la référence.

Ce qui freine encore, aujourd'hui, les femmes dans beaucoup de domaines dans le continent africain. Les femmes sont confrontées à des obstacles spécifiques à leur santé et à leur émancipation. De l'avis du Pr Awa Marie Coll Seck, il est nécessaire d'intégrer, dans les politiques et programmes, une approche multisectorielle afin d'arriver à une synergie permettant de prendre en compte les inégalités qui touchent les femmes en matière d'accès aux soins et de prise en charge de qualité.

À ce niveau, elle invite à s'inspirer de la dynamique de la gestion de la Covid-19 où les femmes, qu'il s'agisse dans les structures sanitaires (prestataires) que dans la communauté, ont été en première ligne. Mieux, la spécialiste des maladies infectieuses plaide pour qu'une étude soit menée afin de déterminer l'impact négatif de ces préjugés sexistes sur les femmes d'une manière générale, mais aussi sur les prestataires, dont les capacités doivent également être renforcées.

Cependant, le Pr Awa Marie Coll appelle à ne pas opposer les deux sexes. Au contraire, ils doivent être complémentaires. Car " tout développement qui se veut efficace et durable doit se faire aussi bien avec les hommes qu'avec les femmes ", justifie-t-elle, insistant sur la nécessité de " respecter la justice et l'équité ". À son avis, quand on parle de santé, les femmes doivent être au centre et non à la périphérie.

Paradoxe entre le nombre de femmes prestataires et leur niveau de responsabilité

Donnant l'exemple de l'engagement des femmes dans la riposte contre la Covid-19, le Dr Magda Robalo, présidente de l'Institut pour la santé mondiale et le développement et ancien Ministre de la Santé du Ghana, indique qu'elles ont joué un rôle de premier plan. " Lorsque la Covid-19 est arrivée, les femmes étaient au-devant. Nous avons des exemples où elles ont dirigé les interventions, alors que la plupart des agents de santé de sexe féminin peinent à accéder à des postes de décisions ", confie-t-elle. Ce qu'il qualifie de paradoxe par rapport à la supériorité numérique de ces dernières, largement en tête des effectifs, comparées à leurs collègues hommes.

" Nous devons reconnaitre qu'il y a des barrières qui les empêchent d'aller au bout de leur rêve, en occupant les plus hautes sphères de décisions ", affirme Mme Robalo. Tout comme le Pr Awa Marie Coll Seck, ancien Ministre de la Santé du Sénégal, elle rappelle que les femmes ne sont pas en compétition avec les hommes. " Au contraire, nous avons besoin d'eux. Par contre, il est nécessaire de changer certaines normes sociales qui empêchent certaines d'entre elles d'accéder aux postes de décisions ", préconise la présidente de l'Institut pour la santé mondiale et le développement. En plus, elle estime qu'au lieu de " forcer les portes, les femmes peuvent écrire leurs propres histoires ".

Le Dr Magda Robalo est convaincue qu'il leur est possible de " faire basculer le centre de gravité en créant leur propre espace ". Tout de même, elle reconnait que ce n'est pas facile. Seulement, l'éducation des femmes peut, selon elle, dans le long terme, permettre de susciter un changement de comportements.

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