Congo-Brazzaville: Les souvenirs de la musique congolaise - Rivalité entre les orchestres Bantous et Tembo (suite 3)

Au cours des années 1964, 1965, 1966 et 1967, nonobstant le climat de terreur instauré par la Jeunesse du mouvement national de la révolution (JMNR) en vue de dissuader et traquer les ennemies de la révolution, pendant les week-ends, Brazza by night vibrait aux rythmes des œuvres musicales produites par différents orchestres qui emballaient et attiraient le public dans les bars dancing.

Parmi la multitude des groupes musicaux qui excellaient sur la scène musicale congolaise, deux ensembles se disputaient le leadership, Tembo et Bantous de la capitale.

L'orchestre Tembo, dirigé des mains de maître par Daniel Loubelo de la lune, a comme supporters et fans la plupart des congolais rapatriés de Léopoldville et l'association Amida. Il bénéficie d'un apport de la part de l'Etat qui lui octroie des instruments flambant neufs et d'un soutien multiforme émanant de quelques ténors du régime, membres de la JMNR, de la Défense civile (Bras armé du régime), organes issus de la révolution des 13, 14 et 15 août 1963 qui défendaient bec et angles les acquis du pouvoir.

Certains dignitaires de la JMNR, qui regardaient d'un mauvais œil l'évolution de l'orchestre Bantous, manifestaient une antipathie envers cet ensemble musical et militaient pour sa dislocation, le taxant d'orchestre contre révolutionnaire parce que non seulement créé sous le régime de l'abbé Fulbert Youlou, soutenu par des personnalités dudit régime tel que Jacques Bankates (commerçant), les ministres Prosper Gandzion qui fut président d'honneur de cet orchestre, Frédéric Nzalakanda et autres... Mais aussi soit disant pour son non engagement à la cause de la Révolution.

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En guise de réponse à ces allégations, la chanson de Jean Serge Essous intitulée "Tongo etani na mokili ya Congo" , dans laquelle il salue l'avènement de la révolution dans le pays, traduit bel et bien la prise de conscience de l'orchestre Bantous sur le changement combien salutaire du régime. "En ce jour le soleil se lève et notre Congo resplendit", un emprunt des premières phrases de l'hymne national "La Congolaise" fut l'une des plus belles chansons patriotiques et révolutionnaires du Congo.

Œuvre de Jean Serge et exécutée par Célestin Nkouka, Nino Malapet, PablitoA, Michel Boyi Banda, Francis Bitsoumanou Celi BitsouI et Saturnin Pandi. Cette chanson fut pendant de longues années le générique du journal parlé en français de Radio Congo aux éditions du milieu de la journée et EN vespéral. Elle obtint le Premier prix de la chanson révolutionnaire.

L'orchestre Tembo, appelé "orchestre révolutionnaire" par ses fanatiques, chantait et louait les œuvres et bienfaits de la révolution. L'on observait, au cours de ces différentes prestations, la présence très remarquée de certaines autorités de la JMNR telles que Jean Lunda, François Mabouaka, Kamanké et un certain Castro qui fut ancien régisseur de la Maison d'arrêt. Tembo excellait dans la rumba "Soukous et OdembaO" et dans la danse "Boucher".

Les titres "Didi gentil ya ndambo", "Antoine", "Morissi bokilo mabé", "Louisa", Muzi na Ave Maria" et autres en sont une illustration et le duo Ange Zendodit Ange Linaud et Démon Casano état maitre dans l'art de composer des belles rumbas. Tandis que Sam Mangwana, ancien sociétaire de l'orchestre Los Batchitcha, dans l'un de ses boléros, "Jolie", apporta une plus-value au répertoire de l'orchestre Tembo, surtout à cause de sa voix éclatée et reconnaissable au milieu de mille autres. Au cours de ces années, chaque concert ou prestation des Bantous et Tembo était sujet de commentaires et polémiques interminables parmi les fans des deux orchestres.

Ainsi naquit la rivalité entre les orchestres Bantous de la capitale et Tembo qui se disputèrent la première place au panthéon de la musique congolaise au cours des années 1965, 1966 et 1967, rivalité qui fut également alimentée par des chansons dites "Mbwakela" (adresse indirecte à quelqu'un par le biais d'une chanson ou par des invectives). A suivre.

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