Madagascar: Professionnaliser les illustrateurs pour faire évoluer la littérature jeunesse

Depuis lundi 12 décembre, l'Institut français de Madagascar offre à dix illustrateurs de littérature jeunesse une résidence de professionnalisation, pilotée par Sess, auteur-illustrateur d'albums pour enfants. Le but : gagner en compétences et connaître les rouages de l'édition pour accéder un jour à la publication.

Ils sont doués, leurs dessins pourraient émerveiller des milliers d'enfants, mais ils ont du mal à trouver un éditeur. Les dix illustrateurs jeunesse en résidence pour une semaine à l'Institut français de Madagascar écoutent les conseils du dessinateur Sess : " Là, vous avez le texte du Chaperon rouge, vous me choisissez un passage, et vous essayez de trouver une manière un peu originale de me le représenter. Pas ce qui est écrit mot pour mot dans le texte, d'accord? " Abandonner ses habitudes, sortir des clichés. Sess déroute son auditoire.

" Moi, je trouverais ça cool, puisqu'on est à Madagascar, que le Chaperon rouge, il soit assimilé à ici, ça peut être sympa, plutôt que de dessiner un truc traditionnel. Inspirez-vous de votre décor, de vos traditions, c'est une force de vous en servir. ", insiste l'auteur-illustrateur.

Imprimer sa patte

" Ça fait partie du processus créatif, détaille Sess. C'est là où l'on prend un peu ses ailes, son indépendance en tant qu'illustrateur, où l'on trouve sa signature. Parce que tout le monde peut représenter une scène typique d'un enfant qui marche si c'est écrit dans le texte. Ce qui va faire la différence, et le côté plus professionnel, c'est comment on va le représenter ? Est-ce qu'on va faire le choix de se mettre à la vue du petit garçon, est-ce qu'on va s'éloigner ? Est-ce qu'on va faire un gros plan sur sa main, sa bouche, ses pieds qui marchent ? L'illustration est censée accompagner un texte et l'emmener un peu plus loin. "

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" Ça, je l'ai appris aujourd'hui ! Moi, quand on me donne un scenario, je redessine juste ce qui est sur le texte ! " L'illustratrice Sese Dille, 26 ans, confie - amusée - être bousculée dans sa manière de travailler : " Le conseil qu'il nous a donné tout à l'heure, c'était très intéressant, qu'il fallait interpréter à notre façon plutôt que de juste recopier en dessin le texte... "

L'importance de montrer son travail

Passionnée par les histoires qui pétillent, Sese Dille commence à vivre de son travail. Les réflexions initiées par le dessinateur français lui permettent d'agrandir ses horizons. " Durant l'atelier, Sess nous a dit qu'on peut s'inspirer de la vie quotidienne, des petits tracas de notre vie, au motif qu'il y aura toujours des gens qui pourront s'identifier à ce que l'on écrit, raconte-t-elle. Je n'y avais jamais pensé... Donc, oui, je vais sortir de ma zone de confort que sont les contes, pour parler et dessiner d'autres choses. "

Autre enjeu, gagner en notoriété. Pour aller ensuite taper à la porte des éditeurs en leur montrant un travail. Pour Sess, internet et les réseaux sociaux ont aboli les frontières et les barrières financières. " Il ne faut pas grand-chose. Déjà, ne serait-ce qu'une page Instagram, c'est tout bête, mais c'est la base. Moi, c'est ce qui m'a permis de faire mon petit trou, indique le dessinateur. Et aussi, bien choisir ce que l'on décide de montrer. " Pour ceux et celles qui veulent aller plus loin, il existe " plein de portefolio en ligne gratuits, type Ultra-book, qui est une plateforme de galeries. La version gratuite permet de mettre 25 images. C'est tout à fait suffisant pour montrer son travail. "

Une branche de la littérature trop peu développée

Cette résidence de professionnalisation est partie d'un constat : l'offre de littérature jeunesse à Madagascar est " relativement pauvre ", selon Florence Dimani, responsable de la médiathèque de l'Institut français de Madagascar. " Il y a de belles évolutions ces dernières années, mais à ce jour, on constate qu'il y a peu de livres en langue malgache à disposition du public, et très peu en termes de diversité et de style, regrette-t-elle. On a beaucoup de contes, mais peu d'albums, peu de bandes dessinées... À titre d'exemple, on a recensé moins de 200 livres en langue malgache, à disposition de la jeunesse, c'est-à-dire d'un public de 0 à 15 ans. "

L'offre de la littérature jeunesse à Madagascar, on peut dire qu'elle est relativement pauvre

Florence Dimani, responsable de la médiathèque de l'Institut Français de Madagascar

La résidence se termine samedi à l'Institut français avec une matinée au cours de laquelle les artistes pourront montrer le travail qu'ils ont réalisé. Une sorte de " speed-dating " avec des éditeurs locaux est aussi prévue, précise Florence Dimani, afin que les illustrateurs puissent " étoffer leur carnet d'adresses et possiblement réaliser des contrats, pour agrandir les titres de la littérature jeunesse malgache. "

Attirer l'attention des éditeurs grâce au numérique, sortir l'illustration des sentiers battus, de quoi donner un nouveau souffle à la littérature jeunesse malgache et permettre à ses auteurs de s'offrir une multitude d'horizons.

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