Afrique: Le cycle de subvention 7 - L'heure est aux priorités

analyse

Du 5 au 9 décembre 2022, il s'est tenu à Saly Portudal (Sénégal) un important atelier de Préparation des requêtes de financement pour le cycle 2023-2025 du Fonds Mondial (FM).

Organisé par le Programme conjoint des Nations Unies (ONUSIDA/Fonds mondial), l'atelier a rassemblé les délégations des pays francophones d'Afrique de l'Ouest et du Centre (et aussi Madagascar et Guinée Bissau) qui doivent développer des requêtes de financement pour le prochain cycle, ainsi que des expert(e)s consultant(e)s indépendant(e)s.

L'objectif global de l'atelier était de partager les dernières orientations techniques et les meilleures pratiques en matière de programmation du VIH, de genre et de droits de l'homme et d'engagement communautaire, d'une manière qui permette aux pays d'évaluer où ils en sont dans leur riposte nationale au VIH et comment combler les lacunes, en utilisant le mécanisme de candidature des pays au Fonds Mondial. Plus spécifiquement, il s'agissait de :

1. Veiller à ce que chaque délégation pays avec les consultants puissent préciser l'état actuel du programme de lutte contre le VIH, identifier les principales lacunes dans la cascade des services et les domaines nécessitant des investissements prioritaires ;

2. S'assurer que chaque délégation de pays avec les consultants puissent maitriser ce qui est nouveau dans le cycle de candidature au Fonds mondial à venir et comment cela affecte le pays ;

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3. Développer une compréhension commune des domaines techniques critiques qui concernent les pays et les stratégies pour les aborder, sur la base des enseignements tirés de l'expérience dans les pays ;

4. Développer une meilleure sensibilisation aux ressources techniques disponibles pour les pays à toutes les étapes du cycle (sous la forme d'outils, d'orientations et d'expertise technique), au niveau régional et national et comment y accéder ;

5. Fournir aux délégations pays l'opportunité de commencer à réfléchir à leurs demandes de financement au FM, en utilisant les informations et les ressources mises à disposition pendant l'atelier.

Le moins que l'on puisse dire c'est que ce fût une réussite. Les différentes présentations, les cliniques et les échanges formels et informels entre participant(e)s ont été éclairants et riche d'enseignements. Considérant que la langue, en l'occurrence l'anglais, constitue souvent une barrière, plusieurs participant(e)s ont exprimé leur satisfaction pour avoir pu participer à un atelier d'une telle envergure en français. Cela dit, parmi les nombreux termes abordés lors de cet atelier, les questions de priorisation, des droits humains et d'égalité des genres ont particulièrement dominé les échanges.

La priorisation

La problématique est loin d'être nouvelle, mais dans un contexte marqué une situation économique mondiale difficile et un succès en demi-teinte de la récente reconstitution des ressources du Fonds mondial, la question de la priorisation a gagné en importance. Elle est devenue plus que par le passé une composante essentielle des plans stratégiques nationaux (PSN). Très concrètement, il s'agit du mécanisme permettant d'aligner les priorités des plans nationaux de lutte contre les maladies sur les buts et objectifs de la stratégie du Fonds mondial.

De fait, elle implique de faire des choix mais surtout des compromis sur ce qu'il faut privilégier et sur la manière d'allouer les ressources pour offrir les services à ceux et celles qui en ont le plus besoin (équité) et obtenir un impact maximal des investissements. Qui plus est, le fait qu'il existe des besoins concurrents pour des ressources limitées induit la nécessité d'hiérarchiser les stratégies et les actions nécessaires pour atteindre les objectifs sur une période déterminée. Si les demandes de financement sont mal hiérarchisées, il y a un fort risque que les objectifs de 2030 ne soient pas atteints.

Si tous les participant(e)s de l'atelier ont aisément convenu de travailler à répondre aux exigences de priorisation dans les demandes de financement du Fonds mondial, il n'en demeure pas moins que dans les faits, l'exercice est loin d'être une partie de sinécure. Lors de sa présentation portant sur la " Priorisation dans les demandes de financement du Fonds mondial ", Marc Péchevis, directeur technique du Mécanisme d'appui technique de l'ONUSIDA (TSM) a mis en lumière les difficultés qui émaillent très souvent le processus de priorisation.

Absence de définition et de compréhension communes de ce que l'on entend par " priorisation " + absence d'orientation claire de la part du Fonds mondial sur la manière d'établir des priorités : il peut en résulter une incapacité à décrire et à documenter les processus de priorisation ;

Lacunes en matière de données : Synthèse d'études épidémiologiques, revues de programmes, autres éléments clés non disponibles lorsque les pays commencent à élaborer leur PSN ;

Environnement politique très " chargé/sensible " ;

Dialogue national inclusif mal compris : faible implication d'un large éventail de parties prenantes, mais surtout des populations clés et vulnérables, des groupes communautaires et des réseaux de femmes ;

Défaut d'alignement : Les priorités des donateurs et des pays et/ou le processus sont souvent mal alignés car la hiérarchisation des priorités ne tient pas toujours compte de ce que font les autres

Ces difficultés sont cependant loin d'être insurmontables. Lors de son intervention à Saly, Marc Péchevis à partager quelques critères (tirés du guide du Fonds mondial) qui devraient permettre d'affiner la hiérarchisation des priorités lors de la rédaction de la demande de financement pour le Cycle de subvention 7 (Grant cycle 7, anciennement appelé en anglais NFM4).

Épidémiologie - trajectoire de la maladie, populations et zones géographiques à privilégier

Ampleur de la lacune à combler

Efficacité et ampleur de l'intervention

Équité de l'intervention

Coût et efficacité de l'intervention

Capacité du système de santé

Possibilités de financement

Durabilité

Au demeurant, les différent(e)s intervenant(e)s dans la préparation des requêtes pour le prochain cycle de financement doivent constamment surmonter ou contourner les facteurs contraignants qui tendent à atténuer l'impact des processus de priorisation (voir tableau ci-dessus)

Source : Marc Péchevis, Directeur Technique du Mécanisme d'appui technique de l'ONUSIDA (Oxford Policy Management)

Il est important de souligner qu'en matière de priorisation, il n'y a pas de recette ou de solution miracle. S'il est vrai que le Fonds mondial ne saurait, suivant une approche Top down, imposer à un pays ce qui devrait ultimement faire l'objet d'une priorisation, il importe également que les Instances de Coordination Nationales (ICN) organisent de véritables dialogues nationaux inclusifs. Une telle démarche, si elle est réellement inclusive et démocratique, peut alimenter de manière efficiente les Plans stratégiques nationaux en général et l'exercice de priorisation en particulier.

Droits humains et égalité de genres

La question des droits humains et l'égalité des genres fait également partie des éléments centraux des demandes de financement pour le compte du cycle de subvention 7. Le Fonds mondial en a fait un élément essentiel de sa Stratégie 2023-2028. Précisons que dans le jargon du Fonds mondial les éléments essentiels du programme sont des interventions et des approches clés fondées sur des données probantes visant à atteindre les objectifs ambitieux énoncés dans les stratégies mondiales de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme.

En réalité, la question des droits humains et de l'égalité des genres faisait déjà partie des préoccupations majeures du Fonds mondial comme en atteste l'Initiative " Levez les obstacles " ou le Rapport d'observation 2020-2022 du Comité technique d'examen des propositions du Fonds mondial. Trop souvent, dit le Rapport, les interventions proposées dans le cadre du cycle de financement qui s'achève (NFM3) étaient insuffisantes, cloisonnées et placées dans la demande de financement hiérarchisée au-delà de la somme allouée.

Lorsqu'ils étaient inclus, les services destinés aux personnes transgenres et de genres différents étaient toujours incorrectement liés aux services destinés aux hommes homosexuels. Les données désagrégées et les analyses des lacunes intersectionnelles sur des déterminants généraux d'une mauvaise santé ne sont pas disponibles. Il s'agit notamment des inégalités liées à la race et à l'origine autochtone ou ethnique dans l'accès aux services (Voir page 10 du Rapport).

Fort de ce constat, le Rapport (voir page 6) souligne la nécessité d'établir la priorité d'une couverture optimale soutenue des interventions à fort impact pour les populations clés et les adolescentes et les jeunes femmes, avec des investissements plus importants pour s'attaquer aux obstacles liés au genre et aux droits humains, y compris les obstacles juridiques tels que la criminalisation.

Source : Rapport d'observation 2020-2022 du Comité technique d'examen des propositions du Fonds mondial (p. 36).

Somme toute, il faudra faire plus avec moins d'argent. Cela nécessite plus que jamais un bon exercice de priorisation. C'est en tout cas ce qui est attendu des pays dans le cadre du Cycle de subvention 7 qui s'ouvre prochainement dont voici le calendrier indicatif.

Dates de dépôt en 2023

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