Sénégal: Maladies non transmissibles - Le fardeau des pathologies mentales et des traumatismes dus aux accidents de la route

16 Décembre 2022

La santé mentale parmi les maladies non transmissibles ! Tout comme les traumatismes liés aux accidents de la route. Beaucoup de gens ne mettraient pas ces deux pathologies sur la liste. Pourtant, elles y figurent bien à côté du diabète, de l'hypertension artérielle, des maladies cardiovasculaires qui demeurent certes les plus connues. Elles représentent même une grande proportion de la mortalité et de la morbidité liées aux maladies non transmissibles dans l'ensemble.

(Envoyée spéciale au Rwanda)

KIGALI Les maladies cardiovasculaires, le diabète, l'hypertension artérielle (Hta), les cancers sont les maladies non transmissibles les plus connues en Afrique où elles constituent une menace réelle de santé publique. Pourtant, à côté d'elles, il y a d'autres pathologies classées dans la même catégorie comme les maladies mentales et les traumatismes liés aux accidents de la circulation. Mais on en parle peu. C'est pourquoi, dans la deuxième Conférence internationale sur la santé publique en Afrique (Cphia : Kigali, Rwanda du 13 au 15 décembre 2022), un accent particulier a été mis, hier, sur la santé mentale et les traumatismes causés par les accidents de la route qui gagnent de plus en plus en ampleur sur le continent africain. C'était lors de la séance plénière qui a porté sur " Maladies non transmissibles, une menace croissante pour la santé publique en Afrique ".

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De l'avis du Dr Prebo Borango de l'Organisation mondiale de la santé (Oms), c'est seulement en 2011 que cette institution a intégré dans les maladies non transmissibles en santé publique la pathologie mentale, celles liées aux oreilles, à la gorge et au nez (Orl), les traumatismes dus aux accidents de la circulation qui sont également, selon lui, " un problème de développement ". En effet, ces maladies non transmissibles dont on parle peu contribuent, pour beaucoup, à la mortalité dans la région Afrique. " Les maladies mentales représentent 16 % de la mortalité due aux maladies non transmissibles ", selon Le Pr Jibril Adbulmalik de l'Université d'Ibadan au Nigeria. Il ajoute que " les maladies neuropsychiatriques représentent, à elles seules, 28 % du fardeau des pathologies non transmissibles ". Poursuivant, il renseigne que " l'Afrique supporte 70 % du fardeau des maladies non transmissibles mondiales, alors que ces dernières ne mobilisent que 10 % des ressources ". Pourtant, le continent fait face à un important déficit de spécialistes, en l'occurrence les psychiatres. Si, d'une manière générale, le gap est d'un psychiatre pour 100.000 habitants, en Afrique, il est d'un spécialiste pour 1 million d'habitants.

Maladies neuropsychiatriques

Prenant l'exemple des traumatismes dus aux accidents de la route, le Dr Borango soutient qu'ils " contribuent significativement à la mortalité prématurée entre 30 et 70 ans ", alors que cette tranche d'âge représente le moteur de l'économie dans nos pays. " Nous devons agir pour lutter contre ces maladies non transmissibles ", lance-t-il, soulignant qu'avec la propagation de ces dernières, l'Afrique fait face au double fardeau de la lutte contre les maladies infectieuses et des maladies chroniques non transmissibles, surtout la santé mentale et les traumatismes liés aux accidents de la route qui ne bénéficient pas de l'attention qui sied dans les programmes de santé. D'ailleurs, il s'émeut de la disproportion qui existe entre la mortalité due aux accidents de la route comparée au nombre de véhicules qui circulent en Afrique. " Nous avons le taux le plus bas de véhicules par habitant dans le monde ", constate-t-il.

Ainsi, le Dr Prebo Borango de l'Oms estime aujourd'hui qu'il est nécessaire de mener une riposte efficace contre ces maladies en mobilisant les ressources nécessaires. Même si des programmes ont été mis en place ces dernières années, en termes de mise en place de services, il plaide pour plus d'actions. " Nous devons faire mieux pour améliorer la prise en charge de ces pathologies ", indique-t-il. En plus, des mesures allant dans le sens de la prévention, de la prise en charge clinique doivent être prises, ajoute-t-il. Il insiste également sur la nécessité de renforcer les capacités des prestataires dans le domaine de la santé.

De l'avis du Dr Borango, " les patients doivent aussi être intégrés dans la conception, la mise en œuvre et le traitement ". Car " ils sont directement concernés ", justifie-t-il. Le représentant de l'Oms invite, de la même manière, à renforcer la santé digitale pour une meilleure prise en compte de ces pathologies qui doivent, selon lui, être intégrées dans un paquet de services. Aussi, insiste-t-il sur la mise en œuvre d'interventions abordables pour mieux faire face aux maladies non transmissibles en Afrique.

L'ignorance, la superstition, la stigmatisation parmi les facteurs favorisants

Si l'Afrique fait face au fardeau des maladies mentales, le continent le doit notamment à un certain nombre de facteurs, relève le Pr Jibril Adbulmalik de l'Université d'Ibadan au Nigeria. Il cite l'absence de mise en œuvre de la législation, l'ignorance des populations. En outre, il évoque la superstition qui pousse bon nombre d'Africains à consulter les guérisseurs dans un premier temps, avant d'aller voir un médecin au moment où il n'y a plus aucun espoir de guérison. Selon lui, il est également constaté beaucoup d'abus en termes de droits humains dans la prise en charge par les guérisseurs qui croient qu'il faut frapper les malades mentaux pour les soigner. La stigmatisation à l'égard des personnes souffrant de maladies mentales est une autre difficulté à laquelle il faut s'attaquer, soutient-il.

Tout comme la pauvreté qui frappe beaucoup plus ces patients, dont la plupart ne bénéficient pas d'une assurance maladie. " Pour la santé mentale, il faut payer directement. En plus, les médicaments coutent cher ", fait remarquer le Pr Abdulmalik. Aussi déplore-t-il le peu de spécialistes cliniciens. À son avis, tous ces défis sont responsables du grand écart noté dans le traitement des personnes souffrant de maladies mentales. " Sur 10 d'entre elles, seules 2 peuvent avoir accès au traitement ", regrette-t-il.

Comment avoir une couverture sanitaire universelle pour la santé mentale ? Comment fournir des services de santé mentale complète ? Voilà, pour ce spécialiste en psychiatrie, autant de questions auxquelles les pays africains doivent trouver des réponses au profit des personnes souffrant de ces pathologies.

Les " Bancs de l'amitié " pour une prise en charge efficace des maladies mentales

Pour une meilleure prise en charge de la santé mentale, le Pr Jibril Adbulmalik de l'Université d'Ibadan au Nigeria est d'avis qu'il faut impliquer les communautés. Parmi les solutions innovantes préconisées, il a relevé la stratégie appelée " Banc de l'amitié " pour permettre aux patients d'acquérir des stratégies d'adaptation et une meilleure vie.

À ce propos, le Dr Ahmed Ogwell Ouma, Directeur par intérim du Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (Cdc Afrique), également un spécialiste des maladies non transmissibles, soutient que cette approche " pourrait aider à trouver des solutions à la santé mentale en Afrique ". " Si l'on en a jusque dans chaque village, cela pourrait permettre de réduire les maladies mentales ", indique-t-il, plaidant pour l'extension de cette stratégie, qu'il considère comme " une solution simple ", partout sur le continent. " Essayons d'appliquer les solutions qui fonctionnent. Il ne faut plus seulement parler, il faut agir et mettre en œuvre cette stratégie simple partout en Afrique ", préconise-t-il.

Poursuivant, il fait remarquer que, souvent, en Afrique, on se focalise sur les grandes stratégies développées ailleurs, mais qui ne se révèlent pas toujours efficaces. " Les interventions réussies en Afrique doivent être partagées. Il nous faut un élan de confiance pour avancer avec les succès obtenus sur le plan local ", insiste-t-il.

D'ailleurs, il informe que les ressources nécessaires seront mobilisées pour s'assurer que les stratégies innovantes qui ont réussi soient partagées partout. Aussi, recommande-t-il aux États de mettre en place des lignes budgétaires spécifiques à chaque maladie non transmissible et non de dégager des ressources pour prendre en charge l'ensemble de ces pathologies.

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