Sénégal: Assemblée nationale - Les députés rejettent la motion de censure

16 Décembre 2022

La coalition Yewwi Askan wi n'a pas obtenu gain de cause. Sa motion de censure a été rejetée par l'Assemblée nationale. Prenant la parole, le Premier ministre Amadou Ba a exhorté la classe politique à taire les clivages pour privilégier l'intérêt supérieur de la Nation. Il estime que le rejet de la motion de censure est le reflet de la confiance du peuple au programme du chef de l'État.

Le compte n'y est pas pour la coalition Yewwi Askan wi qui, en déposant une motion de censure, espérait faire tomber le gouvernement du Premier ministre Amadou Bâ. Finalement, elle a été rejetée pour n'avoir enregistré que 55 voix favorables sur les 83 attendus. Ce rejet confirme, aux yeux du chef du gouvernement, l'onction du peuple à sa déclaration de politique générale qu'il avait présentée 72 heures avant.

S'il reconnaît le caractère légitime de cet exercice qui obéit à des principes démocratiques et est prévu par l'article 86 de la Constitution, Amadou Ba souligne que la quête permanente de coup d'éclat ne doit plus guider des responsables politiques.

" Lorsque les critiques cessent d'être positives et constructives pour devenir systématiques et automatiques, elles perdent leur crédibilité et leur légitimité. Votre auguste Assemblée, à travers une forte majorité, a adopté le budget que notre Gouvernement lui avait soumis, il y a moins d'une semaine. Aussi, est-il curieux qu'une motion de censure soit déposée, avant même que ce même budget ne connaisse un début d'exécution, à moins qu'il ne s'agisse d'une volonté de jeter le discrédit sur nos institutions. Notre pays ne mérite vraiment pas cela ", a martelé le Premier ministre.

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Dans ce sillage, il invite les acteurs politiques à opter pour l'élégance républicaine et à privilégier les attentes du peuple sénégalais. " Il urge de démontrer, encore une fois, que nous sommes un grand peuple ; que nous sommes capables de mobiliser nos énergies, de rassembler nos forces pour servir les intérêts de notre cher pays. Quelles que soient nos opinions et nos divergences politiques, nous devons nous rassembler autour de l'essentiel. Il nous faut marcher ensemble, la main dans la main, pour maintenir et consolider la cohésion sociale de notre cher pays et redonner à la jeunesse sénégalaise espoir et confiance en son avenir ", leur a-t-il signifié. Il faut, poursuit le chef du Gouvernement, la rupture en mettant l'intérêt supérieur du Sénégal au-delà de toute considération partisane, avec intelligence, organisation et méthode et non en cultivant la haine et l'adversité, la colère et les calomnies, les invectives et les médisances, les subversions et les transgressions.

Amadou Ba a saisi l'occasion pour magnifier la posture des députés de l'opposition républicaine, " qui sont des démocrates conscients et responsables ; qui critiquent objectivement les actes du Gouvernement, mais qui contribuent à la construction de notre cher pays ; des députés qui savent mettre l'intérêt supérieur de la Nation au-dessus de l'intérêt partisan ". Il a confié que son " Gouvernement d'action et de combat pour la satisfaction des besoins de nos compatriotes ", compte rester dans la dynamique de performances, en s'adossant sur trois grandes orientations, lesquelles visent une meilleure prise en charge des besoins des populations.

EXPOSE DES MOTIFS

Le Premier ministre note des incohérences

Le Premier ministre Amadou Ba a relevé des incohérences dans l'exposé des motifs du groupe parlementaire de Yewwi Askan wi, initiateur de la motion de censure dite de défiance. Ils reprochent au Premier ministre un refus de se soumettre à un vote de confiance des députés.

Le chef du Gouvernement a jugé cette démarche dépourvue de sens. " Cette qualification inadéquate se fonde d'emblée sur la volonté de transformer en obligation ce que l'article 55 de notre Constitution considère comme une faculté laissée à l'appréciation du Premier ministre ", a-t-il expliqué. Il a souligné également des distorsions de langage dans l'exposé du motif et une interprétation erronée des dispositions législatives.

" La lecture de l'exposé des motifs traduit une rédaction hâtive, au contenu déconnecté de la déclaration de politique générale. Cette motion paraît avoir été rédigée avant ladite déclaration et rattachée artificiellement non à son contenu, mais à leur attente déçue ", a soutenu le chef du Gouvernement. Selon lui, le texte renvoie l'image d'un discours de campagne électorale réchauffé. Leur démarche illustre, selon ses propos, leur intention de rendre le pays ingouvernable.

AMADOU BA SUR UNE ÉVENTUELLE CANDIDATURE DE MACKY SALL

" Je le soutiens et souhaite qu'il reste aussi longtemps que possible "

Le chef du Gouvernement, Amadou Ba, a souligné que ses rapports étroits avec le Chef de l'État, Macky Sall, lui confèrent le droit de soutenir son éventuelle candidature pour la présidentielle de 2024. Il réagissait à une interpellation de l'ancien Premier ministre, Aminata Touré.

" Macky Sall est mon ami. Cette question est du ressort du Conseil constitutionnel. Elle est aussi personnelle, mais en tant que membre du parti au pouvoir, l'Apr, je le soutiens et souhaite qu'il reste aussi longtemps que possible ", lui a-t-il signifié.

Avant d'ajouter : " vous vous obstinez à évoquer ce sujet alors que nous sommes là pour le vote d'une motion de censure. Je soutiens les politiques publiques du Chef de l'État. Je fais partie de ceux qui lui sont les plus proches et avec qui il discute beaucoup. Même si cette question le concerne directement, je puis vous dire que je le soutiens entièrement dans tous ses engagements ".

EXAMEN DU PROJET DE MOTION DE CENSURE

" Le Gouvernement pilote à vue ", selon Yewwi

Les motifs ayant conduit au dépôt de la motion de censure par la coalition Yaw ont été exposés par Birame Soulèye Diop. Le président du groupe parlementaire Yewwi Askan wi a soulevé de nombreux griefs.

Au nom de ses collègues députés de Yaw, Birame Soulèye Diop a fourni des arguments pour la dissolution du Gouvernement. Il a, dans un premier temps, souligné que le Premier ministre a refusé de se soumettre à un vote de confiance lors de sa déclaration de politique générale. À cet égard, il a rappelé que le Parlement a la possibilité de déposer une motion de censure à l'encontre du Gouvernement, qui n'inspire point confiance. " Voter la motion de censure, c'est confirmer que les Sénégalais, dans une large majorité, ne sont pas convaincus de la Déclaration de politique générale du Premier ministre. Les résultats des élections législatives montrent que les Sénégalais veulent la rupture. Ils ont sanctionné votre politique en envoyant l'opposition forte à l'Assemblée nationale ", a déclaré Birame Soulèye Diop.

Pour étoffer son argumentaire, le président du groupe parlementaire Yewwi Askan Wi a souligné que l'actuel régime est adepte des emprisonnements tous azimuts. Pour l'opposant, le présent Gouvernement s'inscrit en parfait déphasage avec les aspirations du peuple. " En inscrivant votre Déclaration de Politique générale dans la continuité, et en faisant l'éloge de prétendus résultats, vous avez fini de montrer que vous n'êtes pas à l'écoute du peuple et que vous préservez des intérêts qui sont différents des siens ", a-t-il argumenté. Birame Soulèye Diop et ses camarades de Yewwi Askan Wi estiment qu'en prônant la continuité, l'actuel Gouvernement fait le choix d'asseoir la fraude fiscale, la corruption, l'atteinte aux libertés individuelles et collectives. " C'est en vertu de tous ces éléments que nous, signataires, déposons cette motion de censure ", a-t-il conclu.

Une démission pure et simple recommandée

A sa suite, des parlementaires ont pris la parole. Ceux de Yewwi Askan Wi ont abondé dans le même sens que Birame Soulèye Diop. Ils ont souligné un manque de clarté dans la déclaration de politique générale du Premier ministre, Amadou Ba. À cela, certains ont ajouté des faits récents, dont le rapport de la Cour des comptes qui a indexé certains départements de l'État.

Selon Guy Marius Sagna, il est tout simplement impossible de soutenir ce Gouvernement puisque ceux qui le constituent sont, dit-il, cités dans des scandales. Dans la même veine, le député Mouhamed Ayib Daffé a soutenu que le Premier ministre a échoué, après juste un trimestre.

BENNO BOKK YAAKKAR

" Une honte, une brutalité ", selon la mouvance présidentielle

La mouvance présidentielle n'a pas manqué de manifester son " dégoût " à propos de l'examen de la motion de censure.

Le président du Groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar, de la mouvance présidentielle, a résumé toute la pensée de ses camarades. Oumar Youm, d'un air dépité, a fustigé le projet de motion de censure déposé par l'opposition. Il estime que cela est une insulte à l'histoire politique du Sénégal et aux illustres hommes qui ont contribué à asseoir cette Nation. Sans sa robe d'avocat, Me Youm n'en a pas pour autant perdu sa verve. Il estime que l'opposition notamment Yewwi Askan Wi est " irresponsable et manque d'amour et d'attachement " à l'endroit de la République sénégalaise.

Le président du Groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar estime qu'il est incompréhensible qu'un Premier ministre soit ramené à l'Assemblée pour une motion de censure, alors qu'il a si bien explicité son ambition d'amener le Sénégal à l'émergence. Il ajoute que la motion de censure présentée est sans fondement et qu'elle ne vise qu'à semer le désordre dans le pays. " Cette motion de censure est une défiance contre la République, c'est un peu un front d'une rare témérité contre le peuple souverain. Elle avilit la démocratie ", a déclaré Me Youm.

Le député Moussa Diakhaté est venu enfoncer le clou. Pour lui, les arguments présentés pour défendre la motion de censure sont très légers. " Malheureusement, dans ce pays, il y a l'avènement d'une classe politique qui ne fait que dans l'arrogance, l'insolence, le blocage... La politique n'est pas un jeu d'enfants, elle n'est pas une question de pulsions. C'est une question de raison et de rationalité ", a déclaré M. Diakhaté sur un ton plus ou moins ironique.

PAPE DJIBRIL FALL, DÉPUTÉ NON-INSCRIT

" La Nation sénégalaise a besoin de grandeur "

Il a appelé à la grandeur des acteurs politiques. Le député Pape Djibril Fall estime que le Sénégal a besoin d'un cadre de dialogue entre les hommes, mais aussi entre les institutions. Il soutient que le fait d'en arriver à examiner une motion de censure du Gouvernement est déplorable. " Le Sénégal mérite mieux que ce que nous sommes en train de vivre. Les urnes nous ont montré que le peuple a manifesté son désir de voir les tenants du pays dialoguer. Et apparemment, nous montrons notre incapacité à se surpasser et à se dépasser. La Nation sénégalaise a besoin de grandeur. Ne la rabaissons pas ", a-t-il fait entendre. Pape Djibril Fall prône ainsi l'élégance dans l'espace politique. Mais selon lui, les gouvernants doivent davantage insister sur le contrôle des deniers publics et veiller à la bonne gouvernance.

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