La crise politico - militaire en cours dans les deux régions anglophones du Cameroun fait rage. Selon nos enquêtes, des femmes déplacées internes de ce conflit très meurtrier, se livrent au commerce du sexe.
Ici à Yaoundé au quartier Obili dans le VI ème Arrondissement de la capitale politique du Cameroun où nous nous sommes déporté en passant pour un potentiel client afin de rassurer notre interlocutrice, l'échange des plaisirs sexuels contre l'argent fait rage.
L'arrondissement abrite 95% des ressortissants des régions anglophones vivant à Yaoundé.
Dans ce quartier où l'on parle le pidgin ( une sorte d'anglais domestiqué et verrouillé avec des mots des langues locales), les lieux de prostitution appelés poteaux, ne désemplissent pas. D'ordinaire occupés par de jeunes étudiantes qui se prostituent, il y règne dorénavant une rude concurrence, avec des milliers de femmes déplacées internes de la crise anglophone. "Les prix du piment"(sexe, Ndlr) sont en chute libre: les femmes déplacées internes du conflit anglophone sont là, et trop nombreuses" , nous lance dépitée, une jeune prostituée de 23 ans, une étudiante de l'Université de Yaoundé 1,selon ses propres confessions. Et de poursuivre : "Elles veulent juste l'argent nécessaire pour nourrir leurs enfants. Certaines en ont deux, trois, quatre et même plus".
Depuis novembre 2016, le pouvoir ultra francophone de Yaoundé, est en guerre contre les deux régions anglophones du pays, en proie aux mouvements armés séparatistes. Des combats d'une rare violence, opposent régulièrement l'Armée camerounaise, aux groupes armés sécessionnistes anglophones. Ces derniers revendiquent leur Indépendance, et n'ont pas hésité à proclamer un État fantôme : l'Ambazonie. Les combats ont déjà fait plus de 700 000 déplacés internes selon les sources indépendantes comme l'ONU, ou Human Rights Watch. Un chiffe que dément énergiquement le ministre camerounais de l'Administration territoriale, Paul Atanga Nji qui lui avance le nombre de 160 000 déplacés internes. La crise a déjà fait plus de 3 000 morts selon des sources officielles, et près de 10 000 morts pour des sources indépendantes.
Qu'à cela ne tienne, la prostitution des femmes déplacées internes, se porte très bien à Yaoundé. C'est pour leur suivi. Un moyen de subsistance.
Nous nous rendons au quartier Obili un samedi soir. Passant pour des hommes venus assouvir leurs envies sexuelles moyennant de l'argent, nous abordons Sarah ( prénom d'emprunt pour des raisons de sécurité). C'est une jeune femme de 36 ans. Elle nous lance dans un français qui trahit son appartenance linguistique anglophone : " venez, je vais satisfaire vous. J'ai les seins qui est encore debout, et je suis très propre et belle". Nous feignons l'indifférence et la jeune dame nous dit de ne pas la considérer avec condescendance. " J'ai fui la guerre à Kumba ( département de la Meme, région du Sud-Ouest Cameroun, Ndlr). Je n'ai personne ici pour m'aider à Yaoundé. Je suis obligée de me prostituer pour vivre, et nourrir mes trois enfants. Nous sommes des milliers de femmes déplacées internes de la crise anglophone, à ne vivre que de la prostitution, non seulement ici à Yaoundé, mais aussi à Douala et Bafoussam", nous confie-t-elle.
Et la belle de nuit d'ajouter que par une nuit pluvieuse d'octobre 2018, des hommes armés donnés comme des séparatistes, avaient investi leur village aux environs de 22 heures, tuant sept hommes et deux femmes qu'ils accusaient d'être de mèche avec l'Armée camerounaise qu'ils considèrent comme une force d'occupation, avant de la violer, elle et sa fille de 16 ans. " Les combattants séparatistes nous avaient violées, puis enfoncé des bouteilles de Coca-Cola dans nos vagins. Les miliciens séparatistes sèment la terreur et nous tuent atrocement. Ils sont inhumains. C'était trop douloureux, mais ils nous avaient demandé de nous taire, au risque de nous tuer. J'ai ensuite pris mes trois enfants trois jours après, et regagné Yaoundé où j'avais été surprise de constater que les francophones ne nous en voulaient pas, contrairement à ce que nous disaient les séparatistes ", nous raconte Sarah, avant d'essuyer une grosse larme dégoulinant sur sa joue droite.
Les militaires camerounais ne trouvent pas eux aussi grâce aux yeux de Sarah qui les accuse de viols, de meurtres, d'exécutions sommaires au faciès, d'extorsion de biens et de destruction de villages entiers. Côté ministère camerounais de la Défense, on se défend de ces accusations qu'on qualifie d'affabulations. Le capitaine de corvette Cyrille Atonfack ( chef de la Division de la Communication au ministère camerounais de la Défense) ne manque pas une occasion pour vanter le professionnalisme et le côté humanitaire de l'Amée camerounaise.
Et votre reporter de demander à Sarah les tarifs des plaisirs sexuels qu'elle offre. " Le coup c'est 1000 francs si on fait dans le couloir, et 1500 si on va derrière, nous coucher sur le petit matelas du vigile qui garde la boulangerie ". Sarah nous informe que plus de 15 000 mille femmes déplacées internes de la crise anglophone, sont obligées de vivre de prostitution, d'où qu'elles se trouvent au pays." Il m'arrive des fois, d'aller avec quatre hommes en une nuit, à raison de 1000 francs CFA le tour. Certains clients sont malhonnêtes, et après avoir joui, ils ne nous donnent que 500 francs".
A la question de savoir où est passé le programme d'aide humanitaire décrété par Paul Biya le président de la République, Sarah nous répond que les moyens consentis pour le pouvoir de Yaoundé, sont insignifiants pour répondre aux besoins de plus de 700 000 déplacés internes de la crise anglophone. La jeune dame en veut à l'ONU, à la communauté dite internationale, de ne pas accorder attention à la crise humanitaire au Cameroun. Une terminologie que réfute Yaoundé qui parle plutôt d'une "situation sous contrôle" et qui selon lui, s'améliore de jour en jour. Selon la Norvegian Refugee Council ( rapport 2019), la crise humanitaire résultant du conflit anglophone, est la crise " la plus négligée " du monde. L'Agence parle même de sous- financement.
De toute façon, la prostitution continue à être un palliatif pour la survie des femmes déplacées internes de la crise anglophone. Cette prostitution va bon train dans le VIe Arrondissement de Yaoundé, notamment en ses quartiers que sont: Tkc, Etoug - Ebe, Obili, Melen.