Personne n'aurait voulu être dans la peau de Dina Clair. En une nuit, cette infirmière trentenaire a perdu son toit et ses effets personnels dans l'incendie de sa maison, l'obligeant, elle et son compagnon, à ravaler leur dignité et à aller vivre chez des proches. Elle a dû, après sept ans d'attente et de suppliques, renoncer à la garde de ses fils afin d'obtenir le divorce. Tout comme il lui a fallu changer de métier pour survivre. Histoire d'une femme forte, qui commence pourtant à fatiguer à force de nager à contre-courant.
Dina Clair, née à Maurice d'une mère rodriguaise, il y a 33 ans, a honte. Honte de dire qu'elle a besoin d'argent pour s'en retourner. Honte d'admettre que lorsqu'on est dans le trou, on ne peut pas toujours compter sur la famille. Honte d'entrer dans les détails de sa vie, qui a basculé en une nuit.
Tout avait pourtant bien commencé pour elle. Elle avait de quoi être fière d'avoir réussi sa Form V au SSS Dunputh Lallah, de même que sa Form VI au Keats College. Et même si elle a, dit-elle "commis la bêtise" de se marier à 19 ans, étant portée vers les autres, elle a suivi des cours de Nursing, offerts par le ministère de la Santé, obtenant une distinction à l'examen final et se classant quatrième de sa promotion.
Dina a tenté de trouver un emploi d'infirmière dans le secteur public mais en vain. Elle s'est donc rabattue sur le privé, travaillant pour le compte d'une clinique, qui l'a toujours considérée comme une stagiaire, ne la payant que Rs 9 000 par mois. Ses charges familiales s'alourdissant, d'autant plus qu'elle est mère de deux enfants, elle s'est renseignée pour savoir si elle gagnerait plus dans un autre établissement privé mais elle a réalisé, en parlant aussi à d'autres infirmiers, que ce métier est mal payé à Maurice.
Son couple battant de l'aile, elle a fini par se séparer de son mari. Pour pouvoir démarrer une nouvelle vie avec son meilleur ami, infirmier comme elle, Dina a dû abandonner le métier qu'elle aimait pourtant et obtenir un emploi en tant que Customer service pour une entreprise française d'externalisation en informatique.
Elle, son compagnon, sa mère et son frère handicapé ont alors été vivre sur un terrain que sa mère louait à bail à Bambous et sur lequel Dina a fait construire une maison après avoir contracté un emprunt de Rs 60 000. C'est en janvier dernier que cette famille 'reconstituée' a emménagé cette maison. Elle croyait y vivre tranquille.
En une nuit de mai, à une heure du matin, sa vie a basculé dans le néant. Un incendie, causé par un court-circuit, selon les pompiers, s'est déclaré dans la cuisine et a rapidement gagné toutes les pièces de la maison. Heureusement que ses fils, âgés aujourd'hui de 14 et huit ans, étaient chez leur père à ce moment-là. "Nous étions en plein sommeil et nous nous sommes réveillés hébétés et suffoquant avec l'épaisse fumée qui s'était propagée partout. Nous n'avons pu rien emporter. Il nous a fallu sortir par la fenêtre en l'état où nous étions." Tous leurs effets, y compris ses équipements de travail, à savoir son téléphone et son ordinateur, ont été carbonisés.
Un proche a accepté de les héberger. Elle lui a remis les dons en espèces reçus après l'incendie. Cette personne n'a pas apprécié qu'elle lui fasse remarquer que l'argent confié semblait avoir fondu comme neige au soleil et elle l'a mise, elle et son compagnon, à la porte. C'était en début de semaine. "Quand une personne sait que vous n'avez plus rien, elle abuse de vous et vous exploite."
Elle a trouvé refuge chez sa grand-mère, qui vit à Bois-Chéri et qui a bien voulu lui céder le sous-sol pour l'abriter, elle et son compagnon. Ce local ne comporte qu'une imposte et deux portes. Qu'importe pour Dina car elle a pu y faire entrer le sommier et le matelas qu'elle a reçu en don après le sinistre, de même qu'un sofa. Mais elle ne peut y recevoir ses enfants par manque de place. De plus, comme il n'y a ni cuisine ni de salle de bains et toilettes au sous-sol, elle doit aller chez sa grand-mère à l'étage pour cuisiner et faire ses autres besoins. "Nous devons cuisiner quand il fait encore jour et dîner immédiatement ou manger froid plus tard dans le sous-sol." Et pour les autres besoins ? "Nous devons sortir la nuit et aller à l'étage", dit-elle, en baissant les yeux.
Comme son nouvel emploi lui permet de faire du télétravail, elle n'a pas résilié son abonnement internet et continue à verser Rs 4 000 par mois à son fournisseur d'accès, bien qu'elle ne soit pas en mesure de se connecter à l'internet pour l'instant car elle n'a plus d'ordinateur. Tout comme elle doit rembourser près de Rs 3 000 mensuellement pour l'emprunt contracté sur la maison incendiée. À chaque fin de mois, Dina doit couper et trancher et tout faire avec les sous restants après ces divers prélèvements.
Elle en a gros sur le cœur car pour finalement obtenir le divorce de son époux, elle a dû renoncer à la garde de ses enfants. Elle est également triste de n'avoir pu démarrer les cours de Social Work qu'elle avait prévu de commencer auprès de l'Open University of Mauritius, cette année. "J'avais déjà versé les frais de dossier de Rs 1 000. Si l'université m'a laissé entendre qu'il y aurait toujours une place pour moi l'an prochain, elle ne me remboursera pas ces frais et je vais devoir les repayer, en sus de Rs 5 000 par trimestre. À 19 ans, je voulais aller à l'université mais je n'ai pu le faire. J'aimerais tellement pouvoir saisir cette nouvelle opportunité." Son compagnon, qui ne gagne pas autant qu'elle, a promis de l'aider, dans la mesure de ses moyens.
Des personnes bien intentionnées lui ont conseillé de se tourner vers Caritas Île Maurice et son secours d'urgence. Touchés par son cas, les responsables de cette instance se sont renseignés afin qu'elle puisse obtenir une maison de la NHDC à Dagotière. Sauf qu'il lui est demandé de verser un dépôt de Rs 100 000. "Où vais-je trouver une telle somme ?" Si Caritas Île Maurice est disposée à avancer Rs 65 000, Dina est incapable de recueillir la différence, soit Rs 35 000.
"Quand une personne sait que vous n'avez plus rien, elle abuse de vous et vous exploite."
La seule solution qu'elle contemple c'est de tenter d'obtenir Rs 15 000 pour louer un autre terrain à bail pour dix ans à Bambous, avec la possibilité de l'acheter par la suite. "Un bon samaritain m'a offert Rs 5 000. Là, je dois trouver la différence pour pouvoir retenir ce terrain."
Où trouvera-t-elle l'argent nécessaire à l'achat des matériaux de construction ? Dina l'ignore. "Caritas Île Maurice m'a demandé une cotation pour les matériaux et ils verront ce qu'ils peuvent donner". Se voit-elle vivre dans une maison en tôle ? "Oui, je suis prête à aller vivre dans une maison en tôle car ce sera alors MA maison. Et puis, je suis quelqu'une qui vit simplement. Vous savez, j'ai dû renoncer à mes enfants, à mes études, à ma carrière, qui me plaisait. Je suis une battante habituellement mais le coup de grâce a été l'incendie. J'ai l'impression de patauger, de perdre pied et c'est vraiment éprouvant. J'ai jusqu'à dimanche pour trouver l'argent pour retenir le terrain à bail. J'ai besoin de matériaux pour avoir cette maison au plus vite car une fois que je l'aurais, tout va s'enchaîner. Je pourrais y faire du télétravail car mon employeur va m'équiper en conséquence, je pourrais y accueillir mes enfants et je pourrais aussi reprendre mes études. C'est la dernière chance que j'ai", affirme-t-elle, les larmes aux yeux.
À vous qui lisez ces lignes, si vous songiez à offrir des étrennes à une personne dans le besoin en cette fin d'année, la voilà toute trouvée...
*Dina Clair peut être contactée sur l'adresse mél suivante : [email protected]