Tunisie: Abstention record aux Législatives 2022 - Une inquiétante désaffection...

Le taux général de participation a atteint 8,8 % hier à 19h30.
18 Décembre 2022

Le taux général de participation au scrutin législatif du 17 décembre 2022 a atteint 8,8 %, annonce le président de l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie), Farouk Bouasker, lors d'un troisième point de presse tenu hier à 19h30.

Les bureaux de vote ont fermé leurs portes à 18h00. C'est sans conteste le taux d'abstention le plus élevé de tous les scrutins qui se sont déroulés ces dernières années. Beaucoup de facteurs expliquent le désintérêt des Tunisiens pour la chose politique. En premier lieu, le mode de scrutin uninominal qui introduit une nouvelle culture de vote sur les personnes et non sur les listes. Ce nouveau mode de scrutin n'a pas encore trouvé son chemin et a été à l'origine d'une grande réticence de la part des électeurs qui ne trouvent pas d'intérêt à aller voter pour des candidats qu'ils ne connaissent pas. Le système de parrainage a invalidé plusieurs candidatures et a fini par impacter négativement l'enthousiasme électoral.

Le fait qu'il y ait des candidats uniques dans plusieurs circonscriptions et qui sont déclarés vainqueurs avant même le déroulement des élections a dissuadé des milliers d'électeurs à se rendre aux bureaux de vote étant donné que le suspense des résultats n'existe plus. Mais au fond, les Tunisiens, qui ont réclamé la dissolution du Parlement le 25 juillet 2021, gardent un souvenir amer de la défunte ARP et ne sont pas prêts à redonner leur confiance à d'autres élus, du moins sur le court terme. En effet, par ce taux d'abstention inédit, les Tunisiens confirment leur divorce d'avec la classe politique quelle que soit sa couleur ou sa tendance. Car ce qui s'est passé hier au niveau des urnes s'est également passé du côté des manifestations. L'appel des partis politiques pour une mobilisation populaire ne trouve plus d'écho auprès des Tunisiens. Que ce soit les formations de l'opposition, les partisans de Saïed ou même les syndicats, l'adhésion des Tunisiens à la chose publique et politique s'est fortement érodée.

C'est que la confiance s'est ébranlée. Bien sûr, la diabolisation à outrance du processus électoral, sa folklorisation et la clochardisation sur les réseaux sociaux des candidats ont eu un effet négatif sur les électeurs. Il n'empêche, d'autres erreurs concourent à cette baisse de voix. Le conflit entre l'Isie et la Haica, l'absence d'une stratégie de communication et de sensibilisation, les appels au boycott des partis et de certaines organisations de la société civile, la date qui coïncide avec la Coupe du monde, un samedi, qui empêche les Tunisiens de confession juive à aller voter, même s'ils ne sont pas trop nombreux. Mais le plus important, c'est que ces législatives n'ont jamais été une priorité pour les Tunisiens qui se saignent aux quatre veines pour trouver du lait, de l'huile, du café, du sucre, des médicaments et autres produits qui font défaut dans notre pays depuis des mois. Pour eux, le processus du 25 juillet, tout comme la Révolution du 17 décembre 2010, n'ont fait qu'accroître les souffrances des citoyens sur le plan socioéconomique. Mais maintenant que les dés sont jetés et que quel que soit le taux de participation, une nouvelle assemblée législative a été élue, il faut remettre les pendules à l'heure et dégager les enseignements nécessaires pour regagner la confiance de tous les Tunisiens et entamer une nouvelle phase politique, économique et sociale qui rassemble autour d'un seul objectif : sauver la Tunisie !

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