Cote d'Ivoire: Kouakou Kouakou Romain (Coordonnateur) - " Nous allons faire une déclaration forte à l'endroit du transport artisanal "

5 Décembre 2022
interview

La 1re édition des Journées de la mobilité urbaine (Jmur) aura lieu à Abidjan les 9, 10 et 11 novembre 2022 autour du thème "Professionnalisation du transport artisanal : défis et opportunités pour une mobilité durale dans les villes africaines". Dans cette interview, le directeur général de l'AMUGA (Autorité de la mobilité urbaine dans le Grand Abidjan), Kouakou Kouakou Romain, par ailleurs coordonnateur de ces journées, explique les enjeux de l'évènement et présente ses différentes articulations. Non sans promettre une déclaration forte à l'endroit du transport artisanal.

Le Patriote : Que doit-on comprendre par transport artisanal et qu'est-ce qui a motivé le choix de ce thème pour la 1re édition des Journées de la mobilité urbaine ?

Kouakou Kouakou Romain : Les Journées de la mobilité urbaine vont réunir tous les acteurs concernés par cette question. Aujourd'hui, l'écosystème est tel qu'à Abidjan, on a d'un côté toutes les structures qui ont signé des conventions avec l'Etat et qui ont des cahiers de charges clairs. Donc on sait par jour combien de bus elles doivent mettre en circulation, quelles lignes doivent être desservies. En même temps, il y a le transport non conventionnel ou artisanal qui est exercé par des opérateurs privés. Ils obtiennent des autorisations. Ceux-là n'ont pas de cahiers de charges et exercent un peu dans l'anarchie alors que leurs véhicules assurent plus de 75% des déplacements à Abidjan. C'est pratiquement 50 mille véhicules qui sont dans ce cas à Abidjan. Et derrière, on a 5 personnes : un propriétaire, deux chauffeurs et deux auxiliaires. Multiplier par 5, ce sont environ 250 mille personnes qui opèrent dans le secteur. Derrière, c'est un poids social. Alors on s'est dit qu'avec la nouvelle vision du gouvernement qui est de mettre en place un système de masse modal intégré et durable, ce nouveau système doit effectivement intégrer l'ensemble des modes. Car il va bientôt avoir le métro, le VRT (Ville, rails et transports, Ndlr) à côté de la Sotra, STL et Sitrans.

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En même temps, ces opérateurs informels doivent être intégrés pour que le système soit complet. Donc l'objectif, c'est de les professionnaliser autour de 3 points essentiels : leurs conditions d'exploitation et les amener à s'organiser en Groupement d'intérêt économique (Gie) parce qu'ils opèrent individuellement ; les aider à renouveler leur parc automobile où on trouve des véhicules de 15 ans voire 20 ans et plus et former les propriétaires en gestion d'un véhicule de transport et agir sur leur capacité professionnelle. Il faut aussi former les chauffeurs. On vient de mettre en place une stratégie de sécurité routière. Le but est de permettre aux chauffeurs d'obtenir le certificat d'aptitude à la conduite routière qui va insister sur les questions de civisme, de prudence parce qu'il ne sera plus suffisant d'avoir le permis de conduire et se mettre au volant d'un véhicule de transport. Donc c'est lorsqu'on aura bien fait ça qu'on pourra qualifier ce transport artisanal pour qu'il puisse intégrer le système multi modal intégré et durable que l'Etat veut mettre en place. Ils auront une organisation en place avec des arrêts et des lignes bien connus. C'est un peu pour cela que nous avons choisi ce thème pour les premières journées de la mobilité urbaine parce qu'il est d'actualité. Toutes les faitières du domaine des transports seront présentes pour que nous puissions échanger pour voir comment aller à la professionnalisation de ce secteur vital pour le pays.

LP : On assiste au développement de moyens de transport plus écologiques en Europe. Ces journées aborderont-elles cette thématique ?

KKR : Absolument ! Je vous ai dit que le but c'est de mettre en place un système modal intégré durable. Or lorsqu'on parle de durabilité, on fait allusion à la lutte contre les accidents et à l'aspect écologique. Donc on tient compte de la protection de l'environnement. Il y a 15 millions de déplacements qui se font annuellement à Abidjan. 45 à 50% de ces déplacements se font à pieds. Le reste, ce sont les déplacements motorisés avec les véhicules particuliers, les autobus, les taxis et autres. Donc aujourd'hui, il s'agit d'améliorer le transport de masse.

Il occupe moins de place, permet de déplacer le maximum de personnes et dissuade les gens à utiliser les véhicules particuliers. Ainsi on diminue les émissions de gaz à effet de serre parce que le transport contribue à hauteur de 30% à la pollution de l'environnement. De plus, il y a la volonté d'utiliser les énergies renouvelables comme les bus électriques.

LP : Quelles sont les articulations de ces journées, les pays et le nombre de participants attendus ?

KKR : Les journées se tiennent sur trois jours. Le 1er jour sera consacré à la cérémonie d'ouverture officielle. Ces journées sont placées sous le patronage du Premier ministre et sous le parrainage du ministre des Transports qui va animer un terme important sur la vision du gouvernement en matière de mobilité. Ensuite, il y aura plusieurs communications sur le financement du transport urbain pour voir comment cela fonctionne ailleurs. Dans ce sens-là, le Nigeria sera là, ainsi que le Kenya et l'Afrique du Sud pour la partie anglophone. Pour la partie francophone, nous aurons le Sénégal, le Bénin et le Togo qui viendront partager leurs expériences. On entrevoyait 1000 personnes mais il faut s'attendre à plus car il faut tenir compte de tout l'écosystème national avec les faitières du domaine des transports. La dernière journée sera consacrée aux collectivités pour voir avec elle ce qui est fait au niveau local en matière de stationnement, de construction par exemple.

LP : Quelle place vont occuper les nouveaux opérateurs tels que les VTC au cours de ces journées ?

KKR : A la 2e journée, il est prévu un panel spécifique sur les startup et les activités liées aux VTC. Actuellement, nous sommes en train de rédiger des textes pour faire en sorte d'éviter les concurrences déloyales qui sont souvent dénoncées. Donc ces opérateurs seront là. Ils vont exposer et il y aura des échanges. L'objectif de ces journées, c'est de donner l'occasion aux acteurs de se réunir, de se concerter et de sortir des propositions qui vont aider l'Etat à assurer une bonne mise en œuvre de ce service. En ce qui concerne les startup, nous avons un prix qui va récompenser le meilleur projet innovant en matière de mobilité et de professionnalisation du transport artisanal. Cela va permettre aux startup de se faire connaitre (... ).

LP : Comment comptez-vous faire appliquer les résolutions qui vont sûrement découler de ces assises ?

KKR : A la fin des JMUR, il y aura certainement la déclaration d'Abidjan qui sera partagée avec l'ensemble des participants au nombre desquels figurent les partenaires au développement, les bailleurs de fonds comme la Banque mondiale, l'AFD. Il y aura aussi un panel sur le financement du transport urbain. L'Etat a jusque-là financé les infrastructures mais les services sont en train de se mettre en place. Nous entendons construire des arrêts dédiés au stationnement des taxis communaux pour ne pas qu'ils envahissent la chaussée. Cela va aussi nécessiter des financements. Il y a la formation dont on parlait qui nécessite également des financements. Donc il y aura à la fin une déclaration qui va faire des propositions concrètes, des dossiers seront alors montés et soumis aux bailleurs de fonds pour la réalisation des projets. Cette déclaration va prendre en compte aussi bien les actions, les financements et les entités qui financent. Il est question de faire comprendre à tous que chacun doit jouer son rôle pour que les objectifs soient atteints et que nous parvenons à la professionnalisation du transport artisanal.

Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il y a des actions qui concernent les acteurs et celles qui concernent le financement des réformes. En attendant que le métro ne vienne augmenter l'offre en matière de transport, il est important d'améliorer l'existant. Pour ce qui est de l'application des résolutions, il ne s'agit pas de contraindre mais nous espérons que chaque pays va les appliquer en fonction de ses réalités. (..) Nous allons faire une déclaration forte à l'endroit du transport artisanal qui, dans de nombreux pays, assure 70 à 75% des déplacements. Donc le but, c'est de tirer ce type de transport vers le haut pour qu'il constitue un maillon complémentaire du système moderne que nous sommes en train de mettre en place.

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