Afrique de l'Ouest: Rencontre des chefs d'états-majors de la CEDEAO contre le terrorisme et les coups d'Etat - Attention à ne pas laisser la proie pour l'ombre !

Les chefs d'opérations de la CEDEAO se réunissent en amont de la session extraordinaire du Comité des chefs d'état-major des armées à Bissau
19 Décembre 2022
analyse

Dans la continuité du 62ème sommet des chefs d'Etat de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), qui a décidé, le 4 décembre dernier, à Abuja au Nigeria, entre autres, de la création d'"une force d'intervention contre le terrorisme et les changements anticonstitutionnels dans la sous-région ", les chefs d'Etats-majors de l'institution sous-régionale étaient en conclave les 18 et 19 décembre derniers, à Bissau, pour discuter de l'opérationnalisation de la force en attente. Une rencontre qui s'est tenue dans la capitale bissau-guinéenne sans la présence du Mali, du Burkina Faso et de la Guinée Conakry qui restent sous le coup de sanctions suite aux différents coups d'Etat qui ont ouvert des transitions que la CEDEAO surveille comme du lait sur le feu, à l'effet d'un retour rapide à l'ordre constitutionnel. En tout état de cause, c'est une rencontre qui vient à point nommé ; tant la situation sécuritaire qui impacte négativement la situation économique, est fort préoccupante avec la menace terroriste qui s'étend aujourd'hui jusqu'aux pays du littoral après avoir durement frappé ceux de l'hinterland.

Il ne faudrait pas que la lutte contre les coups d'Etat prenne le pas sur la lutte contre le terrorisme

Et c'est tant mieux si les autorités politiques, au plus haut sommet, ont pris conscience de la nécessité de fédérer les énergies pour donner une meilleure réponse à un mal pernicieux qui ne cesse de se métastaser au point de menacer certains Etats jusque dans leur existence. Cela dit, on peut comprendre que l'institution d'Abuja reste fidèle à ses principes en n'acceptant pas de putschistes à ses rencontres régulières. Mais concernant la question cruciale de la lutte contre le terrorisme qui est au menu de cette rencontre de Bissau, on peut trouver à redire sur la mise à l'écart de pays comme le Mali et le Burkina Faso qui constituent l'épicentre du péril djihadiste depuis près d'une décennie et dont les changements anticonstitutionnels intervenus au sommet de l'Etat, se justifient peu ou prou par la question sécuritaire.

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Il ne s'agit pas de remettre en cause la fermeté dont veut faire montre la CEDEAO vis-à-vis des putschistes de ces pays, mais de trouver la meilleure formule pour combattre, dans une synergie d'actions, le mal du terrorisme à la racine dans la perspective du renforcement de la stabilité des institutions dans la sous-région. C'est pourquoi il ne faudrait pas que la lutte contre les coups d'Etat prenne le pas sur la lutte contre le terrorisme. Attention donc à ne pas laisser la proie pour l'ombre ! Car, si les coups d'Etat sont nocifs à la démocratie, le terrorisme l'est encore plus parce que c'est la survie même de nos Etats qui est parfois en jeu. Comme c'est le cas au Burkina Faso et au Mali où le président du Haut conseil islamique, Cheick Chérif Ousmane Madani Haïdara, est récemment sorti de sa réserve pour demander à ses coreligionnaires, de briser le silence en disant la vérité aux autorités de la transition sur la dégradation continue de la situation sécuritaire dans leur pays.

La CEDEAO doit être conséquente avec elle-même

Autant dire que si la solution à la lutte contre le terrorisme dans la sous-région ouest-africaine, doit passer par Bissau, il faut impérativement clarifier le rôle de la force en attente de la CEDEAO pour qu'elle ne paraisse pas plus une force destinée à protéger le trône des princes régnants qu'à repousser l'hydre terroriste pour assurer la sécurité des populations. C'est dire si sous le parapluie de la lutte contre le terrorisme, cette force en attente ne doit pas être destinée à servir les intérêts des chefs d'Etat qui ne se sentent plus rassurés dans une sous-région en plein recul démocratique, où aucun chef d'Etat ne se sent véritablement à l'abri d'un coup d'Etat.

Comment peut-il en être autrement quand des dirigeants africains veulent ignorer la poutre des tripatouillages constitutionnels devenus leur sport favori pour s'éterniser au pouvoir, pour indexer du doigt les pronunciamientos ? C'est dire si la CEDEAO doit être conséquente avec elle-même, en montrant autant d'engagement contre les tripatouillages constitutionnels que d'énergie contre les coups d'Etat. Autrement, il y a à craindre qu'elle ne se trompe de combat et continue de cristalliser l'incompréhension et la rancœur de populations bien décidées à tourner la page des dictateurs et de la démocratie en trompe-l'œil. La lutte contre le terrorisme et pour la restauration de l'ordre constitutionnel passe aussi par là.

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