"Mettre en œuvre un programme social visant à répondre aux besoins et exigences des enfants marocains en situation irrégulière à l'étranger ; établir un mécanisme d'accompagnement et de soutien, que ce soit au niveau des pays d'accueil ou sur le territoire national, visant principalement à fournir des soins de santé et un soutien psychologique aux mineurs et à trouver des solutions appropriées aux problèmes liés au rassemblement familial ; lancer un appel à propositions de projets pour les associations marocaines du monde impliquées dans ce domaine, afin de sélectionner et soutenir des projets d'accompagnement des mineurs non accompagnés ; encourager la coordination avec les secteurs concernés, en vue de soutenir les mineurs de retour dans leurs démarches pour obtenir les documents administratifs nécessaires et de les intégrer dans les filières scolaires et celles de formation professionnelle ", telles sont les mesures proposées dernièrement par Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l'étranger, pour faire face à la situation des mineurs non accompagnés (MNA) dans les pays d'accueil ou après leur retour au Maroc.
Pourtant, nombreux sont les acteurs associatifs qui qualifient ces mesures de généralistes et d'insuffisantes face à un dossier compliqué et difficile à aborder. " Ce dossier est semé d'embûches et fait l'objet d'une couverture médiatique intense, de vifs débats politiques, d'instrumentalisations partisanes et de crises diplomatiques ", nous a confié un acteur associatif sous le sceau de l'anonymat. Et de poursuivre : " En effet, certaines forces politiques européennes exploitent ce sujet à des fins politiques et financières. Certains politiciens n'ont pas hésité à présenter ces enfants mineurs comme des ennemis publics ".
Même son de cloche de la part de N.L, militante des droits de l'Homme, qui estime, de son côté, que ce dossier enferme plusieurs problématiques dont l'une est plus délicate que l'autre. " Il y a le problème d'identification, des expulsions illégales, la difficulté de préciser l'intérêt supérieur de l'enfant, l'absence de centres d'accueil au niveau du Maroc et la liste est longue ", nous a-t-elle souligné. Et de poursuivre : "Sans parler du peu de coopération dans ce domaine de la part des pays européens qui refusent d'assumer leur responsabilité et l'imputent au Maroc ".
Pour sa part, Ahmed Khalifa, chercheur en migration et acteur associatif en Espagne, soutient que la situation des mineurs non accompagnés diverge d'un pays à l'autre. Selon lui, la situation des MNA a beaucoup changé au niveau de l'Espagne, à titre d'exemple notamment après les modifications entreprises au niveau des lois. " La situation s'est également améliorée au niveau des centres d'accueil. Nous observons qu'il y a moins d'attentes de la part des MNA et plus de stabilité dans leur situation. Les MNA vivent aujourd'hui sans grande pression comme c'était le cas auparavant ", nous a-t-il indiqué. Et de préciser : " La situation de ce pays diverge largement de ce qui se passe en France, en Italie ou ailleurs où les MNA endurent la précarité notamment au niveau des cartes de séjour et des perspectives d'avenir".
Pour notre interlocuteur, les appels d'offres annoncés par le ministre ne constituent pas une nouveauté. " Plusieurs appels ont déjà été lancés auprès des associations gérées par des MRE visant les MNA. Toutefois, un problème demeure, c'est celui de l'absence d'ONG spécialisées dans cette question. En effet, ce secteur associatif est marqué par tant de conditions et d'obstacles administratifs puisqu'il s'agit d'un dossier fort sensible qui exige certaines conditions difficiles à remplir ", nous a-t-il expliqué. Et de conclure : " Dans le cas de l'Espagne, ce qui manque, c'est la présence d'ONG capables de mettre en place un réseau de relations sociales à même d'accompagner les MNA en dehors des centres d'accueil. En effet, ces enfants intègrent peu la société d'accueil puisqu'ils restent isolés du reste du monde. Il est vrai qu'aujourd'hui, la société espagnole a développé ce que nous appelons " les familles coopératives " qui accueillent volontairement des mineurs non accompagnés le temps d'un week-end ou pendant les vacances, mais ces familles acceptent des enfants espagnols et excluent ceux étrangers pour des raisons de communication (la non maîtrise des MNA de la langue espagnole) ou par peur (les MNA sont souvent considérés comme des personnes indisciplinées). Alors que ce genre de familles sont capitales puisqu'elles constituent une sorte de référence ou de mentor pour ces enfants facilitant leur intégration".
Domination de la définition juridique
Un mineur isolé étranger, qu'on appelle aujourd'hui, dans le contexte des migrations, un mineur non accompagné, se définit comme une personne âgée de moins de dix-huit ans qui se trouve en dehors de son pays d'origine sans être, temporairement ou durablement, accompagnée d'un parent ou d'une autre personne exerçant l'autorité parentale, c'est-à-dire sans quelqu'un pour la protéger et prendre les décisions importantes la concernant.
Le débat public sur le mineur non accompagné débute avec le naufrage d'une petite embarcation survenu le 1er novembre 1988 au large des côtes espagnoles, précisément au large de Tarifa, et qui avait coûté la vie à plusieurs mineurs. Certains chercheurs espagnols évoquent ce terme déjà en 1993. Ce débat public qui est purement européen a donné naissance en 1997 à un nouveau concept juridico-politique, à savoir " mineurs non accompagnés " ou " mineurs étrangers isolés ". C'est à partir de cette date que des textes juridiques séparés commenceront à voir le jour et que le Conseil de l'Europe adoptera une résolution non contraignante pour répondre à un contexte où la présence d'enfants migrants non accompagnés se fait de plus en plus sentir en Europe.
Il faut rappeler, cependant, que ce phénomène était déjà présent au début du XXe siècle, avec par exemple des mouvements d'exode de mineurs arméniens, italiens ou espagnols (après la fin de la guerre civile) vers la France.
En sociologie, on parle d'enfants et de mineurs. Et plusieurs associations sont contre cette nomination puisqu'elles considèrent que les enfants étrangers sont avant tout et surtout des enfants, ils doivent avoir accès aux mêmes droits que les autres enfants et être protégés en tant que tel et ne pas être contrôlés comme des adultes migrants.