Afrique: La censure et les libertés au Togo, une cohabitation difficile

21 Décembre 2022

Publié le mercredi 21 décembre 2022, par Gabinho

J'ai souvenance qu'en 1989, l'écrivain débutant, Kossi Efoui, m'avait sollicité pour écrire la préface de sa première pièce de théâtre "Carrefour". Je rappelle à la jeune génération qu'il faisait partie des cinq jeunes dramaturges étudiants que j'ai appelés les tractographes. Ils étaient des acteurs de la campagne de libération de la parole initiée par Huenumadji Afan et moi autour de la revue Propos Scientifiques.

Ce néologisme de tractographe signifie que leurs écrits, eu égard à leur contenu et à leur forme, étaient totalement à l'opposé de l'ordre du discours de la dictature militaire et de son cache-sexe malodorant, le RPT, parti unique, parti État. Ces textes sont des hymnes à la liberté quand on les met dans le contexte de l'époque où tout était silence, délation et répression tous azimuts. Le simple petit troufion était un despote omnipotent par rapport aux civils, car envers eux, il pouvait tout se permettre en toute impunité, comme l'ont confirmé plus tard les témoignages de la Conférence nationale souveraine en 1991. Le Togo vivait les heures les plus sombres de son histoire dans un régime obscurantiste de terreur.

Kossi Efoui fut donc le premier des tractographes à faire jouer et publier une pièce de théâtre. Ce fut un succès de scandale par rapport à la pensée stupidement unique et à un ordre du discours fasciste qui imposait le silence aux Togolais, ne leur laissant que le choix de la peur et de l'hypocrisie en faisant l'éloge du dictateur qui était le premier en tout au Togo. Triste et détestable époque.

La préface que j'ai écrite, en 1989, bien entendu, s'inscrivait totalement dans la logique du viol du discours de l'idéologie fasciste du régime policier. La liberté, le pluralisme politique, la démocratie étaient les leitmotivs du nouvel ordre du discours que nous opposions au vieil ordre cadavérique si haï par le peuple togolais. J'ai donc écrit des mots contre l'oppression et pour la liberté. Ce que n'ont pas apprécié les fonctionnaires zélés de la censure officielle.

Lors des formalités du dépôt légal au ministère de l'intérieur, un paragraphe entier correspondant à une demie page environ, a été bêtement caviardé et donc supprimé. Ne voulant pas obtempérer sans protester, Kossi Efoui a laissé dans l'ouvrage imprimé le passage censuré en blanc pour que le lecteur sache que les grands ciseaux de la censure officielle sont passés par là.

Cette censure liberticide était la première censure littéraire au Togo, à ma connaissance.

Malheureusement, trois décennies plus tard, la censure politique fait toujours rage dans ce pauvre pays. Les libertés politiques sont bâillonnées. La société civile se voit interdire des réunions en lieux clos, au nom de la "démocratie" ! Jolie paradoxe ! Vive la démocratie à la togolaise !

Il fallait le dire.

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