Dans une étude dont il publie les résultats en 1982, le couple Bakoly et Jean-Pierre Domenichini analyse les aspects de l'esclavage sous la monarchie merina. Et ce, à partir des textes législatifs et règlementaires.
Notamment l'arrêté qui proclame l'abolition de l'esclavage à Madagascar publié le 26 septembre 1896 par le résident général Hippolyte Laroche, le kabary du prince Ramahatra en tant que gouverneur général du Cercle militaire d'Ambatomanga le 2 octobre 1896, et les circulaires de Rasanjy qui fait fonction de Premier ministre et commandant en chef de l'Armée, tous ces textes informent sur les faits essentiels concernant cette institution dans les derniers temps de la monarchie (Revue d'études historiques " Omaly sy Anio " N°15"). Comme le précise le résident général, abolir " le commerce des personnes " et le combattre sous toutes ses formes sont les raisons essentielles de cette loi.
Ces raisons vont " de l'odieuse vente " autorisée par la monarchie sur les marchés publics " ravalant des personnes au rang de bétail et objets de transaction " et sur laquelle l'État prélève sa part sous forme de taxes d'enregistrement, à " l'horrible traite clandestine " exilant de force au-delà des mers des victimes dont certaines, sinon beaucoup, sont probablement innocentes, en passant par " la traite intérieure tout aussi illégale " pour la monarchie qui ne doit être généralement que la première étape vers la traite extérieure. Hippolyte Laroche établit une commission locale pour observer et étudier la situation, en particulier en Imerina, et en arrive à plusieurs constatations.
La première est que les esclaves, qui constituent au maximum un peu plus du tiers de la population, ne sont pas du nombre des sujets de la reine. Celle-ci n'est donc pas trop opposée à leur émancipation. " Bien au contraire, peut-être, malgré la perte des taxes d'enregistrement des ventes. " À la date du 12 mars 1896, 216 697 esclaves (36,19%)- pour 337 637 sujets libres (56,39%) et 44 354 nobles (7,40%)- sont recensés pour quatre districts de l'Imerina, hormis dix- neuf villages dont les résultats ne parviennent pas encore à la résidence générale.
Deuxième constatation, au moins à Antananarivo, les propriétaires d'esclaves qui sont nombreux, considèrent comme déjà réalisée une mesure- l'abolition de la traite- " qu'à la vérité, ils attendaient et en prennent allègrement leur parti ". Et d'ailleurs, la circulaire de Rasanjy du 15 octobre 1896, aborde la nécessité de faire enregistrer les esclaves libérés, tant individuellement qu'en tant qu'ils sont mariés et ont de enfants, comme le sont déjà les personnes libres. Troisième constatation, les esclaves ne sont pas tous des miséreux. Certains d'entre eux sont des propriétaires de " biens meubles ou immeubles qu'ils ont acquis de leurs deniers ou héritages ".
Et même s'ils sont toujours considérés comme des enfants mineurs- y compris quand ils sont mariés et/ou chargés de famille- ils ne peuvent " théoriquement " en disposer librement sans l'autorisation de leurs maitres. Quatrième constatation, les propriétaires d'esclaves ne sont pas tous d'odieux personnages, mais des personnes dont les "libéralités" envers leurs esclaves peuvent constituer de " biens meubles " donnés en toute propriété, ou de " biens immeubles ", terres ou maisons, donnés en usufruit et qui, de toute façon, doivent au moins assurer la subsistance de tous leurs dépendants, esclaves compris.
Enfin, dernière constatation, beaucoup d'affranchis, au lieu de se séparer de leurs anciens maitres, leur restent attachés et continuent de demeurer auprès d'eux. Et " l'on pouvait donc espérer que les esclaves libérés, s'ils ont eu de bons rapports avec leurs anciens maitres, pourront se trouver à l'abri du besoin ". L'ensemble des esclaves de l'Imerina, tels qu'ils sont recensés en 1896, représentent alors, " au cours réel, un capital d'environ 22 000 000 de francs ". La résidence générale estime qu'elle peut compenser cette perte des anciens propriétaires d'une autre manière. " La France s'interdit de frapper sur le peuple de Madagascar aucune contribution extraordinaire de guerre ".