" Les Marocains du monde (MDM) sont très attachés à leur pays d'origine, mais ils préfèrent faire leur vie ailleurs ", c'est ce qui ressort du dernier avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) concernant le lien intergénérationnel entre les MRE et le Maroc. Selon ce dernier, les Marocains du monde sont de plus en plus enclins à avoir la double nationalité ou à acquérir la nationalité des pays d'accueil, à se marier à des étrangères et à prolonger la durée d'expatriation.
Question de retour
En détail, l'avis en question indique que la part des binationaux s'accroît régulièrement en précisant que "plus du quart des émigrés marocains (27,4%) ont une double nationalité, les femmes plus que les hommes (respectivement 33,3% et 24,6%). L'acquisition d'une autre nationalité augmente avec l'âge et varie en fonction du pays d'accueil. Près de deux tiers des jeunes Marocains d'Europe sont des nationaux de leur pays de résidence". Il révèle également que "la proportion de mariages mixtes concerne près d'un cinquième des migrants marocains (18,9%), avec un pourcentage plus élevé chez les femmes (27,1%) et parmi les plus jeunes de 15-29 ans (24,8%)".
Pour le CESE, l'ensemble de ces éléments additionnés à "l'allongement de la durée d'expatriation et des carrières professionnelles, au développement des liens matrimoniaux et des structures familiales, à l'intégration sociétale, à l'exercice des droits civiques et à la participation à la vie politique locale ", réduisent fatalement le retour au pays d'origine.
Cette question d'attachement au pays, ajoute le CESE, se révèle davantage dans les perspectives d'avenir des MDM et la vision de leur vie future. En effet, "environ un jeune sur cinq parmi les Marocains en Europe affirme "lier son futur au Maroc", précise l'avis du CESE. Un tiers se dit "disposé à s'installer au Maroc dans les années à venir" et 19% déclarent avoir l'intention d'y investir. Toutefois, une grande majorité n'a pas de projet de retour ni d'investissement".
Attachement et liens
Cependant, les rédacteurs dudit avis soulignent que ce diagnostic ne contrecarre pas nécessairement le lien sentimental, mémoriel, familial sur la base duquel se perpétuent les échanges de visites (tourisme des racines), les transferts financiers, les relations économiques ou les interactions culturelles avec le Maroc. "Le fait que plus de 4/5 des Marocains du monde transfèrent une partie de leurs revenus vers le Maroc et que près de 3 millions d'entre eux y séjournent au moins une fois par an, matérialise la continuité de ces liens.
Une bonne compréhension de leurs perceptions et des réponses satisfaisantes à leurs attentes, à commencer par la cohérence et la mise à niveau des politiques et des services publics qui leur sont dédiés, sont nécessaires au renforcement de la réciprocité et à la durabilité du lien entre le Maroc et ses ressortissants vivant à l'étranger", notent-ils. A ce propos, ils expliquent que "plus des deux tiers des répondants (65,22%) ont qualifié leurs liens avec le Maroc de "forts".
Ces liens se manifestent en forme de relations personnelles et familiales, notamment via la régularité des visites aux parents et à la famille (94,3% des répondants), la célébration des fêtes religieuses et familiales (37,3% des répondants) ou dans le cadre de séjours au niveau d'une résidence secondaire ou alternée (24,4%), mais également à travers des liens de nature professionnelle, de l'investissement (34% des répondants), du commerce (19,32% des répondants) et des interventions auprès d'entreprises ou dans le cadre de projets de coopération (11,69%). Les autres types de liens ont trait à la culture, au tourisme et aux actions de solidarité".
Perceptions et attentes des MDM
Sur un autre registre, le CESE a constaté que les MDM stigmatisent encore l'offre de services culturels, l'enseignement des langues nationales, la qualité des services administratifs, l'offre de soins et les modalités d'investissement au Maroc.
Ainsi sur le plan cultuel, " un consensus se dégage sur l'intérêt de renforcer la visibilité et l'intelligibilité du modèle religieux marocain, fondé sur l'institution de la Commanderie des Croyants, en s'appuyant sur le primat accordé à l'exercice de la raison, à la protection des valeurs de la vie et de la dignité humaine, et celles des sources intellectuelles et spirituelles historiquement développées au Maroc", note l'avis.
En matière culturelle, la nécessité d'un meilleur accès à l'enseignement de la langue arabe, à des contenus reflétant l'histoire du Maroc et sa vie culturelle a été évoquée comme attente légitime des MDM. "A ce titre, les supports digitaux et des dispositifs "hors-murs" d'offres de services culturels sont désormais privilégiés par rapport aux approches "traditionnelles" revêtant la forme de centres culturels abrités dans des bâtiments statiques, coûteux et peu attractifs", souligne l'avis.
Au plan économique, la nécessité d'une plus grande représentation des principaux secteurs d'activité et d'une meilleure visibilité des différentes opportunités économiques du Maroc à l'étranger a été soulignée. " De plus, les dispositifs d'accueil, d'appui et de recours mis à la disposition des MDM porteurs de projets nécessitent une véritable impulsion soutenue et structurée ", observe le CESE.
En matière de services consulaires, administratifs et sociaux, les récriminations demeurent au sujet de l'incomplétude des processus de digitalisation et de dématérialisation des démarches et procédures et au sujet de la qualité et des coûts de l'offre de transports (aérien, maritime, etc.), et de l'accès aux services de la justice. Même son de cloche concernant l'éthique des affaires et de sécurité, l'élimination des entraves administratives et la lutte contre la corruption, et plus généralement, les atteintes à l'éthique dans les affaires, les relations économiques et les services publics figurent parmi les attentes prioritaires des MDM.
LE CESE cite également comme principaux facteurs d'insatisfaction des MDM, l'insécurité éthique qui renvoie à la "corruption", le "clientélisme", les paiements indus "extorsion", la "malhonnêteté", l'"escroquerie et la spoliation", l'"arnaque immobilière et foncière". Il y a aussi les difficultés avec les services publics et administratifs (atermoiement, lenteur, lourdeur, complexité des procédures administratives, douanières, judiciaires; complexité de l'équivalence des diplômes) ainsi que la complexité de l'environnement des affaires (manque d'informations et de transparence sur les procédures d'investissement; multiplicité des interlocuteurs pour les petits investisseurs; complexité des relations bancaires; opacité fiscale).
La question de l'insécurité sanitaire et de l'hygiène publique est également posée (lenteur des premiers secours en cas d'accidents de la route; mauvaise qualité de la prise en charge médicale, état des hôpitaux publics, déchets sur la voie publique) ainsi que celle relative à la sécurité et à l'ordre public (insécurité ("légère"); "abus de la part de certains agents du contrôle routier, amendes et pénalités parfois "injustifiées").
Les MRE pointent du doigt aussi les incivilités comme le manque de respect pour les femmes; "gardiens de parking"; le manque de reconnaissance et de respect des MDM, la maltraitance et les situations humiliantes; les sentiments de discrimination par rapport aux étrangers et de mauvais traitements; les incivilités, "misbehavior", l'agressivité de certains agents des douanes, la bureaucratie, les règles d'admission et d'enregistrement dans les hôtels.