Le 20 décembre dernier, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté une résolution qui retire la mention exigeant que les pays informent ses 15 membres, de toute vente d'armes ou aide militaire à la République démocratique du Congo (RDC). En rappel, le pays de Félix Tshisekedi fait l'objet d'un embargo sur les armes depuis 2000, afin de faire face à l'étendue des violences qui ont pignon sur rue dans cet immense eldorado minier de l'Afrique centrale. Alors que toutes les demandes de Kinshasa pour lever les restrictions consécutives à cet embargo, s'étaient buttées au refus des Etats-Unis et de l'Allemagne, les choses semblent aller très vite sous l'égide de la France qui, entre-temps, s'est saisie du dossier et a bénéficié, chose rare, du soutien de la Russie, de la Chine, et des Etats africains siègeront au Conseil de sécurité. Pourquoi le Conseil de sécurité de l'ONU a-t-il alors décidé enfin de lâcher du lest et pourquoi maintenant ? Sans nul doute que le contexte sécuritaire dans le Nord-Kivu, a pesé lourdement dans la décision des grandes puissances mondiales qui dominent le Conseil de sécurité.
Il était difficile à la communauté internationale, de garder le mutisme sans être accusée de complicité avec les bandes armées
En effet, il n'est un secret pour personne que depuis quelque temps déjà, la rébellion du M23 donne du fil à retordre à l'armée congolaise à l'Est du pays, troublant ainsi le sommeil des autorités congolaises. Le dernier déchainement de violence orchestré par la rébellion et qui a ému toute la communauté internationale, est le massacre, à l'aide de fusils et d'armes blanches, de 131 civils (102 hommes, 17 femmes et 12 enfants) dans les deux localités de Kishishe et Bambou. Le seuil de l'horreur a sans doute été franchi par ces évènements et il était difficile à la communauté internationale, de garder le mutisme sans être accusée de complicité avec les bandes armées. L'autre explication au revirement du Conseil de sécurité de l'ONU sur l'embargo sur les armes en RDC, est la pression de l'opinion publique interne de la RDC. L'on se souvient, en effet, que l'Eglise catholique avait mobilisé ses ouailles dans la rue dans des cortèges qui se sont ébranlés en direction des chancelleries occidentales et des représentations onusiennes dans le pays, pour dénoncer justement le mutisme des grandes puissances et des institutions internationales dans la tragédie qui se joue à l'Est du pays. La pression interne était d'autant plus forte que les populations, lassées de l'inefficacité de la MONUSCO, ont fini par développer un puissant sentiment anti-onusien qui a contraint les Casques bleus à décamper de l'Est de la RDC avec armes et bagages. Enfin, la dernière explication est la prise du dossier en main par Paris dont la position a fortement évolué sur l'implication de Kigali dans l'insécurité au Nord-Kivu. Il faut d'ailleurs se féliciter que la France ait enfin compris que le Rwanda use du génocide comme d'un fonds de commerce, pour tenir en laisse les Occidentaux qui ont sans doute aussi des choses à se reprocher dans l'avènement de cet holocauste.
Les autorités congolaises gagneraient mieux à ouvrir le dialogue avec le M23
Mais que l'on ne se leurre pas, Paris n'a pas fait un cadeau de Noêl aux autorités congolaises. Les autorités françaises n'ont fait que défendre les intérêts de leur pays en optant de prendre une partie des marchés des armes dans le monde face à des USA à qui bénéficie la guerre en Ukraine. Cela dit, quelles peuvent être les conséquences de cet allègement des restrictions sur les importations d'armes en RDC ? Logiquement, l'on est en mesure d'attendre que, mieux équipées en armements, les forces armées congolaises repassent à l'offensive et reprennent le dessus sur les rebelles du M23. L'espoir d'une victoire est donc permis mais les armes seules suffisent-elles à gagner la guerre ? L'on peut en douter et mieux, la meilleure des victoires est celle qui s'acquiert sans combat. C'est pourquoi les autorités congolaises gagneraient nettement mieux à ouvrir le dialogue avec le M23 afin d'éviter que les nouveaux équipements à acquérir suite à la levée de l'embargo, ne servent à massacrer des frères congolais, fragilisant davantage la cohésion sociale et la paix dans un pays où le communautarisme est le prétexte aux nombreuses violences qui secouent toute la région des grands lacs. L'autre crainte que l'on peut avoir est qu'au regard de la corruption endémique dans le pays, les nouvelles armes acquises ne se retrouvent entre les mains des groupes armés qui pourraient en user pour assouvir leur soif de sang sur les pauvres populations. C'est donc véritablement un couteau à double tranchant que représente cet allègement sur les importations des armes en RDC. Mais en attendant, l'on peut tout de même se féliciter que cette injustice qui était faite à la RDC, soit réparée. C'est une véritable force qui était faite au pays et au-delà, à tous les Etats africains qui triment pour s'équiper en armes pour faire face à l'insécurité qui menace leur stabilité. La levée de l'embargo permet ainsi de corriger ce cliché qui fait des Africains, de grands enfants. Mais il faut le dire, la correction de cette injustice profite à ceux-là mêmes qui avaient causé le tort, c'est-à-dire les Occidentaux qui sont les principaux marchands d'armes dans le monde.