Madagascar: NDLR

Le 20 juin 1974, Raymond Ranjeva présentait à l'Académie Malgache une communication intitulée "L'idéologie neutraliste et les relations internationales" (Bulletin de l'Académie Malgache, nouvelle série, tome LII/1-2, 1974, pp.31-33).

Rappelons rapidement, que c'était dans un contexte de non-alignement encore porteur d'illusions en faisant bien semblant de croire, par exemple, que le Cuba de Fidel Castro n'était pas aligné sur l'URSS. Aujourd'hui, ce non-alignement (s'il existe d'ailleurs encore comme mouvement formel) donne l'impression de n'être plus revendiqué que par les pays demeurés "tiers-monde" tandis que d'autres ont accédé au statut de "dragons" ou "de pays émergents"

L'époque de phraséologies autrefois familières, comme "détérioration des termes de l'échange", "libération des peuples", "nouvel ordre mondial"... Entre-temps, les dirigeants satrapiques de nombre d'États du tiers-monde n'ont attendu personne pour détériorer encore davantage ces termes de l'échange.

1974, un temps d'avant la chute du Mur de Berlin et du démantèlement du "Rideau de fer". L'époque du face-à-face entre l'Alliance Atlantique (l'OTAN existe ne serait-ce que par l'amertume et les rancoeurs qu'elle suscite chez les uns, inversement proportionnelles à l'attente et à l'espoir placés en elle, chez les autres) et le Pacte de Varsovie. Le contexte enfin à peine revenu de l'utopie d'une "conférence générale de la paix qui devait liquider les séquelles de la seconde guerre mondiale".

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Extraits de la communication, émaillés de NDLR (note du rédacteur) en guise de commentaires.

"(Le neutralisme) idéologie qui se veut être non pas uniquement résistance intellectuelle, démystification de la force matérielle, mais surtout un dépassement de la contestation en étant une idéologie porteuse d'espérance (de paix internationale)".

"L'adhésion au neutralisme exclut l'appartenance à tout bloc militaire. Cette allergie à l'égard des blocs militaires ne peut se comprendre que dans le contexte de la guerre froide, contexte qui a permis, en 1950, l'éclosion de l'idéologie neutraliste"

"La désillusion née de la paralysie de l'organisation des Nations Unies. Malgré les espoirs qu'elle a fait naître, l'organisation universelle n'a pu ni su dépasser sa contradiction originelle".

"La définition systématique des critères du non-alignement a été posée pour la première fois à la conférence de Belgrade en 1961. Principes bien connus (NDLR : aujourd'hui gentiment désuets) : 1) suivre une politique indépendante fondée sur la coexistence pacifique et le non-alignement ; 2) soutenir toujours les mouvements de libération nationale (NDLR : quand une population décide, par une demi-douzaine de référendums successifs, de ne pas se "libérer", il faudrait enfin acter la limite de cette posture) ; 3) n'appartenir à aucune alliance militaire collective dans le cadre des conflits entre les grandes puissances ; 4) ne conclure aucune alliance bilatérale avec une grande puissance ; 5) ne pas accepter de plein l'établissement sur son territoire de bases militaires appartenant à une puissance étrangère".

"Par-delà la condamnation du bellicisme, le neutralisme envisage la Paix dans des dimensions qui dépassent la simple absence de guerre. La Paix est un état de bonheur qui est la cause et la conséquence de la libération des peuples".

"Afin de libérer les États des contraintes du suivisme politique, le neutralisme préconise d'abord la consolidation de la souveraineté des États" (NDLR : les pays les moins avancés sont désormais moins assujettis à une ou plusieurs grandes puissances qu'aux conditionnalités de partenaires-techniques-et-financiers hétéroclites et protéiformes).

"La souveraineté nationale réelle implique la destruction de tout lien de subordination avec les grandes puissances, qu'il soit politique ou économique" (NDLR : voeu d'autant plus pieux que certains "jeunes États", à force de gabegie, se sont livrés d'eux-mêmes à la merci de partenaires privilégiés).

"Par-delà la politique conjoncturelle de chantage (NDLR : le Premier Ministre Rainilaiarivony avait eu l'intuition de ce chantage auprès des grandes puissances, mais sans les leviers indispensables, et d'autant moins dans un contexte international autrement plus "sauvage" qu'après la seconde guerre mondiale), le neutralisme entend favoriser la réalisation d'un plus grand profit (... ) briser la dépendance économique à l'égard des pays développés en réduisant l'influence des monopoles étrangers. Cette recherche apparaît, dans la logique économique neutraliste, nécessaire pour la mise en place d'une économie nationale indépendante. La volonté politique d'assurer une indépendance amènera, dans la pensée des pères fondateurs (NDLR : Nehru, Tito, Nasser, Sukarno), le desserrement des crédits multilatéraux alloués par les organisations internationales. Dans cette perspective, le neutralisme préconise l'institutionnalisation au sein des organisations internationales des aides jusque-là bilatérales" (NDLR : Club de Paris, Club de Londres, FMI, Banque mondiale ?)

Raymond Ranjeva avait conclu sa communication par un constat de "inefficacité pratique" et en reportant le verdict de la réalisation des ambitions du neutralisme : "L'avenir le dira". Sauf que nous sommes dans l'avenir depuis donc quarante-huit ans.

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