Originaire du Département des Bamboutos à l'Ouest du Cameroun, le Dr Mafo Tiola est ce qu'on appelle une tête bien faite. Après son bac obtenu avec mention au Cameroun, cette jeune mère s'est envolée pour l'Allemagne.
Au pays de Goethe elle a fait des études de médecine dans les universités de Marburg/Heidelberg. Son cursus exemplaire a été soutenu par des stages pratiques dans de grands établissements hospitaliers en Allemagne. Malgré une situation enviable, Dr Mafo Tiola a préféré rentrer au Cameroun pour exercer ses talents. L'excellente médecin a créé un Centre médical sur place. Nous lui avons tendu le micro pour parler de son expérience de terrain.
Docteur, nous vous remercions de nous accorder un peu de votre précieux temps pour répondre à nos questions. Quelles sont vos spécialités médicales ?
C'est moi qui vous remercie pour l'intérêt que vous accordez à ma modeste personne et à mes activités. J'ai commencé en Allemagne par des études de biologie humaine menées à l'université de Marburg. Ceci fait, j'ai poursuivi avec des études médicales proprement dites dans la même université. J'ai ainsi pu braver le premier et le deuxième Examen d'Etat qui m'ont conféré le grade de Docteur en médecine a l'Université de Heidelberg. Ceci m'a permis d'exercer comme interne en chirurgie viscérale à la Clinique Helios Buch de Berlin, puis à l'Hôpital de Markisch-Oderland dans le Brandenbourg.
Apparemment vous ne vous êtes pas contentée de ces premières amours en médecine. Quelles autres compétences avez-vous acquises ?
Comme on dit chez nous, si tu tombes dans l'eau, il faut en boire un peu avant de ressortir. Sur place en Allemagne, je suis tombée dans une grande source de savoir médical. J'en ai donc profité pour m'abreuver de connaissances autant que je le pouvais. Ainsi, j'ai suivi une formation en médecine d'urgence relative aux services d'ambulance à la Prometheus GmbH de Berlin. Ceci fait, j'ai exercé comme médecin urgentiste à l'hôpital Markish-Oderland.
Vous gagniez donc bien votre vie en Allemagne. Pourtant, vous avez laissé tous ces avantages pour rentrer au Cameroun au moment où certains ne rêvent que d'en partir. Quelles ont été vos motivations ?
Je ne remercierai jamais assez ce grand pays qu'est l'Allemagne pour m'avoir transmis toutes ces connaissances. J'y ai été chaleureusement accueillie et profondément intégrée. J'avais en effet débuté une belle carrière là-bas, sans néanmoins jamais oublier d'où je venais. On peut dire que c'est l'appel du pays qui m'a fait retourner. Ces choses-là ne s'expliquent pas vraiment. Le Cameroun a toujours occupé mon esprit et je me demandais constamment ce que je pouvais apporter à ce beau Berceau de nos ancêtres. N'ayant que mes compétences professionnelles, ces elles que j'ai décidé de venir mettre au service de mes concitoyens. C'est ainsi qu'avec un compagnon, nous avons monté le Centre de médical dénommé Afya Memorial Clinic à Bafoussam dont j'ai assuré la direction médicale et le département de chirurgie.
Il parait que vous effectuez du bénévolat dans le public...
Effectivement Lorsque j'ai appris que l'Hôpital de Référence de Bafoussam dont le Chef de l'Etat a doté la Région de l'Ouest manquait de personnel, j'y suis allée pour offrir mes service comme bénévole. Le Directeur de l'hôpital de Référence que je remercie en passant, a accepté cette offre ; et depuis j'ai contribué à mettre en place le service d'urgence de l'hôpital que j'anime avec d'autres collègues très dévoués.
Avez-vous donc coupé les ponts avec l'Allemagne ?
Oh non ! Je n'ai pas coupé les ponts avec l'Allemagne, car je travaille en synergie avec des collègues spécialistes restés sur place là-bas. Il y a parmi eux des camerounais et des Allemands de souche. Ainsi, grâce à la télémédecine, nous effectuons des examens de nos malades sur place, nous envoyons les résultats à ces médecins très qualifiés. Ils interprètent ces résultats nous aident à poser les diagnostics et nous faisons ensemble les prescriptions. Nous contribuons ainsi modestement à freiner les évacuations sanitaires qui vident les caisses du pays.
Votre installation n'a certainement pas été facile, connaissant l'environnement de notre pays et certaines mentalités. À quelles difficultés avez-vous été confrontée ?
Une telle entreprise ne se passe pas sans heurts. Vous avez évoqué les mentalités à bon escient. En effet, la première difficulté a été d'affronter l'incompréhension de certains proches. Ces derniers ne comprenaient pas comment on peut laisser la belle vie en Europe pour rentrer " souffrir au Cameroun ". Il a fallu vaincre ces résistances. Heureusement, j'ai reçu tout l'appui de mes parents que je remercie en passant. La seconde difficulté fut d'affronter l'administration dont certains agents se croient tout permis.
Ainsi, des fonctionnaires ont cru devoir s'asseoir sur le dossier de création de la clinique. Dieu merci, nous nous sommes fait accompagner par un Cabinet de Conseil local qui nous a facilité la tâche pour sortir de ce bourbier. Ce Conseil nous a ensuite accompagnés dans la communication et les relations publiques. Je passe sur les attaques motivées par la jalousie, pour vous dire qu'une autre difficulté, et pas des moindres, a été la malhonnêteté de mon associé. Je lui faisais entièrement confiance et me consacrais aux soins hospitaliers. Figurez-vous que cet associe a disparu avec près de 70 millions de Francs CFA. Fruit d'un notre première année de dur labeur. Vous voyez bien que le secteur est porteur.
Et les banques, vous ont-elles accompagnés ?
Certaines nous ont accompagnés assez difficilement je dois dire. Mais une autre a voulu profiter de l'incurie de mon associé pour se rendre justice. Il s'agit de l'établissement de micro finance ACEP SA Cameroun qui a indûment saisi nos appareils. J'ai porté plainte. Le Tribunal de première instance de Bafoussam a déclaré l'entreprise coupable et l'a condamnée. C'est la preuve qu'il y a encore des magistrats honnêtes dans notre pays, quoiqu'on dise. J'attends sereinement l'exécution de la décision en espérant qu'ils ne feront pas appel du jugement. Le grand regret est que ces péripéties me distraient de ma tâche qui est de soigner les patients pour soulager leurs maux.
Et au niveau du gouvernement, les autorités vous ont-elles appuyés ?
Ah oui, beaucoup, à commencer par le président de la République. Figure-vous que sur la recommandation de notre Cabinet de conseils dont j'ai parlé plus haut, nous avons écrit au chef de l'État. J'avoue que nous l'avions fait sans grande conviction compte tenu de tout ce qui se racontait. Alors, le 20 juillet 2020, le Conseil a apprêté la correspondance que nous avons expédiée à SE Paul Biya. À notre grande surprise, le 10 août 2020, soit moins d'un mois après, le Président de la République nous a répondu par les soins de Monsieur le Directeur du Cabinet Civil. Il nous a chaleureusement félicités et énormément encouragés. Ceci nous a ouvert beaucoup de portes, à commencer par celle de notre esprit. Et depuis, nous lui adressons des rapports d'activités pour rendre compte de l'évolution du projet.
Vous n'avez donc pas eu des appuis matériels ?
Non, certainement parce que nous n'en avons pas encore sollicitée. Je sais que le gouvernement appui ceux qui le sollicitent avec un bon projet. Je suis convaincue que nous aurons un appui quand nous le solliciterons. Il fallait d'abord prouver de quoi l'on est capable. C'est pour moi ici l'occasion d'inviter ceux de nos compatriotes de la diaspora qui le désirent, de rentrer investir au pays. S'ils se font accompagner par les bonnes personnes, ils s'en sortiront et le pays avancera. Notre exemple le témoigne à suffisance ! Je crois qu'il ne faut pas seulement écouter les sons de cloches négatifs de ceux qui voient tout en noir.
Le mot de la fin Docteur ?
Le Cameroun est notre pays et c'est à nous qu'il revient de le développer, pas à quiconque d'autre. Copions ce qui se fait de bon ailleurs pour venir le dupliquer ici. C'est en tout cas ce que j'ai initié. Cela est vrai aussi pour toute l'Afrique où je mène plusieurs actions humanitaires dans le domaine de la santé.