Cameroun: Les raisons de la décrépitude politique au pays

23 Décembre 2022

Dans l'observation de la façon dont se passent les choses depuis les années 1960 dans les Etats africains, ce que l'on constate généralement est qu'après être resté au pouvoir pendant de nombreuses années, lorsqu'en bout de course il s'impose à un régime de faire le bilan de ses politiques publique, économique et sociale, et qu'à l'issue de ce dernier il soit établi l'échec patent de sa gouvernance, aucun appareil d'État n'a jamais eu le courage politique, de se désigner comme le véritable et unique responsable de ce qui arrive.

Tous cherchent plutôt à se défausser sur des faux-fuyants en prétextant notamment de la morosité de la conjoncture internationale. Dans ce genre de situation, aucun ne veut en fait plaider coupable devant le tri- bunal des faits et de l'histoire, tous privilégient l'omerta et évitent leur propre dénonciation qui aurait pour- tant pu servir de catharsis et même de thérapie de groupe salutaire à l'ensemble du pays. Face à cet habituel déni institutionnel, comment fait-on alors souvent pour établir factuellement cette absence de résultats po- sitifs qui crève pourtant les yeux ?

On a concrètement et généralement d'abord recours à la panoplie d'instruments de mesure que les insti- tutions et les organisations Internationales, qu'elles soient publiques ou privées, utilisent et mettent à la dis- position de tous ceux qui observent la gestion des affaires publiques. Un large répertoire de dispositifs et de procédés dans lesquels entre autres choses on trouve, le taux de croissance, le produit intérieur brut (PIB), l'indice de développement humain (IDH), le programme international pour le suivi des acquis (PISA), le salaire minimum interprofessionnel garantie (SMIG), mais aussi tous les autres concours, classements et prix (Médaille Fields et Prix Nobel) que les États, pour leur faire-valoir, le renforcement de leurs capacités, la stimulation de leur volonté de toujours bien et mieux faire, organisent eux-mêmes, sollicitent des autres, et mettent en oeuvre au niveau international, dans le cadre de multiples compétitions sportives (Coupe du monde et Jeux olympiques), universitaires, foires et bien d'autres occasions encore, qui leur permettent de se comparer, se juger et se mettre en scène.

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Mais dans le même registre aussi, pour évaluer les politiques des uns et des autres, l'on a ensuite besoin de ce que chaque pays donne concrètement et physiquement à voir à travers le bâti et le gros-œuvre notam- ment, dans la conception et la réalisation technique et industrielle de ses projets de développement. La preuve, si l'on parle encore aujourd'hui de l'Egypte antique et des pharaons, c'est parce qu'ils nous ont légué les pyramides et les vestiges de leur glorieux passé.

Et plus inattendu encore, pour porter une appré- ciation, l'on dispose également du non-dit des performances sportives à l'étranger des ressortissants des pays à fort potentiel qui sont pourtant paradoxalement absents des classements mondiaux, qu'ils concernent le politique, l'économique ou le social. Pour étayer notre propos sur le sport pris comme instrument de mesure, d'une part, un pays, le Cameroun, et d'autre part, le sport en général et la coupe du monde de football au Qatar en particulier, nous en donnent concrètement l'opportunité.

Le Cameroun, notamment dans le domaine du sport, est un pays à fort potentiel. Et ses ressortissants qui bien souvent ont pris d'autres nationalités puisqu'officiellement la double nationalité n'est pas reconnue par ce pays, s'illustrent merveilleusement bien dans le basket aux USA, dans les arts mar- tiaux mixtes (MMA) et dans le football dans de nombreux clubs européens, orientaux et asiatiques. Il n'est pas nécessaire et même pas possible de tous les citer ici, tellement ils sont nombreux. En voici toutefois quelques-uns : Francis Ngannou, Joel Embiid, Aurélien Tchouaméni, Kylian Mappé, Breel Embolo, et bien évidemment Samuel Eto'o devenu entretemps président de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot).

Mais lorsqu'on a fini de dresser la liste incomplète de ces natifs du Cameroun qui brillent de mille feux à l'étranger et qui confirment d'une certaine manière l'adage selon lequel " nul n'est jamais prophète chez lui ", qu'on le veuille ou non et n'en déplaire à d'aucuns, l'on est forcément obligé de se demander pourquoi cela se produit toujours seulement quand on est contraint et obligé de s'expatrier, et pas intramuros, sur le territoire national ? La réponse est simple à donner et facile à comprendre : le Cameroun n'offre pas objec- tivement à ces pépites en devenir les conditions d'accomplissement et d'épanouissement que le grand large, au-delà des océans, leur procure.

C'est à la fois surprenant et paradoxal pour qui connaît l'histoire contemporaine de ce pays qui, même si comparaison n'est pas raison, pourrait autant faire par exemple et pour rester en Afrique, que le Maroc - qu'on a tort de ne découvrir qu'avec le succès qu'il connaît au Qatar, alors que dans de nombreux autres domaines, notamment celui de la santé publique, de l'assainissement des eaux, des énergies renouvelables, il fait aussi honneur à l'Afrique -, qui est en train d'administrer au monde entier la preuve par quatre que quand on veut réellement, on peut absolument.

La chaine des responsabilités Pour terminer ce propos qui n'a absolument rien d'acrimonieux et qui ne vise pas à témoigner outranciè- rement à charge ou à dédouaner qui que ce soit de ses responsabilités mais simplement à montrer la lune que nous ne semblons pas vouloir regarder, nous disons qu'il faut arrêter la mauvaise habitude qui a été prise de n'instruire que le seul procès du chef de l'Etat qui soit dit en passant, n'est pas Vishnu, la divinité indienne à plusieurs bras symbolisant probablement l'omnipotence, l'omniscience, et l'omniprésence, mais que depuis longtemps on considère comme l'unique responsable des maux dont souffre incontestablement le Cameroun. En effet, nous pensons sérieusement que raisonnablement, l'on ne peut pas transformer le chef de l'Etat en une sorte de directeur de conscience de tous ceux dont il s'entoure et continuer savamment à occulter la grande part de responsabilité de l'ensemble des élites camerounaises.

D'abord celles du Rdpc, son parti, flanquées de celles de l'opposition des transfuges, et de celles des comparses non partisans qui du fait de leur condition humaine, sont comme chacun de nous dotées d'un libre arbitre et de droits individuels qu'ils peuvent en toute liberté exercer. Des élites auxquelles il a concrètement depuis 40 longues années fait entièrement et totalement confiance.

Des élites qui en réalité malheureusement, ne l'ont pas aidé dans sa lourde charge. Mais s'il n'y avait que les élites du Rdpc, de l'opposition des transfuges et des comparses à clouer au pilori à cause des mauvais services rendus à notre pays depuis 1960, la responsabilité collective que nous voulons fortement souligner ici ne serait ni établie, ni entière, et ni même crédible et fondée. Il y a en effet malheureusement aussi la responsabilité des forces alternatives. La vraie opposition au pouvoir en place dont la démarche politique doit naturellement s'inscrire dans une logique de rupture et non pas d'alternance avec l'ordre régnant.

Une opposition dont les erreurs politiques ont eu pour principale et grave conséquence la démobilisation des masses populaires pendant une très longue période. Une opposition qui malheureuse- ment dans les années 1990, alors qu'elle se trouvait encore en exil et qu'elle était conduite par l'UPC dirigée par Woungly-Massaga et représentait tous les espoirs de la nation, au moment où le Cameroun qui avait jusque-là vécu dans le monopartisme renouait de nouveau avec le multipartisme, sans en mesurer la portée véritable, a installé dans son propre camp un climat délétère qui à court terme, à d'abord commencé par semer la zizanie et la discorde dans ses propres rangs, et à long terme, continue encore aujourd'hui à entre- tenir la confusion dans les têtes et à impacter fortement toutes les tentatives de réorganisation de la lutte qui sont envisagées.

Dans tout travail politique conséquent, il faut s'inspirer des luttes du passé pour agir dans le présent en puissant dans leur trésor d'expériences. Et, il faut penser à préserver les acquis pour ne pas insulter l'avenir. La route du combat pour la liberté et la démocratie doit inlassablement être balisée pour toujours ouvrir de nouvelles perspectives de lutte qui sont seules capables d'augurer à notre pays et à ses populations, des lendemains qui chantent.

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