Amnesty International Sénégal et la population du village de Ndingler, village situé dans le département de Mbour, ont organisé une marche pacifique hier, vendredi 23 décembre, pour "sensibiliser l'Etat et l'opinion nationale sur les conséquences dramatiques de l'attribution des terres agricoles", du village en question, à l'homme d'affaires sénégalais Babacar Ngom, par ailleurs fondateur et président de Sedima Group. À cette occasion, Seydi Gassama, le directeur exécutif d'Amnesty International Sénégal, a menacé de saisir des juridictions internationales si jamais les habitants de Ndingler n'arrivaient à récupérer leurs terres.
Vêtus de tee-shirts blancs floqués de "Ndingler " sunu suuf, sunu yaakaar " "(Ndingler, notre terre, notre espoir, en Wolof)", et arborant des banderoles avec comme message "Rendez-nous nos terres !", les participants ont marché au rond-point de la Faculté des Sciences et Technologies de l'Education et de la Formation (FASTEF, ex-ENS) au rond-point Jet d'Eau où la procession pacifique, organisée hier, vendredi 23 décembre, par Amnesty International Sénégal et la population du village de Ndingler, a pris fin avec des prises de parole. Pendant la marche, les manifestants ont scandé des slogans comme "Sunu suuf, sunu dund" (Notre terre, notre vie) ou encore "Baykat yi sonnu nanu, sammkat yi sonnu nanu" (Les paysans sont fatigués, les pasteurs sont épuisés). La Ligue sénégalaise des Droits humains (LSDH), le Collectif pour la Libération des Détenus politiques (COLIDEP) et Bassirou Diomaye Faye, le président du Mouvement national des Cadres patriotes, y ont pris part.
"Je rappelle, le 4 mai 2021, le préfet de Mbour avait pris un arrêté interdisant toute activité agricole sur la superficie des 80 ha que nous exploitions des décennies avant l'installation de la Sedima (Sénégalaise de Distribution de Matériels avicoles, Ndlr). Ledit arrêté était pris de façon provisoire, suite à l'attaque des travailleurs de la Sedima, plus d'une centaine, contre trois paysans de Ndingler venus exercer leurs travaux pré-hivernage. Voici donc le contexte qui a prévalu à une interdiction à durée indéterminée", précise Mamadou Dione, le porte-parole du jour. "Je voudrais rappeler que cette interdiction n'affecte en rien la Sedima et à ses activités, qui continue d'exploiter son domaine, au détriment des paysans de Ndingler qui assistent avec tristesse à ce spectacle désolant d'une perte de l'essentiel des terres qui leur restent aujourd'hui", regrette-t-il.
LE PRESIDENT MACKY SALL INTERPELLE : "LA CLE DE LA SOLUTION DU PROBLEME DE NDINGLER EST ENTRE SES MAINS"
Et M. Dione d'ajouter : "Nous marchons, vieux, jeunes, hommes et femmes pour dénoncer une injustice qui a trop duré, une injustice qui continue de semer le désarroi et provoquer l'enlisement de la pauvreté. Nous sommes abandonnés à nous-mêmes, nos moyens de survie, face aux difficultés auxquelles nous faisons face, sont très limités. Nous ne bénéficions pas des projets d'agriculture mis en œuvre par le gouvernement, parce que nos terres sont fertiles, alors il faut les céder ou disparaitre". "Nous marchons pour recupérer nos terres et nous en demandons l'arbitrage du président de la République, la seule personne qui, aujourd'hui, est capable de trouver une issue définitivement et heureuse à cette situation malheureuse qui a trop duré. Le président de la République détient, à lui seul, le pouvoir de restitution des terres aux paysans de Ndingler", déclare Mamadou Dione.
Prenant la parole, le directeur exécutif d'Amnesty International Sénégal, Seydi Gassama, a aussi interpellé le chef de l'État. "Nous disons au président Macky Sall que la clé de la solution du problème de Ndingler est entre ses mains. Que Macky Sall restitue aux gens de Ndingler les 85 hectares qu'on leur a confisqués, de façon tout à fait illégale ; qu'ils retrouvent leurs terres, le Sénégal est vaste ! ", s'exclame-t-il.
"Si Babacar Ngom ne veut faire que de l'agriculture et de l'élevage, il y a des terres ailleurs. Ndingler ne peut pas se déplacer, ce village ne peut pas se déplacer, mais Babacar Ngom peut se déplacer. Donc, qu'on leur restitue leurs terres. Si cela n'est pas fait, nous allons saisir des juridictions internationales. Et ça ne sera pas bon pour l'image de Babacar Ngom. Ça ne sera pas bon pour son business. Donc, il n'a qu'à choisir. Nous sommes déterminés. Tant que Ndingler est debout, nous serons à ses côtés", prévient M. Gassama.