Afrique: Diplomatie - Recul de l'influence française en Afrique

Après avoir été un acteur politique, économique et culturel majeur en Afrique, d'abord en tant que colonisateur, ensuite en tant que partenaire, la France, incapable de revoir son approche diplomatique et économique, subit un recul, sérieux, de son influence sur le jeune continent. Au grand dam de ses propres intérêts et de ceux de ses amis, écrit l'essayiste politique marocain, Adnan Debbarch? dans un récente chronique.

La France n'a plus bonne presse en Afrique, surtout dans les pays où elle a eu une présence coloniale. Bien lointaine apparaît la faste période (1960-1990) d'une présence africaine appelée " les trente glorieuses ", à l'instar des autres "trente glorieuses (1945-1973) " de la croissance économique mondiale.

La chute du mur de Berlin et l'incapacité de la diplomatie française à anticiper ses conséquences politiques et économiques ont durement affecté une situation de confort qui semblait acquise. Jusqu'aux débuts des années 2000, la France a été habitée par la certitude que rien de concret ne pouvait se faire " sans elle " dans cette région, se considérant, à tort, comme l'unique courroie de transmission avec les régimes en place. Les résultats de ce manque d'anticipation ne se sont pas fait attendre.

Sur le volet économique de 2000 à 2020, la part relative de la France dans les échanges avec l'Afrique a chuté de 15 à 7,5%. Entre temps, la Chine s'est installée aux premières loges avec 27% de l'ensemble des échanges, suivie par les redoutables Turcs. Petite humiliation supplémentaire! En 2018, l'Allemagne qui a été chassée sans ménagement de l'Afrique après sa défaite de 1945 a dépassé la France dans les échanges commerciaux avec ce continent. Si les performances de la Chine et de la Turquie s'expliquent, les deux pays demeurent imbattables sur les produits industriels d'entrée de gamme et l'attractivité de leurs offres de services est accrue par les facilités de paiement qu'ils accordent.

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Ce qui dérange et met à nu la faiblesse l'économie française c'est le dépassement par l'Allemagne, dotée d'une économie plus compétitive avec des intrants à coûts similaires. Le recul français n'a pas pour unique cause le manque de compétitivité de son système productif, il y a aussi le rejet des méthodes d'une diplomatie et les formes d'une présence, ressenties par les pays africains comme de plus en plus intrusives et chargées de relents colonialistes. Le président français, Emmanuel Macron, depuis son élection, malgré les efforts substantiels déployés pour améliorer les relations avec l'Afrique et inverser leurs courbes descendantes, peine à obtenir des résultats remarquables.

Les peuples africains, pour la plupart, continuent à manifester leur rejet d'une présence, surtout au Sahel, dont ils ne voient pas l'utilité pour leur sécurité et doutent de son caractère désintéressé. Ainsi, il y a eu augmentation de l'aide, restitution de certains objets culturels, révision de la présence militaire au Sahel, appuis aux démarches de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest sur quelques dossiers sensibles, début de reconnaissance de la responsabilité française dans le génocide au Rwanda, ouverture d'un dialogue avec la jeunesse africaine et la société civile.

Un discours dénué d'empathie

Peut-être est-ce affaire de communication ? Le discours du président français se voulant franc, est considéré comme dénué d'empathie. Son " humanisme " est relativisé par des remarques parfois blessantes sur la démographie africaine ou faisant peu de cas de la mort de soldat africain au front au Sahel. Apparemment, le style personnel du président Macron ne passe pas dans ces contrées. Le Maghreb, grande région d'intérêts pour la France, n'a pas été à l'abri des turbulences provoquées par son style "nouveau", dont personne n'est en droit de contester la légitimité. Par contre on peut questionner sa pertinence et son utilité. La notion de punition est très présente dans la démarche du président Macron.

L'Algérie "roule les mécaniques", on lui rappelle son histoire peu glorieuse et quelques vérités sur son régime politique. Le Maroc cherche à diversifier ses alliances politiques et économiques, on n'hésite pas à lui signifier leur irritation de multiples manières. La punition peut s'étendre jusqu'à la population des pays concernés : la restriction des visas. C'est à se demander si la France ressent le besoin de " réactiver son autorité " ? On peut multiplier les exemples. Dernièrement, déçu des résultats d'une visite aux Etats-Unis d'Amérique, le président Macron n'a pas attendu longtemps pour demander l'accélération de la mise en place de " l'autonomie stratégique de l'Europe ". Traduction: éloignement des Etats-Unis.

Ce qui n'a pas manqué de provoquer " l'étonnement " des responsables européens, plus que jamais convaincus de leur dépendance de l'oncle Sam. Menace russe oblige. Tout cela serait bien compréhensible, on doit faire avec les égos, si des intérêts économiques, diplomatiques et culturels n'étaient pas en jeu. Le Maroc est une économie de flux, il doit produire et vendre pour vivre, contrairement à une économie de stocks, cas de l'Algérie qui a la manne pétrolière. Aussi, il doit se positionner en constante quête de création de richesses.

La France doit prendre en considération cette contrainte du Maroc et avoir " l'intelligence stratégique " de l'accompagner dans son développement au bénéfice des deux parties. Les entreprises françaises et non des moindres l'ont bien compris en étant présentes au Maroc et non " ailleurs ". " L'opportunité africaine qu'offre le Maroc pour la France est plus que jamais d'actualité. Investir dans de nouveaux secteurs au Maroc et conquérir de nouveaux marchés africains. Alors qu'elle subit un endiguement de sa présence dans l'indo pacifique de la part des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de l'Australie, la diplomatie française serait bien inspirée de ne pas négliger l'Afrique. Cela mettrait en question voire en péril son siège de membre permanent du Conseil de sécurité. Chose que les véritables amis de la France ne souhaitent aucunement ", lit-on.

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