Guinée Bissau: L'ex-Premier ministre Aristides Gomes porte plainte pour tentative d'enlèvement

C'est un entretien exclusif accordé à RFI. Pour la première fois depuis sa tentative d'arrestation fin novembre, l'ancien-premier ministre de Guinée-Bissau Aristides Gomes, revient sur les événements pour RFI. L'ex-chef du gouvernement, qui vit actuellement dans la clandestinité, dément les accusations dont il fait l'objet et annonce qu'il a, lui aussi, porte plainte pour tentative d'enlèvement.

Limogé après l'arrivée au pouvoir du président Umaro Sissoco Embalo, Aristides Gomes avait dû quitter le pays et partir en exil, avant de revenir en Guinée-Bissau le 18 novembre pour assister notamment au congrès de son parti, le Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), à Bissau. Un retour au cours duquel il a échappé de peu à l'interpellation. L'ex-Premier ministre est accusé de détournements de fonds publics, malversations financières et transferts de fonds vers l'étranger alors qu'il était en poste, ce qu'il conteste.

Aristides Gomes s'attendait à ce que son retour soit surveillé. " J'avais déjà des informations faisant état de l'intention du pouvoir, et particulièrement du président, de me faire arrêter. Ce dernier avait déjà eu une conversation avec plusieurs personnes qui m'avaient averti ", déclare-t-il au micro de Sébastien Németh, de RFI.

Parmi les signes avant-coureurs, un vol de la compagnie TAP Air Portugal, le 17 novembre. Aristides Gomes raconte avoir été informé que " des policiers étaient passés dans les services de la TAP pour voir si [son] nom ne figurait pas dans la liste des passagers. " Après s'être désisté du voyage dans un premier temps, l'ancien chef du gouvernement s'est ravisé : " En réfléchissant, je me suis dit : je n'ai rien fait, c'est très injuste que je sois condamné à l'ostracisme de manière définitive, donc que je reste à l'étranger sans pouvoir aller dans mon pays. À un moment donné, il faut prendre des risques dans l'espoir que les choses s'éclaircissent une bonne fois pour toutes. J'ai mis les choses dans la balance et j'ai décidé d'y aller. "

Aristide Gomes raconte l'arrestation à laquelle il a échappé et annonce porter plainte pour tentative d'enlèvement

La suite est mouvementée. " J'arrive au salon du congrès, ce groupe de policiers débarquent. Tout le monde se lève. On commence à se tirailler. Mais les congressistes réussissent à me sortir de la salle. Et voilà, c'est comme ça que j'ai pu échapper. " Aristides Gomes confie ne pas regretter d'être venu au congrès de son parti : " Finalement, c'était une preuve comme quoi ce régime a un projet de persécution politique à mon égard ".

Une plainte " pour l'histoire "

" Si c'était le parquet qui voulait m'entendre sur un dossier quelconque, j'aurais dû être convoqué, pointe-t-il. Les policiers se sont présentés armés, mais déguisés. C'est pourquoi nous avons décidé de porter plainte. " Toutefois, l'ancien Premier ministre attend peu de choses de cette plainte pour tentative d'enlèvement : " On ne peut pas croire que cette justice pourrait avoir des moyens pour juger l'affaire, surtout dans une affaire où le procureur, le ministre de l'Intérieur et le président lui-même sont impliqués. Mais il fallait déposer la plainte pour que les Bissau-Guinéens sachent que la justice est une justice complètement manipulée par un pouvoir politique néo-patrimonial, qui s'approprie de tout. Je n'ai pas d'espoir. Mais, de toutes les manières, pour l'histoire, un jour, on pourra effectivement juger ".

" L'Etat de droit est par terre "

Aristide Gomes s'inquiète de l'avenir de la Guinée-Bissau

Sébastien Németh

L'ancien chef du gouvernement s'inquiète de l'avenir politique du pays, alors que le président Umaro Cissoko Embalo a dissout le Parlement en mai et souhaite une réforme constitutionnelle. " L'État de droit est par terre ", cingle Aristides Gomes. " Depuis qu'on a enterré le régime à parti unique, on n'avait pas assisté à des scènes auxquelles on est en train d'assister, c'est-à-dire des kidnappings de journalistes, des tentatives d'assassinat de personnalités politiques. Il y a une tentative de présidentialisation et d'autoritarisme progressivement dans le pays. "

Le futur de son parti le préoccupe également : " Les attaques subies par le PAIGC aujourd'hui s'inscrivent dans cette perspective de retour en arrière. Il est en danger, puisqu'il n'est pas libre de ses mouvements sur le plan politique. " L'organisation du congrès ne s'est pas faite sans difficulté, selon Aristides Gomes qui évoque" toute une série de manipulations ". " Jusqu'à présent, le PAIGC, pour tenir un meeting, c'est tout un problème. Il est complètement bloqué ", constate-t-il.

L'ex-Premier ministre place sa confiance en l'opinion publique : " Je ne pense pas qu'il y ait des difficultés en termes d'adhésion parce que les gens voient ce qui se passe. Les gens réussissent à faire la comparaison entre le dernier gouvernement du PAIGC, c'est-à-dire le mien, et avec ce qui se passe aujourd'hui. D'ailleurs, à mon avis, c'est cette perspective comparative qui dérange l'actuel président ".

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