Afrique du Nord: Les produits sensibles représentant le quart de ses importations - La Tunisie peut-elle rompre avec la dépendance économique ?

26 Décembre 2022

Sur une période de 20 ans et en couvrant des données d'importation de 197 pays, les données analysées ont permis d'identifier environ 695 produits dépendant des importations, dont 361 produits "sensibles" avec une concentration forte sur un ou deux pays d'importation.

Dans sa dernière étude intitulée "Cartographie des dépendances stratégiques de la Tunisie ", l'Institut arabe des chefs d'entreprise (Iace) a essayé d'identifier les listes de produits les plus dépendants des importations ainsi que le degré de vulnérabilité de chacun des produits importés.

Produits sensibles et autres critiques...

Selon le think tank économique, les produits importés se composent de deux types. Il y a tout d'abord les produits "sensibles", dont les sources d'importations sont concentrées sur un nombre réduit de pays. Outre les machines, les appareils électriques, mécaniques et ferroviaires, ces produits concernent, également, les intrants de l'industrie textile, mais aussi des produits de l'industrie pétrochimique, de l'agroalimentaire et du secteur du transport et de l'automobile. Pour le deuxième type, ce sont les produits "critiques". Il s'agit de produits sensibles à forte centralité qui correspondent à la dépendance de l'offre mondiale d'un produit à un nombre limité de pays fournisseurs. Pour identifier les biens "vulnérables", les importations d'environ 5.000 catégories de produits ont été analysées en prenant en compte la concentration des importations de chaque produit depuis un nombre réduit ou non de pays fournisseurs et la centralité du produit, c'est-à-dire l'existence ou non d'alternatives pour se fournir en provenance d'autres pays. Il ressort de l'étude de l'Iace que sur une période de 20 ans et en couvrant des données d'importation de 197 pays, les données analysées ont permis d'identifier environ 695 produits dépendants des importations sur environ 5.000 produits importés. L'étude a aussi identifié 361 produits sensibles, avec une concentration forte sur 1 ou 2 pays d'importation, représentant à cet effet 24,3% de la valeur totale des importations tunisiennes en 2021, et pas moins de 26 produits critiques avec un faible potentiel de diversification.

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Cinq pays vs +50% des biens importés

Pour la Tunisie, les importations sont fortement concentrées sur cinq pays (France, Allemagne, USA, Libye et Russe) qui représentent en moyenne plus de 50% des biens importés. Mais sur les 20 dernières années, le pays a connu une amélioration significative de sa dépendance aux intrants étrangers. Cette amélioration de la dépendance est le résultat d'une politique d'ouverture volontariste et d'une fragmentation du processus de production entre plusieurs pays à l'échelle mondiale. Mais malgré cette progression, la diversification de nos sources d'approvisionnement a enregistré un recul important à partir de l'année 2012. En effet, notre dépendance globale à un nombre réduit de pays a connu une évolution considérable en 20 ans avec l'émergence de deux nouveaux pays (la Chine et la Turquie à partir de l'année 2013). De ce fait, notre dépendance globale s'est déplacée de l'Europe vers les nouveaux acteurs des chaînes de valeurs globales.

Parlons chiffres

Comme c'est déjà souligné, l'analyse des vulnérabilités dans les importations tunisiennes identifie 361 produits concentrés sur environ 5.000 produits importés, soit près du quart des importations tunisiennes en 2021. Parmi les produits les plus concernés figurent en tête les machines, les appareils électriques et mécaniques (avec 20,4%), suivis des produits basés sur le fer, la fonte et l'acier (avec 12,5%). En troisième position, on trouve les produits servant essentiellement comme intrants de l'industrie textile, mais aussi des produits de l'industrie pétrochimique, de l'agroalimentaire et du secteur du transport et de l'automobile (avec 11,9%). Par ailleurs, l'analyse du potentiel de diversification des 361 produits sensibles a permis d'identifier 26 produits critiques, c'est-à-dire des produits avec un faible potentiel de diversification. Ces produits représentent 9,1% de nos importations en valeur. Les produits les plus vulnérables concernent les machines, appareils électriques et les engins, l'industrie pétrochimique, notamment le gaz naturel, le polypropylène, le secteur du transport, les huiles et graisses et le café.

Une dépendance critique...

Avec neuf familles de produits sur les 26 identifiés, la Chine apparaît comme le principal pays fournisseur source de dépendance critique pour la Tunisie, notamment pour les machines, appareils électriques et les engins. Elle est suivie de l'Italie avec 6 familles et la France (avec quatre familles) considérées comme des partenaires commerciaux historiques de la Tunisie. A la quatrième position des pays sources de vulnérabilités, arrivent la Turquie et l'Espagne avec deux familles de produits pour chaque pays. D'un point de vue sectoriel, les secteurs du textile et du cuir, de la pétrochimie et de l'industrie métallurgique sont les secteurs les plus vulnérables. Mais ces vulnérabilités touchent indirectement tous les autres secteurs en raison des fragilités liées à l'importation des machines, des appareils électriques et des engins mécaniques. De ce fait, la Chine est le principal fournisseur des produits à forte vulnérabilité.

Quelles recommandations ?

Pour conclure, l'étude estime que l'ouverture de notre économie et l'intégration dans des chaînes de valeurs fragmentées expliquent en grande partie les vulnérabilités de nos importations. Par ailleurs, une grande partie des produits concentrés présentent un potentiel de diversification important que nous devons apprendre à exploiter. Pour les produits critiques peu diversifiables, Abdelkader Boudrigua, professeur à l'Institut des hautes études commerciales (Ihec) de Carthage et l'un des auteurs de cette étude, recommande la mise en place de stratégies d'atténuation des risques de dépendance afin d'éviter des ruptures des chaînes d'approvisionnement ou in fine une perte de notre souveraineté.

Aussi, pour lutter contre cette dépendance et ses risques sur la souveraineté, l'expert a préconisé la diversification des sources d'approvisionnement et d'importation de manière à éviter de se concentrer sur un nombre limité des pays en vue de garantir l'efficacité économique et réduire le coût. Il a, également, proposé d'accentuer la réflexion sur les industries et les technologies alternatives et de miser sur les énergies alternatives. A cet égard, Boudrigua a recommandé d'utiliser les indicateurs contenus dans cette étude en vue de prévoir des scénarios économiques capables de prendre en considération le danger provenant de la dépendance économique, laquelle est estimée importante (puisqu'elle est estimée à 10%) par rapport à celle des pays de l'Europe (où elle ne dépasse pas le 1%).

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