Tunisie: Soldes - Tout est à revoir

26 Décembre 2022

La période des soldes a été officiellement annoncée. Voilà un dossier qui pourrait relancer tout un pan de notre activité commerciale, où petits et moyens producteurs devraient avoir les mêmes chances.

Les quatre semaines comprises entre le mercredi 11 janvier et le mardi 7 février 2023 permettront-elles de relancer l'activité commerciale et de redorer le blason des soldes, fortement boudés par le grand public ? Comment s'y est-on préparé ? Y aura-t-il des consignes pour aller au-devant de la clientèle à l'effet de regagner sa confiance ?

Déjà en 2021, le bilan des soldes a été jugé négatif. Le président de la Chambre syndicale l'a qualifié de "catastrophique". Depuis un demi-siècle qu'il exerce sa profession dans le domaine du prêt-à-porter, "il n'a jamais enregistré un tel déclin", a-t-il déclaré. "Les conditions sanitaires et le pouvoir d'achat y sont pour quelque chose", a-t-il conclu. Bien entendu, le Covid-19 avait bon dos, le pouvoir d'achat assurément, mais il y a certainement autre chose. D'ailleurs, presque tous les secteurs se plaignent des conséquences de cette pandémie. A tort ou à raison, on fait endosser tous les malheurs de la terre à cette épidémie à laquelle est venue se joindre la guerre russo-ukrainienne.

De toute façon, la situation n'était pas bien reluisante avec la sécheresse qui a touché le secteur agricole et qui a, par voie de conséquence, accentué la pression sur les marchés des produits de consommation quotidienne, tels que les fruits et légumes. Et c'est ce qui, en fait, est désolant. Et nous expliquerons pourquoi. Les magasins, bon nombre d'entre eux du moins, n'ont pas encore décollé les autocollants annonçant les soldes et les remises accordées. Négligence ou attrape-nigaud, c'est égal pour le consommateur qui passe sans accorder beaucoup d'attention. Juste le temps de lécher la vitrine d'un œil distrait et il détourne le regard pour s'occuper d'autre chose. Les pavés disjoints des trottoirs, par exemple, constituent un véritable danger. La voiture des services municipaux, en plein centre de Tunis, qui immobilise les véhicules pour stationnement interdit, d'après ce qui semble un choix incompréhensible. On se demande pourquoi, on n'immobilise pas tous ceux qui sont dans la file et qu'on papillonne en autorisant les uns aux dépens des autres. Passons.

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De la blague

Au moment où nous entrons dans un magasin pour poser la question, un client s'introduit pour s'assurer du prix d'un des articles. Il entend notre question et... répond à la place d'un des vendeurs : "Non, non, non, c'est de la blague ces soldes. J'ai couru à droite et à gauche pour équiper mes enfants, mais il n'y avait rien d'alléchant. Les prix sont trop élevés et pour être franc, je me suis rabattu sur la fripe. Il y avait beaucoup plus de choix. Les prix n'ont rien de comparable".

Le chef des vendeurs (il portait un jean acheté sans aucun doute possible à la fripe) a essayé de placer un mot pour expliquer et donner son point de vue. Il n'a pu le faire. Le client soutenait mordicus que les prix étaient restés les mêmes et, qu'en fait, il n'y avait pas de remise conséquente, de remise motivante pour inciter à l'achat. "Je vous assure que nous avons joué le jeu, mais ce n'est peut- être pas assez pour motiver la clientèle. De toute façon, cette mévente agira sur notre trésorerie. Il nous sera difficile de rénover nos collections et surtout de payer nos dettes". C'est à vérifier, mais ne serait-ce que pour avoir le cœur net, il fallait faire d'autres magasins et comparer les prix affichés. Cela a été fait par la personne qui nous avait contactés pour nous dire que "les soldes c'est de la blague". "Nous avons relevé quelques jours avant le début des soldes, les prix et nous les avons comparés avec ceux que l'on a affichés. Les différences sont minimes et il n'y a rien de bien attrayant". Déjà, en dépit des remises allant jusqu'à 70%, la tendance des affaires était vers la baisse. Même avant l'arrivée de la pandémie. Dans un des magasins de banlieue, le patron des lieux semble convaincu que les ventes en ligne sont en train de faire beaucoup de mal : ils n'ont pas nos charges, importent leurs marchandises grâce à des navettes bien organisées des produits fabriqués dans des pays concurrents, qu'ils vendent parfois plus chers mais qui bénéficient de l'aura étrangère. Malheureusement c'est ainsi".

Pas confiance

Etait-ce une question de confiance ? C'est fort probable, car les bilans peu reluisants ont abouti à une sorte de rupture du charme. L'acheteur potentiel est convaincu que les commerçants gonflent les prix et, en fait, en effectuant la remise, ils vendent au prix réel. Ce n'est pas à nous de vérifier. Ces tendances baissières expliquent beaucoup de choses. Le prêt-à-porter tunisien ne se porte pas bien. La poussée des marchandises importées, ces dix dernières années, a sacrément agi pour mettre à l'écart la production locale. Bon nombre d'unités de production dans différents secteurs, ont mis la clef sous le paillasson. Maintenant que l'on a pris des dispositions pour "protéger" le produit tunisien, va-t-on assister à une reprise des affaires ? C'est trop tôt pour le dire, mais c'est aux producteurs de répondre sur le terrain. Il n'en demeure pas moins qu'une partie du monde des affaires grogne contre ces dispositions.

Eviter les conclusions hâtives

Reste à savoir comment mettre tout le monde d'accord. Le seul fait de barrer la route à tous les produits fabriqués localement et de freiner ce flux envahissant, serait une avancée intéressante. Pour le reste, il y a assurément un moyen d'éviter les entraves à la bonne marche de ceux qui font honnêtement leur travail. Il faut discuter et prendre les bonnes décisions et éviter les menaces, les sautes d'humeur et les conclusions hâtives. Il serait judicieux qu'ils saisissent la perche qu'on leur tend pour réoccuper le marché, le reprendre en main par des opérations marketing bien étudiées et reconquérir la confiance. Un des membres d'une chambre syndicale nous livre le fond de sa pensée. Elle semble logique : "Je pense que nos producteurs finiront par comprendre qu'il vaut mieux gagner ce qu'ils veulent en vendant dix pièces qu'en espérant tout gagner sur une. Des pays plus avancés que nous l'ont compris".

Réoccuper le terrain

Les producteurs ne seront pas perdants, leurs machines tourneront à plein régime, les prix deviendront abordables et les consommateurs, surtout dans les conditions actuelles que vit le pays, pourront s'accrocher. Dans l'état actuel des choses, du moins avant que l'on prenne les dispositions concernant les importations, la concurrence étrangère a complètement étouffé nos unités de production. Nombre d'entre elles, comme souligné plus haut, ont fermé et le personnel réduit au chômage. Pourtant les produits tunisiens sont demandés. Ils sont bien finis, à la mode et sont parfaitement comparables à ce qu'on produit ailleurs. Pour l'histoire, nombre d'équipes étrangères de ce Mondial de football 2022 sont habillées par des marques qui ont fait couper leur tenue de parade en Tunisie. C'est dire que nous sommes capables de tout et que nos artisans, nos techniciens et, bien entendu, nos ouvriers et ouvrières sont qualifiés. Reste à se repositionner sur le terrain en réduisant les frais par une meilleure rentabilité, une étude beaucoup plus approfondie des marges et des bénéfices, et, bien entendu et surtout, en regagnant la confiance des consommateurs. En prenant en compte ces éléments-clés et en tirant profit des nouvelles conditions que vit le pays d'une manière générale, on peut espérer une possible relance.

Il y a forcément un problème

Ces échecs à répétition de "campagnes" en conclusion, ne sauraient être le fait de la seule pandémie ou de la baisse du pouvoir d'achat. Il y a forcément un problème beaucoup plus profond, des difficultés qui bloquent quelque part. Il y a assurément des choses à revoir, à changer même si l'on est dans l'obligation de bousculer l'ordre établi, parfois par les seuls pontes du secteur. Voilà un dossier qui pourrait relancer tout un pan de notre activité commerciale et industrielle où petits, moyens et gros producteurs devraient avoir les mêmes chances. A la condition de le prendre courageusement à bras le corps, en évitant de le traiter d'une manière superficielle, mais de façon prospective, rationnelle et réaliste.

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