" L'argent, dit-on, est le nerf de la guerre ". Et il en faut beaucoup, environ 100 milliards de F CFA au capitaine Ibrahim Traoré, pour mettre en œuvre le plan de reconquête du territoire national. Parmi les mesures pour mobiliser cette cagnotte, le gouvernement, lors de sa rencontre avec l'Union d'action syndicale (UAS), tenue le 9 décembre 2022, propose un prélèvement de 1% sur les salaires nets des travailleurs du public et du privé.
Les leaders syndicaux avaient alors demandé à se référer à leur base avant toute décision. C'est désormais chose faite et la réponse est sans ambage : " l'UAS ne peut donner son aval pour la collecte de fonds pour une armée dont la gestion opaque des ressources, est décriée ".
C'est ce que l'on pourrait retenir de la conférence de presse sur la situation nationale, organisée par les responsables de la faîtière des organisations syndicales, le 22 décembre dernier à Ouagadougou. En plus de " la gestion opaque des ressources " allouées à la Grande muette, les partenaires sociaux du gouvernement burkinabè estiment que la vie chère consécutive à l'insécurité et à la conjoncture internationale marquée par la guerre en Ukraine, frappe déjà assez durement les populations. Ils proposent donc que l'Etat réclame son dû à ses grands créanciers, notamment les grandes entreprises, les anciennes personnalités des gouvernements précédents impliquées dans les vols et détournements et qu'il recouvre les revenus fonciers de même que les ressources que les sociétés minières doivent au gouvernement. A priori, les arguments des organisations des travailleurs tiennent la route car ils sont, dans le fond, presqu'indiscutables.
On peut se demander si l'UAS ne se tire pas une balle dans le pied
Les appréhensions des travailleurs sont d'autant plus fondées qu'il existe des précédents du genre, jamais vidés avec l'Etat. A titre illustratif, le 12ème mois des bourses des étudiants a été prélevé en 1974 pour soutenir l'effort de guerre dans le conflit entre la Haute-Volta et le Mali, mais il n'a plus jamais été rétabli. La probabilité que les concessions conjoncturelles soient définitives sont d'autant plus réelles que les engagements d'aujourd'hui peuvent ne plus être valables pour les gouvernements à venir.
Par ailleurs, l'on peut comprendre cette réticence des travailleurs à concéder une partie de leurs salaires, aussi infime soit-elle, du fait que les autres propositions faites par le gouvernement ne les exemptent pas. Ils pourraient donc se retrouver à payer plus du triple que les autres acteurs nationaux. Cela dit, l'on peut se demander si les raisons avancées par l'UAS pour rejeter la proposition de prélèvement de 1% des salaires des travailleurs, tiennent compte de l'urgence de la situation nationale où le pronostic vital de l'Etat est engagé.
En effet, les propositions faites par les syndicats nécessitent du temps car certaines sont conditionnées par des réformes structurelles à mener. D'autres encore doivent passer par des procédures judiciaires que l'on connait pour leur complexité et leur lenteur. Il faut donc craindre que l'aboutissement de ces réformes et procédures judiciaires, ne sonne finalement comme le médecin après la mort. Ceci étant, l'on peut se demander si l'UAS ne se tire pas une balle dans le pied.
En effet, en rejetant la proposition de contribution à l'effort de guerre, les leaders syndicaux peuvent doucher l'ardeur de l'Exécutif qui avait montré pourtant de bonnes dispositions à vider les contentieux avec les travailleurs pour tendre vers l'apaisement du climat social et l'unité nationale nécessaire pour remporter la guerre. Pour illustrer cette bonne volonté du gouvernement, l'on peut citer la mesure de restitution des coupures illégales des salaires des travailleurs pour fait de grève.
Le gouvernement pourrait ne plus, de ce fait, prêter une oreille attentive aux doléances des travailleurs avec des risques évidents de dégradation du climat social. Et il ne faut pas non plus exclure une escalade des violences verbales et physiques entre syndicalistes et certains soutiens du capitaine Ibrahim Traoré. Mais espérons que de toutes ces contradictions, sorte une synergie positive qui permette à la Nation d'avancer dans la reconquête de sa souveraineté.