Tunisie: Chômage, pauvreté, violence, suicide - Kairouan espère des jours meilleurs.. !

27 Décembre 2022

Les indicateurs globaux de développement placent à la 22e position le gouvernorat de Kairouan, où on enregistre des taux élevés de plusieurs phénomènes inquiétants, à savoir le suicide, l'abandon scolaire, la pauvreté, la dépression, la délinquance, le divorce et le chômage!

Dans cette région longtemps marginalisée, où le taux de pauvreté est de 34%, le nombre de sit-in et de mouvements de protestation ne fait qu'augmenter. Par ailleurs, dans le gouvernorat de Kairouan, le taux général de desserte en eau potable en milieu rural est de 86%, puisque sur un total de 381.000 habitants, 327.000 sont raccordés au réseau, soit 35% à partir de la Sonede et 51% à partir des groupements hydrauliques. Toutefois, 60.000 ruraux n'ont pas accès à cette denrée précieuse et se retrouvent obligés de recourir au marché illégal de l'eau, avec un mode de stockage inapproprié, notamment lors de son transport. D'ailleurs, beaucoup de villageois rencontrent des problèmes dus au paiement des factures, d'où les fréquentes coupures d'eau, puisqu'il suffit qu'un seul associé ne règle pas sa quote-part dans les frais de consommation pour que les vannes soient fermées.

Ce tableau peu reluisant explique l'augmentation du nombre élevé de sit-in et de grèves générales. Les protestataires veulent comprendre, en effet, pourquoi 80% des projets programmés lors des CMR en 2015 et 2017 n'ont pas été concrétisés. En outre, ils dénoncent la politique d'atermoiement des différents responsables qui font la sourde oreille. Notons, ici, que tous les projets bloqués concernent des secteurs du tourisme, de l'agriculture, de l'équipement, de la santé, de l'industrie, de l'enseignement, de la culture, de l'infrastructure de base, de l'emploi, de la formation professionnelle et bien d'autres.

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Une jeunesse désœuvrée

Il va sans dire que ce climat anxiogène a provoqué une explosion sociale incontrôlable surtout parmi la classe juvénile qui ne supporte plus d'être exclue et marginalisée. Ainsi, on est presque dépassés par l'ampleur du fléau de l'immigration clandestine et du suicide qui touche surtout des jeunes laissés pour compte et brisés sur le plan psychique. 40% de la population du gouvernorat de Kairouan ont moins de 35 ans et ne vivent pas sous un ciel serein. Surtout qu'il y a souvent une rupture entre la jeunesse affiliée à différentes associations et celle qui ne l'est pas. D'ailleurs, en cette période de vacances scolaires, les jeunes écoliers, collégiens et lycéens passent leur temps libre dans un état semi-comateux, faute d'activités culturelles et d'espaces de loisirs équipés. Mis à part les publinets, les salons de thé enfumés et les terrains vagues et poussiéreux érigés en terrain de foot, les jeunes ne trouvent pas de lieux pour s'épanouir, se distraire, décompresser et s'adonner à leurs hobbies préférés. De fait, il existe dans tout le gouvernorat 16 maisons de jeunes presque désertiques, sans équipements, ni animateurs et programmes intéressants. En outre, il n'y a que quatre clubs ruraux qui doivent attendre les rares visites pour pouvoir organiser quelques manifestations culturelles. Bref, dans la plupart des villages, c'est le dysfonctionnement d'une jeunesse marquée par le chômage, l'ennui et les difficultés de la vie.

Ali et Néji, deux jeunes diplômés au chômage et que nous avons rencontrés assis sous un olivier au village de Jhina (délégation de Bouhajla), en train de jouer aux cartes , nous confient leur pessimisme quant à l'avenir de la jeunesse : "Dans notre pays, l'ambiance générale est devenue morose et déprimante à cause d'une économie en berne, du corporatisme, de la mentalité tribale, de la hausse vertigineuse des prix des produits de consommation, du taux élevé de la violence sportive, familiale, électronique et administrative. De plus, les décideurs politiques au sein des différents partis et associations ont tourné le dos aux jeunes, vaquent à leurs futures échéances électorales et se chamaillent sur les plateaux télé ". Et de poursuivre, sur un ton brisé, " nous vivons dans un environnement hostile et une conjoncture difficile en matière d'études et d'emploi, et ce, à cause de beaucoup de passe-droits et d'absence de transparence dans le traitement des dossiers de recrutement. C'est pourquoi nous rêvons de quitter le pays... ".

Même les seniors manquent de loisirs

Bien que les soins médicaux et les pensions de retraite protègent les seniors contre les risques de l'exclusion, certains vivent très mal cette période de leur vie et succombent à l'ennui et au désespoir, dans un gouvernorat comme celui de Kairouan où les lieux de détente sont presque inexistants. Madame Souad H., 65 ans, dont le mari est décédé et les enfants sont mariés et installés à l'étranger, nous confie : "Maintenant, je sens que j'ai l'âge, ma vieillesse m'attend, aucun moyen de lui échapper. Déjà, je l'entrevois au fond du miroir et il n'y a aucun moyen d'arrêter ma décrépitude. Trop tard pour les regrets, je n'ai qu'à continuer à survivre dans l'ennui et la solitude. Plus rien ne compte pour moi, tout est égal à rien. Et il faut bien chercher un moyen pour tuer le temps mais le temps aussi me tuera. Des moments, je deviens froide et molle comme un vieux cadavre et il me semble que je n'ai plus d'avenir, que je n'ai rien en tête... ".

Quant à Belgacem Z., 76 ans, il regrette le fait que les seniors n'aient pas beaucoup de lieux de rencontre et de détente à Kairouan pour s'épanouir à part les cafés enfumés et pollués. "Et puis comme mes moyens financiers sont très limités, je ne peux plus ni voyager ne faire du shopping. En outre, mes problèmes de santé m'empêchent de faire du sport. Au fil des années, je deviens un vieux pantouflard négligé. En outre, il m'arrive de ressentir de la détresse et de la déprime car mes enfants, tous mariés, ne veulent plus de moi chez eux, car ils me trouvent ringard et affaibli par la maladie. En fait, la retraite me parait comme un monstre, surtout que la nature a horreur du vide... ".

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