En 2022, selon les Nations unies [1], plus de 22 millions de personnes ont eu besoin d'une aide humanitaire. Beaucoup ont enduré les conséquences tragiques du conflit, notamment les communautés vivant dans les régions d'Afar, d'Amhara, du Tigré et des Nations du Sud. Conjointement, les catastrophes naturelles ont poussé les mécanismes d'adaptation des populations à leurs limites. Les communautés vivant dans l'immense territoire de la région Somali ont connu ce qui est considéré comme la pire sécheresse depuis quarante ans, et lorsque les inondations ont frappé la région de Gambella, plus de 180 000 personnes ont dû quitter leurs foyers tandis que les structures de santé ont été fortement endommagées.
Dans toutes ces régions d'Éthiopie, Médecins Sans Frontières (MSF) répond aux urgences médicales et humanitaires qui ont été marquées ces derniers mois par la malnutrition, le choléra et les violences engendrées par le conflit armé, opposant pendant deux ans (de novembre 2020 à novembre 2022) les troupes fédérales au Front de libération du peuple du Tigré.
Zone de Sitti, région Somali : cliniques mobiles nutritionnelles
Pendant trois mois, entre juillet et septembre, MSF a répondu à une terrible urgence dans la zone de Sitti située dans la région somalienne de l'Éthiopie qui subit non seulement des cycles répétés de sécheresse et d'inondations mettant à mal ses ressources mais qui souffre aussi du conflit armé et des déplacements de populations.
" Nous devions trouver un moyen de répondre aux énormes besoins des communautés dispersées sur un vaste territoire. D'où le déploiement dans plusieurs zones de cliniques mobiles de stabilisation nutritionnelle, explique Anna, coordinatrice de projet de MSF. Cela nous a permis de procéder à des dépistages et d'apporter une première réponse à la malnutrition avec des aliments thérapeutiques. Le projet était d'abord destiné aux enfants. Mais les adultes souffrant de malnutrition sévère ont également reçu des soins médicaux et ceux qui présentaient des complications ont été transportés dans le centre d'alimentation thérapeutique à Asbuli."
Zone de Liben, région Somali : réponse au choléra
Alors que le pic de malnutrition est passé en novembre, une épidémie de choléra a commencé à sévir. Les équipes médicales de MSF ont alors dispensé au personnel local des formations sur la gestion des cas de choléra tandis que les experts en logistique, eau et assainissement de MSF ont géré l'accès à l'eau potable et à l'hygiène.
Après cinq jours de déplacement, les équipes MSF ont atteint Kersa Dula dans la zone du Liben. " Une fois sur place, le personnel s'est empressé de mettre en place une unité de traitement du choléra avec des latrines et des douches. Le nombre de personnes touchées ayant augmenté dans la zone de Liben, l'équipe a également construit une unité de stabilisation à Baliat ", détaille Najah, responsable eau et assainissement.
Le camp d'Adeley où vivent environ 75 000 personnes a été le camp de déplacés le plus touché par cette épidémie. " MSF y a installé des centres de traitement, des points de lavage des mains, douze latrines et une station de traitement de l'eau pour garantir l'accès à une eau potable. Des points de réhydratation ont également été mis en place ", explique Najah.
Le choléra et la rougeole ayant déjà été signalés dans ce camp, le risque d'épidémies additionnelles était considéré comme élevé. MSF a dès lors travaillé avec le Bureau régional de la santé pour former le personnel de santé local à la gestion des cas ainsi qu'à la prévention et au contrôle des infections.
Région d'Amhara : communautés touchées par le conflit
Dans les zones rurales du nord d'Amhara, les populations locales ont été touchées par le conflit armé survenu dans la région voisine du Tigré. Elles ont perdu leurs biens et leurs économies et parviennent difficilement à accéder aux services de base tels que les soins de santé. Les mois de conflit dans la région ont épuisé les mécanismes d'adaptation des communautés.
" Nous constatons des besoins très importants ici. La plupart de nos patients sont touchés par la dépression. Certains ont perdu des proches ou leur maison a été détruite, d'autres n'ont plus de moyens de subsistance, explique Demeke, superviseur des services psychosociaux. Un certain nombre de patients que nous voyons sont des survivants ou ont été témoins d'événements traumatisants et souffrent maintenant de troubles de stress post-traumatique. "
Parmi les services de santé essentiels que les équipes mobiles de MSF proposent, la santé des femmes et le soutien psychosocial ont une place prépondérante. " Nos équipes médicales ont traité des survivantes de violences sexuelles et sexistes, en leur apportant des soins médicaux et une aide psychosociale, explique Noortje, l'un des médecins de MSF travaillant au sein de l'équipe de clinique mobile dans la région. La violence sexuelle est très stigmatisée. Pour chaque personne qui cherche à se faire soigner, beaucoup d'autres ne le feront pas. Les histoires que nous entendons sont assez similaires. Par exemple, lorsque une femme de 45 ans victime d'agression sexuelle est venue pour la première fois à la clinique il y a un mois, elle ressentait des douleurs inexpliquées à l'abdomen. Les infections sexuellement transmissibles comme le VIH font peur. Prendre le temps d'expliquer les risques et les effets de la prophylaxie post-exposition fait une énorme différence. Après avoir reçu les premiers soins médicaux, je pouvais voir que cette patiente se sentait déjà soulagée et rassurée. "
Camp de Kulé dans la région de Gambella
Dans le camp de Kulé, les équipes de MSF offrent des services de soins de santé primaire et secondaire tant aux 50 000 réfugiés sud-soudanais qui y vivent qu'aux communautés locales éthiopiennes.
" Beaucoup de personnes travaillent dans cette région pour différentes organisations d'aide, ainsi que pour l'organisation éthiopienne pour les réfugiés, explique Hailemariam, médecin travaillant aux urgences du centre de santé de Kule. Nos patients viennent aussi d'autres camps de réfugiés. Cela peut leur prendre jusqu'à quatre heures de route pour arriver jusqu'ici. Nous soignons surtout des enfants de moins de cinq ans et des femmes enceintes. "
Abdurafi, région d'Amhara : morsures de serpent
L'envenimation par morsure de serpent et la leishmaniose viscérale, deuxième maladie parasitaire la plus meurtrière au monde, sont endémiques en Éthiopie et font partie des maladies les plus négligées au monde. Elles continuent d'être un important vecteur de mortalité dans la région d'Amhara.
" Alors que nous venions de rouvrir notre clinique à Abdurafi, nous avons reçu de l'hôpital de Metema un garçon de 12 ans dans un état proche de la mort. Il avait été mordu par un serpent au pied droit dans son village à 100 kilomètres de Metema, raconte Kassaye, responsable de l'activité médicale de MSF à Abdurafi. Ses frères ne pensaient pas qu'il allait se rétablir. Il vomissait du sang, son pouls était à peine perceptible, il était en choc hémorragique et semi-conscient. Nous l'avons placé sous deux perfusions, l'une avec de l'anti-venin, l'autre avec des liquides de réhydratation. Une heure plus tard, il vomissait toujours. Alors nous lui avons fait une transfusion sanguine et lui avons donné plus d'anti-venin. Deux heures plus tard, sa tension artérielle s'était rétablie, mais il saignait toujours, alors nous lui avons donné une autre dose d'anti-venin. Nous avons tout essayé. Nous avons utilisé 12 flacons d'anti-venin pour traiter l'enfant. C'est vraiment incroyable que le garçon se soit rétabli. "
MSF travaille en Éthiopie depuis 37 ans, fournissant une assistance médicale à des millions de personnes touchées par des conflits, des épidémies, des catastrophes ou ayant un accès limité aux soins, en collaboration avec les autorités éthiopiennes.
[1] Rapport du Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies
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