Sénégal: [RETRO 2022 ] Macroéconomie - Une relance freinée par la guerre en Ukraine

27 Décembre 2022

Au plan économique, l'année 2022 est indéniablement marquée par les tensions inflationnistes nées de la guerre en Ukraine. Face à cette situation qui affecte le pouvoir d'achat des ménages, le Gouvernement a réagi par la baisse des prix de certains produits et services de consommation courante à l'issue d'une concertation nationale et en poursuivant sa politique de subvention. Tirant les enseignements de la Covid-19 et des tensions géopolitiques actuelles, le Gouvernement met le cap sur la souveraineté alimentaire.

L'année qui se termine est celle de la confirmation du retour de la croissance. Après une accélération en 2021 (6,1 %) grâce à la reprise de la consommation privée et de l'investissement après la sortie de la pandémie, on a noté un ralentissement suite à la guerre en Ukraine, principale cause de la hausse des prix, serpent de mer qui a rythmé la vie économique au cours des douze derniers mois. C'est l'année aussi où le Gouvernement inscrit dans son projet de budget pour 2023 les premières retombées de l'exploitation du gaz offshore sénégalais. Globalement, les moteurs de la croissance ont été affectés par le contexte inflationniste en 2022, ce qui a conduit à une croissance estimée à 4,8 %, selon la Banque mondiale. La politique budgétaire est restée " expansionniste " afin de poursuivre et étendre les mesures de soutien aux ménages et à l'économie, comme l'a rappelé le Ministre des Finances et du Budget lors du vote de la loi de finances 2023 par l'Assemblée nationale. L'Etat a maintenu sa politique de subventions pour assurer la stabilité des prix. D'après le Fmi, les subventions à l'énergie devraient atteindre 750 milliards en 2022, soit 4,4 % du Pib. Les mois précédents, l'économie sénégalaise avait bénéficié des effets positifs du plan de riposte initié par le Gouvernement avec l'ajustement du Plan d'actions prioritaires ajusté et accéléré (Pap2A) du Pse en vue d'atténuer les effets négatifs de la crise et de relancer les activités socioéconomiques.

Le monde est donc sorti de la pandémie pour subir aussitôt les conséquences de la guerre en Ukraine. Le prix des engrais a doublé et ceux du pétrole et des denrées alimentaires ont augmenté car les deux belligérants sont les principaux exportateurs de céréales, de pétrole et de gaz pour la Russie. Autre conséquence vécue de ce conflit en Europe de l'Est : le cours du dollar a flambé et le prix du fret est passé du simple au double. L'endettement public, notamment externe, s'est significativement accru et les pressions extérieures ont persisté avec des importations en hausse.

Le dollar règne en maître

Coup de tonnerre dans le monde de la finance ! Pour la première fois en vingt ans, le dollar a repris cette année de la valeur devant l'euro. Au 1er août 2022, une unité de la monnaie européenne s'échangeait à 1,027 dollar, soit 639 FCfa. L'euro s'est même échangé en dessous d'un dollar, le 13 juillet 2022. Depuis cette date, le billet vert continue d'être la devise la plus attractive. Conséquence, le franc Cfa s'est logiquement déprécié face à la monnaie américaine (9,18% en juillet), le billet vert s'échangeant contre 628,5 FCfa, son niveau le plus élevé depuis juillet 2017. Cette dépréciation est surtout en lien avec l'euro à laquelle le franc Cfa est rattaché par une parité fixe. Pour tenter de juguler l'inflation (projetée à 7,5% à fin 2022), la Bceao poursuit la " normalisation " de sa politique monétaire avec le relèvement progressif de son principal taux directeur (qui est passé de 2,5% à 2,75% depuis le 16 décembre).

HAUSSE DES PRIX

L'Etat tente de soulager les ménages

Pour le consommateur sénégalais, l'année 2022 rime avec hausse des prix des denrées de première nécessité. Devant cette situation, qui n'a épargné aucun pays, l'Etat a pris un certain nombre de mesures pour soulager les ménages. Après une première baisse des prix en février, le Président Macky Sall a initié, en septembre, une concertation nationale à l'issue de laquelle il a annoncé une nouvelle baisse concernant certains produits et services de consommation courante. Avec, cette fois, une volonté de contrôler l'application de la mesure. Pour refléter cette préoccupation, le Ministère du Commerce et des Pme, désormais dirigé par Abdou Karim Fofana, s'est vu confier une nouvelle mission : la consommation. Concernant le loyer, une loi est en gestation pour une meilleure protection des consommateurs.

INFRASTRUCTURES

La deuxième phase du Ter lancée

Lancé officiellement le 27 décembre 2021, le Train express régional (Ter) a fait le bonheur de plusieurs usagers. À fin octobre 2022, selon les chiffres révélés par le Ministre des Transports de passage à l'Assemblée nationale pour le vote de son budget, les recettes du train s'élèvent à 9,6 milliards de FCfa, soit près d'un milliard par mois. Par jour, avait ajouté Mansour Faye, le Ter transporte environ 60.000 personnes. Décidé à améliorer le secteur, le Président de la République Macky Sall, malgré les nombreuses critiques sur le coût du projet, a lancé la phase II de 19 kilomètres, soit sur le tronçon Diamniadio - Aéroport international Blaise Diagne de Diass. Il faut aussi noter l'inauguration de l'autopont de Keur Massar à Dakar et les ponts de Foundiougne et de Marssassoum. Oumar FÉDIOR

SECTEUR PRIMAIRE

Cap sur la souveraineté alimentaire

La crise entre la Russie et l'Ukraine et les séquelles de la pandémie de Covid-19 ont fini de montrer l'urgence pour les pays de se battre pour être autosuffisants sur le plan alimentaire. Et le Sénégal l'a compris. Malgré les performances encourageantes de l'agriculture sénégalaise et le dynamisme de certaines filières (notamment l'horticulture), le défi reste immense. En effet, confrontée à une sécheresse, l'Inde a décidé " de restreindre ses exportations ". Une équation de plus pour le Sénégal qui, sur la campagne 2021-2022, a importé d'Inde un million de tonnes de riz. Comme pour ne plus vivre cette situation, notre pays a fait le pari de la souveraineté alimentaire. C'est d'ailleurs la nouvelle déclinaison du Ministère de l'Agriculture. Qui, en plus de changer de patron, change de nom. Aly Ngouille est nommé Ministre de l'Agriculture, de l'Equipement rural et de la Souveraineté alimentaire.

Pour le Président de la République, il s'agit d'asseoir l'extension des surfaces cultivées, l'amplification des productions agricoles et horticoles au regard du volume des importations et des modes de consommation. Ainsi, le Gouvernement a entrepris l'élaboration d'une nouvelle feuille de route : la Politique agricole pour la souveraineté agricole durable (Pasad). Ce document qui est la déclinaison agricole du Pap2A estime à 1 021 milliards de FCfa les besoins de financement sur quatre ans (2021-2025) pour atteindre l'autosuffisance.

Grève des agents du secteur

L'autre fait marquant concernant le secteur primaire, c'est la grève des agents qui a eu un impact non négligeable sur certains programmes des ministères concernés (agriculture, pêche et élevage).

Le lancement des travaux du futur port en eaux profondes de Ndayane, à environ 70 kilomètres au sud de Dakar, le 03 janvier, est l'un des faits marquants de l'année 2022 dans le secteur de la pêche et de l'économie maritime. Mis en œuvre par l'opérateur émirati Dubaï Port World, pour un coût estimé à plus de 840 millions de dollars, ce projet est considéré comme le " plus important investissement privé au Sénégal " et qui doit devenir " le plus grand port de l'Afrique de l'Ouest " pour accueillir " les plus gros navires de l'espace maritime ".

Et la pêche, premier poste d'exportation, devra être renforcée en capacité d'accueil et de traitement des produits halieutiques pour créer une valeur ajoutée plus conséquente. Dans ce sens, le Sénégal a décidé de travailler en bonne intelligence avec ses voisins (Mauritanie, Gambie, Guinée-Bissau et Mauritanie), par le renforcement de la coopération (renouvellement des licences et signature de plusieurs conventions). Il mise aussi sur l'aquaculture par l'élaboration d'un plan stratégique de développement pour la période 2022-2026. Le Gouvernement veut faire de l'aquaculture une véritable alternative à la pêche, capable de fournir des produits halieutiques en quantité et de créer des milliers d'emplois pour les jeunes et les femmes.

Dans le secteur de l'élevage, il y a eu plus de peur que de mal concernant l'approvisionnement du pays en moutons de Tabaski. L'embargo sur le Mali n'ayant pas finalement eu d'impact sur l'approvisionnement du marché.

EMBARGO SUR LE MALI

Après la crise le Port de Dakar entrevoit la lumière

Le Port autonome de Dakar est quasiment passé par tous les états en 2022. Avec la décision de la Cedeao de mettre le Mali sous embargo, le Sénégal a payé un lourd tribut. En effet, le port de Dakar qui vit, à plus de 50 %, des produits qui doivent aller vers le Mali a été sérieusement impacté. D'après une note du Conseil national du patronat, en termes d'investissement direct étranger (Ide) au Mali, les privés sénégalais sont les 3èmes investisseurs avec plus de 50 milliards de FCfa par an, après l'Australie et le Canada. Au regard également des chaînes d'exportations vers le Mali, le Sénégal est de loin le 1er pays exportateur avec plus de 493 milliards de FCfa.

Après cette traversée du désert, le Port, confié désormais à Mountaga Sy, entrevoit la lumière. Un vaste programme de désengorgement entamé par la nouvelle équipe a soulagé l'activité en réduisant considérablement les délais d'attente. O. FÉDIOR

MINES

Le Sénégal riche de son gaz et de son or

Selon les critères du Fonds monétaire international, le Sénégal peut donc être considéré comme un pays riche en ressources naturelles car le secteur extractif représente la plus grande part de ses exportations, compte non tenu du gaz offshore du gisement Grand Tortue Ahmeyim. L'or est resté en 2022 le principal produit d'exportation. Le Sénégal exporte aussi du zircon et de l'ilménite. La particularité du secteur fait que la publication de ses résultats est décalée d'un an, de sorte que c'est en décembre de cette année que les principaux résultats issus de l'industrie extractive ont été publiés. Le total des revenus générés par le secteur extractif pour l'année 2021 s'élève à 223,15 milliards de FCfa, dont 206,04 milliards affectés au budget de l'Etat, selon le rapport 2021 de l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie). Les revenus du secteur minier sont en hausse de 40,16 milliards de FCfa, passant de 162,85 milliards en 2020 à 203,01 milliards en 2021. Cette hausse est expliquée principalement par l'augmentation des productions d'or, la hausse des prix du zircon et des phosphates entre 2020 et 2021, la hausse des redevances minières payées par les mines d'or passant de 17,847 milliards de FCfa en 2020 à 25 milliards en 2021. Cette même année, le secteur extractif a contribué à hauteur de 4,98% du Pib et à 38% des exportations. Au mois d'août, lors d'un Conseil des ministres, le Président de la République a demandé au Gouvernement d'accélérer la finalisation des études relatives à la création d'un comptoir national de commercialisation de l'or en concertation avec les bijoutiers.

Alors que la première phase du projet gazier Grand-Tortue Ahmeyim (Gta) est achevée à 80 %, le Sénégal anticipe d'ores et déjà l'étape suivante. Dans la phase II, il est prévu la production de 5 millions de tonnes de gaz en 2027, avec l'objectif d'atteindre 10 millions de tonnes en 2030, selon les projections révélées par Macky Sall lors d'une rencontre consacrée au secteur des hydrocarbures et de l'énergie en général, à Dakar, le 1er septembre. D'ores et déjà, Gta doit produire 2,5 millions de tonnes de gaz par an à partir de la fin de 2023.

L'année qui s'achève aura aussi été marquée par le récurrent débat sur la gestion du pétrole et du gaz. Alors que le pays s'apprête à produire ses premiers barils de pétrole et m3 de gaz (fin 2023), le débat sur les retombées a resurgi à la veille de l'ouverture de la session budgétaire. Dans une mise au point, le Ministère du Pétrole et des Energies soutient, via un communiqué de Petrosen, que le Sénégal va gagner " entre 50 et 64% " du bénéfice généré par l'exploitation du pétrole et du gaz. Pendant ce temps, le Sénégal a officialisé son adhésion à l'Opep des Africains et est devenu membre observateur à l'Opep du gaz. S. KAMARA et D. DIENG

TRANSPORT AÉRIEN

Avis de tempête sur le ciel africain

L'année 2022 aura été marquée, dans le domaine du transport aérien, par la grève des contrôleurs de l'Asecna. Un mouvement d'humeur pris très au sérieux en haut lieu, quoique son impact semble avoir été limité, à en croire le Directeur général de l'Asecna. " Heureusement pour nous, la grève n'a eu qu'un impact limité, contrairement à ce qui a été avancé par certains médias. Pendant les deux jours de grève, sur les 2.992 vols prévus, nous avons pu gérer les 2.800. Ainsi, 93 % des vols ont été effectifs, seuls 7 % des vols ont été annulés ", déclarait Mohamed Moussa dans un entretien accordé au " Soleil ".

Et après la tempête, le beau temps. Lors de sa dernière réunion de l'année, début décembre, le Conseil d'administration de l'Asecna a validé le plan de sortie de crise. À cette occasion, Doudou Kâ, le Ministre sénégalais des Transports aériens, s'est dit " heureux " de constater que " la plupart des préoccupations exprimées par les différents corps de métier ont pu être prises en compte ". Toutes choses qui participent, à ses yeux, " de la dynamique positive de consensus social et d'apaisement prônée par les ministres ".

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